Directrice générale d’Espaces ferroviaires depuis 2015, Fadia Karam chemine constamment entre deux cultures, libanaise et française, deux métiers, l’aménagement urbain et la gestion d’entreprise, et deux visions, la création de richesses et l’intérêt général.
Jeune, Fadia Karam rêvait de faire de l’humanitaire, mais sa famille l’en dissuade. Elle s’engage donc, à Beyrouth, dans un cursus plus sécurisant pour ses parents qui ont eu la difficile tâche d’élever trois enfants dans un pays en pleine guerre civile. Tout en évacuant ce sujet douloureux, cette femme, « très attachante » selon son entourage, reconnaît que son adolescence dans un climat si particulier a forgé son caractère et lui a appris à aller à l’essentiel, en « replaçant constamment l’homme au cœur des préoccupations ». « Mes racines libanaises ont sans nul doute impacté tout ce que j’ai réalisé dans ma vie », confie Fadia Karam.
Excellente élève, tiraillée entre sa fascination pour les mathématiques et les sciences, sa passion pour l’art et la poésie, elle opte pour une formation qui allie les deux. Diplôme d’ingénieur et d’architecte en poche, la jeune Fadia poursuit à Paris son parcours universitaire en le complétant par une formation en architecture urbaine, puis en aménagement à l’Ecole des ponts, et en immobilier à l’Essec. Le contraste entre sa ville dévastée et la Capitale française est d’autant plus brutal qu’elle voit des gens qui ont tout à portée de main et se plaignent constamment. Mais la richesse culturelle et la créativité française associées à une féroce envie d’apprendre compensent cet « étonnement ». « Je voulais comprendre ce que l’homme apporte à l’urbanité », explique ce petit bout de femme, au regard bleu pétillant.
Bien qu’elle arrive en France avec l’envie de créer sa société, et alors qu’à 55 ans ce projet la taraude toujours, elle poursuit dans de grands groupes son parcours commencé dans un bureau d’études. Fadia Karam alterne des missions pour comprendre la chaîne de la fabrique de la ville, de l’aménagement à l’EPA de Saint-Quentin-en-Yvelines à l’ingénierie urbaine globale chez UrbanEra, en passant par l’immobilier chez Nexity Apollonia et les partenariats public/privé chez ING real estate development.
Extrême persévérance
« Ce cheminement m’a permis d’aller en permanence au-delà de ce que je maîtrisais », convient cette « bosseuse » qui aime « se challenger ». « Il y a peu de femmes avec ce profil », admet Sophie Boissard, ex-directrice générale de SNCF immobilier, qui l’a recrutée en 2015 pour piloter la stratégie de valorisation des actifs du groupe qui ne sont plus exploités. Très vite, on lui confie également la direction générale de la Société nationale d’espaces ferroviaires (SNEF), la filiale d’aménagement et de promotion immobilière du groupe, avec comme mission de transformer cette filiale en outil de développement.
Un challenge relevé avec brio au travers de plus de 45 projets urbains en cours dans 14 villes, dont 4 à Paris (Chapelle international, Hébert, gare de Lyon-Daumesnil et Ordener-Poissonniers). « SNEF est le seul acteur à mener ses propres opérations d’aménagement dans la Capitale », souligne Claude Praliaud, « une reconnaissance du professionnalisme de Fadia Karam et de sa capacité à dialoguer dans un climat de confiance avec les élus », ajoute l’ancien directeur de l’urbanisme de la ville de Paris, tout en confiant « qu’elle ne lâche rien ».
Sous un air débonnaire, cette maman d’une petite fille, passionnée de voyages surtout en Afrique, dissimule en effet une « extrême persévérance » et une conviction indéfectible de faire la ville dans l’intérêt général. Une autre singularité.