F. Tastet : « Le modèle de métropole intégrée est surréaliste »

Fabien Tastet, président de l’Association des administrateurs territoriaux de France (AATF), juge l’éventuelle suppression des établissements publics territoriaux (EPT) « impossible du point de vue opérationnel et inacceptable du point de vue démocratique ».

Que pensez-vous de la prise de position de certains qui, dans le débat sur l’avenir du Grand Paris, plaident pour la suppression des EPT ?

Fabien Tastet, président de l’Association des administrateurs territoriaux de France (AATF)

Je m’en remets à la sagesse du président et du gouvernement qui ne feront pas le choix de la solution la plus surréaliste pour faire évoluer le Grand Paris ! Imaginez un seul instant un espace de sept millions d’habitants géré par une collectivité unique depuis quai d’Austerlitz [siège de la MGP, ndlr], sans échelon démocratique intermédiaire entre elle et les communes. C’est impossible du point de vue opérationnel et inacceptable du point de vue démocratique.

Mais la MGP pourrait avoir des services déconcentrés ?

La déconcentration, c’est une forme souriante de recentralisation. Dans un tel système, la décision politique relève d’une entité juridique unique. Cela voudrait dire que demain, par exemple, la métropole attribuerait les marchés de collecte des déchets, d’entretien des piscines, à la place des élus territoriaux et municipaux. Cela signifierait que des collectivités comme Plaine Commune – qui ont près de 20 ans d’existence – deviendraient des sortes de mairies d’arrondissement ou encore que Paris serait sous l’autorité hiérarchique de la métropole. Cela impliquerait que les centaines d’agents qui ont été transférés depuis 18 mois aux territoires seraient plongés dans une nouvelle phase d’incertitudes. On rêve !

Alors il ne faut rien faire ?

Bien sûr que non. Il faut d’abord partir des bons constats. La petite couronne, vaste et inégalitaire, a besoin de deux niveaux d’intervention publique. Il faut, d’une part, un niveau qui assure ce que j’appellerais une proximité rationalisée. C’est la vocation du couple EPT/communes, équivalent du couple communes/intercommunalités partout ailleurs en France. De ce point de vue, je crois que les territoires ont fait la preuve de leur efficacité depuis un an. Ils publient d’ailleurs une plaquette faisant le bilan de leurs réalisations. Ce premier niveau d’intervention est donc à conforter, en donnant aux EPT le même statut que les autres EPCI à fiscalité propre.

Et puis il y a, d’autre part, besoin d’un niveau d’intervention publique à une échelle plus vaste. C’est là qu’il y a, aujourd’hui, concurrence entre plusieurs acteurs : MGP, Région, départements. C’est donc dans cet écosystème qu’il faut mettre de l’ordre et procéder à des réformes.

Mais tous les territoires ne se développent pas au même rythme, c’est un problème non ?

Je ne crois pas. Ce qui compte, c’est plus la ligne d’arrivée que celle de départ. Les EPT n’ont pas la même histoire, certains sont issus d’EPCI, d’autres des créations sui generis, qui partent donc de plus loin. Mais une saine émulation entre eux les fait converger vers un haut niveau d’activité. Ils peuvent se prévaloir déjà d’un bilan important : plusieurs centaines de millions d’investissements en 2016, des économies dans les domaines de l’assainissement, des déchets, de l’éclairage public, des améliorations de service public notamment en matière de culture, une vitalité de leur ancrage démocratique à travers la création d’observatoires associant les forces vives de leurs territoires, etc. Ils sont donc un acteur incontournable des évolutions à venir. Une bonne réforme, c’est une réforme qui s’appuie sur ce qui fonctionne !

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