La sénatrice EELV de Paris s’est rendue lundi 13 mai 2019 à l’établissement pénitentiaire pour mineurs de Porcheville (EPM) pour une visite inopinée. A l’instar d’un rapport de la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté daté de 2017, Esther Benbassa a pu constater l’hygiène déplorable des sanitaires.
Les douche-WC-lavabo des cellules de l’établissement pénitentiaire pour mineurs (EPM) de Porcheville sont dans un état déplorable, une sorte de salpêtre couvrant les parois humides. « Si les murs sont repeints tous les trois ans, nous ne pouvons pas intervenir sur les sanitaires dans l’attente du règlement en cours d’un contentieux avec le constructeur au sujet de l’exercice de la garantie décennale », explique Nathalie Jaffré, directrice de cet établissement ouvert en 2008.
Dans son rapport établi en 2017, Adeline Hazan, contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, avait souligné trois « points négatifs » concernant cet établissement, seul EPM d’Ile-de-France : l’état déplorable des sanitaires, vérifié donc deux ans plus tard, le manque de personnel, notamment au sein des effectifs de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), avec 31 agents au lieu des 36 prévus, ainsi qu’une nourriture insuffisante.
La visite de la sénatrice Benbassa, coutumière de cet exercice démocratique salutaire, a permis également de constater que le problème de la nourriture n’est pas quantitatif. « Nous contrôlons chaque jour le grammage des plats servis par notre prestataire (NDR : la société R2C, dans le cadre d’un contrat de partenariat public-privé portant sur l’exploitation de l’établissement, conclu avec la société Gepsa) », indiquera la directrice de la prison. « Mais les exigences d’équilibre alimentaire ne sont pas toujours du goût des jeunes détenus qui préfèrent les compléments, sucrés et salés, ainsi que les sodas, qu’ils peuvent se procurer en cantinant », expliquera également la fonctionnaire.
« On mange mal »
Plusieurs détenus se plaindront de l’absence de plats chauds servis lors du ramadan, de la coupure imposée de la télévision à minuit, de l’isolement résultant d’un encellulement individuel et de promenades à trois seulement.
« On mange mal », reviendra tout au long de la visite, à chaque rencontre avec des détenus. Le manque de formation de personnels n’ayant pas de compétences particulières pour surveiller des mineurs constituera l’autre constat majeur de cette visite de plus de deux heures, lors de laquelle la directrice de l’établissement ouvrira, les uns après les autres, les différents lieux que la sénatrice souhaite inspecter. « Ici, madame la sénatrice, le droit est respecté », fera valoir la fonctionnaire, alors qu’Esther Benbassa s’inquiète d’allusions récurrentes de détenus à de possibles mesures de rétorsion au cas où ils s’exprimeraient trop librement pour critiquer leurs conditions de détention.
Si une prison pour mineurs ne peut être autre chose que l’image même de l’enfer sur terre, cet EPM est aussi un collège et un lycée, dans lequel les 55 détenus (sur 60 places), sont scolarisés. Il comprend une salle de cardio-training et de musculation, des terrains de sport, une médiathèque. Des partenariats sont actifs avec le Château de Versailles pour des activités de dorure et avec l’Institut du monde arabe pour des ateliers de calligraphie.
La violence, supérieure à celle des établissements classiques, constitue l’autre sujet central de la visite d’Esther Benbassa. Les surveillants interrogés, tout comme la directrice de l’établissement, à la bienveillance manifeste, l’expliquent notamment par l’amplitude des plages horaires auxquelles les jeunes détenus sont en contact avec les équipes éducatives et les surveillants, de 6 à 8h par jour. L’absence de formation spécifique à la psychologie de ces mineurs est également soulignée. « Lorsque l’on est privé de liberté, on ne réfléchit et on ne réagit parfois pas comme il le faudrait », résumera un éducateur. La faible attractivité de professions peu valorisées, aux salaires faibles, aboutit à un sous-effectif chronique, déplorera un délégué syndical.
Les actes de violence ont parfois pour origine la volonté des détenus d’être transférés en maison d’arrêt, où le tabac et les stupéfiants circulent plus librement, explique un surveillant. 90 % des détenus de Porcheville y sont en détention provisoire, en attente de leur jugement, pour une durée de séjour moyenne de 3 mois et 13 jours.
L’EPM, situé entre l’ancienne centrale thermique d’EDF à Porcheville et une déchetterie industrielle, au milieu des champs, dispose également d’une unité sanitaire, dotée de quatre infirmières, d’un psychologue, ainsi que d’un médecin et d’un psychiatre à temps partiel.