Global cities makers : un forum dédié à la marque et au territoire

Comment et sur quel positionnement une ville peut-elle se créer une identité particulière ? Tel était l’objet de la seconde édition de l’événement organisé par Paris-Ile de France Capitale Economique le 5 mars 2020.

« J’ai entendu hier soir un débat sur une élection municipale. J’ai entendu parler de propreté et de sécurité, mais fort peu de développement économique. Or, il n’y a pas de vie sans activité économique. » Didier Kling, président de la chambre de commerce et d’industrie Paris Ile-de-France, a introduit la seconde édition du forum des Global cities makers, organisé le 5 mars par Paris-Ile de France Capitale Economique dans les locaux de la CCI régionale. Et d’activité économique, sous toutes ses formes, il en a été ici question. Ville augmentée, ville sportive, ville atelier, ville verte, ville de droit : la compétition pour l’attractivité que se livrent les métropoles passe aussi par le récit que ces dernières peuvent raconter au monde. La marque et le territoire, tel était donc le thème de cette seconde édition.

La seconde édition du Global cities makers forum était consacrée à la marque et au territoire. © Jgp

Les deux termes peuvent sembler antinomiques. « La marque appartient à une sphère très commerciale, le territoire à une sphère très citoyenne. Pourtant, je ne conçois pas une marque sans territoire », a développé Rémi Babinet, président fondateur de BETC, Cette agence de publicité, basée à Pantin, a ainsi ancré dans les quartiers populaires l’identité des maillots du club de football du Redstar.

La ville augmentée, pour plus d’expérience physique

« Ville augmentée » : telle est sans doute l’une des identités de ville les plus prisées du moment. Mais qu’est-ce qu’une ville augmentée ? Pour Jan Bunge, directeur général du studio Squint/Opera, c’est une cité qui se construit d’abord virtuellement. Il accompagne les architectes et les faiseurs de l’urbain en utilisant, par exemple, la réalité virtuelle : « Cela permet aux usagers de s’immerger dans le futur, et de sentir très concrètement, par exemple, la différence entre un immeuble de 4 ou de 15 étages. Car les individus sont les mellleurs capteurs ! » Jonathan Chemla, directeur technologique de la start-up Iconem, estime que la ville augmentée est aussi celle qui valorise son patrimoine en 3D – spécialité d’Iconem – « pour se créer une image de marque, montrer ses spécificités, et inciter les gens à vivre cette expérience », a-t-il estimé.

Marie-Célie Guillaume, DG de Paris La Défense. © Jgp

« La vie en grand », autrement dit la vie augmentée : tel est le slogan de Paris La Défense. Pour autant, si le BIM et le big data sont ici utilisés quotidiennement pour bâtir et aménager, Marie-Célie Guillaume, directrice générale de Paris-La Défense, prône une expérience augmentée physique autant que virtuelle : « la technologie augmente les possibilités, mais elle enferme parfois, et il faut un retour à des choses très simples pour se rencontrer et être ensemble. Ainsi, nous avons constaté que les utilisateurs préfèrent un beau banc public en bois entouré de végétation que du mobilier urbain hyperconnecté. »

Le sport, une nouvelle image pour la ville

Il compte plus de 450 millions de fans de par le monde. Le Real Madrid ne constitue cependant que la face émergée de l’engagement sportif de la Capitale espagnole. « Désormais, nous organisons des évènements sportifs dans de multiples disciplines, tous les mois, voire toutes les semaines », a témoigné Manuel Gimenez, ministre de l’Economie, du Travail et de la Compétitivité de la région madrilène. Cela permet de mieux amortir le coût des infrastructures, mais cela suppose également d’engager la population dans le sport, au quotidien, a poursuivi l’édile. « Le sport apporte une image jeune, dynamique, de santé à la ville », a estimé Fabrice Landreau directeur sportif délégué du Stade Français. Pour autant, une ville misant sur le sport doit aussi investir dans les infrastructures : d’entrainement, de transport, d’hébergement.

Le sport bénéficie aussi aux acteurs de la ville. Ainsi, le groupe Accor est-il devenu partenaire officiel du PSG. « Le PSG, c’est aussi l’image de Paris et de la France », a estimé Mehdi Hemici, vice-président en charge des partenariats du groupe hôtelier, poursuivant : « cela nous permet de regagner la relation avec nos clients, et de la construire dans la durée, alors que nous sommes confrontés à une désintermédiation de l’hébergement ».

Les retombées économiques du sport, Cyrille Tricart, responsable des relations avec les collectivités du groupe ASO-Tour de France, les connaît bien : « En moyenne, le grand départ du Tour entraîne 30 millions d’euros de recettes dans la ville organisatrice », a-t-il affirmé. Mais n’est pas ville du Tour qui veut : « pour rayonner, il faut des pratiques et des grands champions qui font rêver, et donc des infrastructures, de l’encadrement, des financements ! »

Les makers font la ville

Pas question pour la métropole d’oublier ses ateliers. « Le futur se construit par la matière, et en connectant la main et l’esprit », a expliqué Philippe Chomaz, directeur scientifique du CEA. Mais si les métiers d’art contribuent largement à l’image de Paris, « il leur faut parfois se battre tous les jours pour arriver à vivre », a témoigné Raphaelle Le Baud, fondatrice du studio d’expertise Métiers rares. La fascination ne se transforme pas toujours en business, tandis que les métiers peinent à recruter, mais aussi à exister dans cette ville très dense – et très chère -, a témoigné Jean-Louis Fréchin, architecte designer.

Le droit, un véritable marché

« Il n’existe pas de grands espaces économiques si on ne peut pas offrir des services légaux et judiciaires. Du reste, le droit, les activités juridiques et judiciaires constituent une activité économique », a souligné Noëlle Lenoir, avocate associée de KLNF qui préside actuellement la commission juridique de Paris-Ile de France Capitale Economique. Une commission qui œuvre pour une prise de conscience de ce poids et pour renforcer la compétitivité de Paris en ce domaine.

Noëlle Lenoir préside la commission juridique de Paris Capitale Economique. Jgp

« L’attractivité économique doit s’accompagner de l’attractivité juridique. Il faut que notre droit soit conçu au service de l’économie et il contribuera à l’attractivité d’une ville comme Paris », a renchéri Bertrand Savouré, président de Notaires de Paris. Il l’a rappelé : les notaires se sont déjà mobilisés pour contribuer à cette attractivité, réunissant toutes les études des sept départements franciliens dans une même structure. « Beaucoup d’éléments se conjuguent pour renforcer l’attractivité de Paris dont le Brexit et les JOP. Mais nous travaillons au-delà de la France et de l’Europe : nous participons à un travail très important en Chine pour expliquer ce qu’est notre modèle de droit continental, nous allons nous rendre au Japon pour impulser une attractivité juridique. »

La place de Paris s’est dotée d’un haut comité juridique. « Paris est une place d’arbitrage très importante mais nous cherchons, notamment, à attirer plus de litiges dans le domaine financier, domaine qui reste largement anglo-saxon », a expliqué Anne Maréchal, directrice des affaires juridiques à l’Autorité des marchés financiers, rappelant : « dans ce domaine, les habitudes sont très anglo-saxonnes ».

La course vers le vert

« Être vert, c’est désormais une injonction pour les villes », a constaté Marc Lhermitte, partenaire chez EY. Lorsque l’on interroge les habitants sur l’attractivité des métropoles européennes, le type de mobilité est déterminant. « Cela se mesure par le nombre de voitures pour 1 000 habitants : en deça de 300, on se trouve dans un cercle vertueux, au-delà de 450-500, on reste dans les villes à l’ancienne qui ont du mal à sortir du tout-voiture », a expliqué le consultant. « Le Brexit se jouera sur notre capacité à montrer que nous sommes compétitifs, mais les entreprises qui cherchent un lieu d’implantation nous demandent aussi de passer au crible ces choix de localisation liés à l’environnement car c’est la demande pressante de leurs collaborateurs. » Dans le classement réalisé par EY à paraître dans quelques jours, Paris arrive deuxième des grandes métropoles internationales après Francfort et avant Londres.

Directrice régionale Ile-de-France chez EDF, Catherine Lescure a également constaté cette prise de conscience environnementale : « tous les grands acteurs, publics et privés, réalisent des plans visant à la neutralité carbone d’ici à 2050. Ainsi, la région Ile-de-France souhaite multiplier par 60 les capacités solaires d’ici à 2030. » Face à ces ambitions, il faudra mettre en place des moyens suffisants, qu’il s’agisse de moyens financiers, ou réglementaires, pour inciter à la multiplication des panneaux solaires sur les toits et favoriser l’auto-consommation par exemple.

Pour la RATP, l’injonction écologique suppose « d’une part, d’avoir un service d’excellence sur les transports publics de masse, et, de l’autre, de le compléter par un service de proximité, de porte à porte », a expliqué Marie-Claude Dupuis, directrice stratégie, innovation et développement,

Marc Lhermitte, partenaire chez EY, Catherine Lescure, directrice régionale Ile-de-France d’EDF, Marie-Claude Dupuis, directrice stratégie innovation et développement de la RATP, Ralf Ploenes, vice-président de Legrand. © Jgp

L’opérateur de transport a également décidé de verdir à 100 % ses 4 700 bus d’ici à 2025. « Nous avons donné le la au niveau international, puisque lorsque nous avons pris notre décision, seuls les Chinois avaient un parc important de bus électriques », a souligné Marie-Claude Dupuis. Mais une ville moderne peut-elle vivre sans de multiples données, capteurs, et donc d’énormes datacenters ? Ralf Ploenes, vice-president de Legrand datacenter solutions Germany, ne le croit pas : « le cloud est la façon la plus efficace de traiter les données. Et cela doit se faire au plus près des usagers », a-t-il affirmé. Certes, les datacenters sont très énergivores : « mais ils sont aussi de plus en plus efficaces », a -t-il voulu rassurer.

Marie-Cécile Tardieu, directrice générale déléguée invest de Business France, a conclu cette journée en l’affirmant : « Non seulement l’attractivité de la France, et de Paris, ne cesse de progresser. Mais nous voyons aussi très bien l’importance des marques françaises, tout autant que l’importance d’aller, en équipe, à l’international. »

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