A la surprise générale, lors d’une élection riche en rebondissements, Patrick Ollier a été réélu à la présidence de la métropole du Grand Paris avec 133 voix, lors d’un second tour de scrutin lors duquel il était seul candidat. Vincent Jeanbrun, qui avait remporté les primaires organisées l’avant-veille au sein du groupe Les Républicains et indépendants a quitté l’assemblée avant la fin du vote, dénonçant « les petites magouilles » et un « déni de démocratie ».
Alors qu’il n’était pas candidat lors du 1er tour de scrutin après avoir perdu les primaires internes aux Républicains et indépendants, organisées mardi 7 juillet, c’est finalement Patrick Ollier qui a été réélu président de la métropole du Grand Paris jeudi 9 juillet 2020. La première surprise – d’une journée où elles ont été nombreuses – a été créée par le score obtenu lors du 1er tour du scrutin par le candidat UDI, en la personne du maire de Sceaux Philippe Laurent. Ce dernier se classe 2°, avec 73 voix, derrière le maire (Libres !) de L’Haÿ-les-Roses Vincent Jeanbrun (79 voix) et devant les candidats du Front de gauche Patrice Leclerc (26 voix) et du PS Daniel Guiraud (16 voix). Patrick Ollier, qui ne s’est pas présenté donc, recueille néanmoins 9 voix.
Des résultats à comparer aux rapports de force au sein de la métropole, et qui montrent que Vincent Jeanbrun ne fait pas le plein des voix LR, tandis que Philippe Laurent réalise un score qui dépasse largement le nombre des membres de son groupe.
Le retour de Patrick Ollier
Une suspension de séance, d’une heure, est alors demandée et obtenue, pour permettre aux différentes formations de s’entendre en vue du second tour. Arithmétiquement, Vincent Jeanbrun ne peut réunir une majorité absolue sur son nom, sauf si l’UDI se désiste en sa faveur. Ce qui ne sera pas le cas. Le maintien, lors du second tour, de la candidature de l’ensemble des candidats du 1er puis le désistement de tous les candidats sauf Vincent Jeanbrun, pour Philippe Laurent, après la candidature de ce dernier, provoque la demande par le maire de l’Haÿ-les-Roses, d’une nouvelle suspension de séance. Le vainqueur de la primaire LR sait qu’il s’apprête à perdre ces élections face à Philippe Laurent.
Durant cette longue suspension, l’hypothèse d’un retour de Patrick Ollier dans la course est évoquée dans les couloirs. La réunion du groupe LRI s’éternise, son président Eric Cesari demandant et obtenant plusieurs prolongations de la suspension de séance. Au final, c’est Valérie Pécresse elle-même qui arbitrera la partie au sein des LR. Haut-parleur activé du téléphone qui l’a appelée, elle annoncera aux élus qu’elle soutient Patrick Ollier. Les Républicains préfèrent sans doute conserver la métropole que de la voir basculer vers l’UDI. Et Philippe Laurent, qui aurait pu se maintenir et peut-être l’emporter, mais qui fait partie de la majorité LR-UDI à la Région, annonce, dès la reprise de la séance, qu’il se désiste, « dans un esprit d’apaisement », pour Patrick Ollier. Sans doute le maire de Sceaux ne souhaite-t-il pas devenir président de la métropole « par effraction ».
Le maire de Rueil-Malmaison est donc, finalement, le seul candidat à se présenter au 2° tour, qu’il remporte avec 133 voix. Vincent Jeanbrun a déjà quitté la salle, après avoir dénoncé « des petites magouilles et des élus qui font honte à la démocratie ».
Gouvernance partagée
En filigrane, c’est la gouvernance partagée qui semble avoir triomphé, aux dépens d’une vision plus clivée de la gestion de la métropole. En l’occurrence, si Vincent Jeanbrun déclare, lors des discours d’ouverture de la matinée, son attachement à cette gouvernance qui associe les différentes formations au sein du bureau métropolitain, sa volonté de nommer Rachida Dati, qui l’a soutenu lors des primaires et à laquelle il doit au moins partiellement sa victoire, à la première vice-présidence de la MGP ne passe pas chez les socialistes.
Anne Hidalgo le dira clairement à l’issue du scrutin. « Nous avons accepté, en 2016, de participer à la gouvernance partagée à la condition que Paris, première ville de la métropole, ait la 1re vice-présidence, signe que nous pouvions travailler ensemble, dans le respect du fait majoritaire mais au service de l’intérêt général. Vincent Jeanbrun, en voulant nommer à ce poste la cheffe de mon opposition, a fait voler cet accord en éclats », résume la maire de Paris. Plusieurs élus socialistes ont donc malicieusement, au premier tour, voté pour l’UDI, gageant que le succès de Philippe Laurent provoquerait l’effacement de Vincent Jeanbrun au profit d’un autre candidat plus enclin à cette fameuse gouvernance partagée.
Vincent Jeanbrun : « Anne Hidalgo a réinstallé ses duchés et ses baronnies »
Lors d’une conférence de presse improvisée après l’annonce de la candidature de Patrick Ollier, sur le parvis du Palais des congrès de la Porte Maillot, Vincent Jeanbrun ne cachait pas son amertume annonçant son intention de créer un second groupe LR au sein de la métropole, regroupant notamment les LR parisiens. « Patrick Ollier est prêt à tout pour se faire élire avec les voix socialistes, poursuivait le président du Forum métropolitain du Grand Paris. Anne Hidalgo a réinstallé ses duchés et ses baronnies. Ce scrutin démontre que la métropole est l’arrière-cour de la ville de Paris. »
« Nous avons des problèmes énormes à régler, en matière d’emploi, de transition écologique, ainsi que des choses magnifiques à réaliser, par exemple en construisant les équipements des Jeux olympiques », déclarait Anne Hidalgo à l’issue du scrutin. La maire de Paris a insisté sur la nécessité de respecter les logiques d’une gouvernance partagée, propres au fonctionnement d’une assemblée de communes au sein de laquelle, en effet, les clivages habituels ne peuvent s’appliquer.
L’intercommunalité suppose, c’est exact, le respect de chaque commune, quelle que soit par ailleurs sa couleur politique. Mais cela dit, on peut tout de même s’interroger sur l’impact qu’aura le scrutin du 9 juillet, qui a reconduit Patrick Ollier, à la surprise générale, à la tête de la métropole. Les optimistes estiment que la métropole ne sort nullement affaiblie de cette rocambolesque élection, la laissant en réalité dans un état inchangé. Ils ajoutent que les Grands Lyon, Lille ou Bordeaux ne se sont pas faits en un jour, et qu’il faut laisser du temps au temps. Les pessimistes estiment que Patrick Ollier ne dispose pas d’une majorité au sein de sa propre formation, alors qu’une cinquantaine de conseillers n’ont pas pris part à son élection – ceux qui avaient choisi Vincent Jeanbrun à la primaire. Et donc que l’exécutif métropolitain n’aura aucune capacité à réussir à faire avancer, à l’avenir, les dossiers sur lesquels elle a buté au cours des derniers mois. Espérons que la réalité les démentira.