Si l’Etat apporte l’essentiel de l’aide financière nécessaire à la survie des acteurs de terrain et artistes en cette période de crise sanitaire, certains territoires franciliens ont également pris des initiatives pour les soutenir.
La culture vivante n’en finit plus d’attendre… et de mourir à petit feu. L’arrivée des vaccins contre la Covid en janvier avait fait naître l’espoir d’une réouverture à court terme des salles de spectacles, lieux où les contaminations sont rares. Las, l’apparition de variants plus contagieux ralentit ce retour à la normale et Roselyne Bachelot, la ministre de la Culture, ne s’aventure plus à donner de date. Si l’Etat a prévu un ensemble de dispositifs pour aider financièrement les artistes et les acteurs culturels, le secteur souffre énormément, en particulier en Ile-de-France où se concentre la plupart des manifestations.

Du chœur à l’ouvrage – Conception, musique et mise en scène Benjamin Dupé – Livret original Marie Desplechin – Théâtre de Caen. © Christophe Raynaud de Lage
D’où la volonté de certaines collectivités locales d’apporter un soutien économique supplémentaire. Des plans d’urgence ont en réalité été pris dès le premier confinement et abondés par la suite, d’abord par la région Ile-de-France (voir encadré) et la mairie de Paris, avec un plan qui représente actuellement un total de 25,7 millions d’euros.
Des solutions pour aider la culture vivante
Mais ce sont aussi les municipalités franciliennes qui ont tenté de trouver des solutions pour aider la culture vivante. Celle de Montreuil (Seine-Saint-Denis), à l’origine d’une lettre demandant la réouverture des lieux de culture en date du 16 décembre et signée par une centaine d’élus locaux, est à la pointe de ce combat. « Nous continuons de payer à 100 % tous les artistes vacataires qui devaient intervenir régulièrement dans nos équipements culturels et scolaires, ce qui n’est pas neutre sur le plan budgétaire », indique Alexie Lorca, adjointe au maire en charge de la culture.
Même état d’esprit à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne), également une municipalité de gauche. « Nous avons aidé le spectacle vivant en maintenant les coûts-plateaux pour les spectacles annulés au théâtre municipal Fontenay-en-Scènes. Nous n’avons pas entièrement indemnisé les compagnies, mais elles ont reçu ce que coûtait le plateau. L’ensemble de ces sommes représentent 60 000 euros », explique May Bouhada, adjointe au maire déléguée à la culture.
A droite également, les villes ne sont pas restées inactives. C’est le cas de Sceaux (Hauts-de-Seine). « Le festival de lectures publiques Paroles a été reporté mais nous avons payé par avance certaines prestations à des compagnies théâtrales », rappelle Jean-Philippe Allardi, adjoint au maire chargé de la culture. A Fontenay-sous-Bois, le festival de rock Les Aventuriers, qui a lieu en décembre, a été décalé à la saison prochaine. « Mais si les spectacles sont de nouveau annulés, les artistes seront indemnisés », explique May Bouhada.
Report et création d’évènements
En sus de ces dédommagements, les mairies peuvent aussi aider les artistes en jouant sur les dates de programmation ou les lieux des évènements qu’ils organisent. « Nous avons prévu de faire au printemps un ou deux spectacles hebdomadaires des Schubertiades, alors que ces concerts se déroulent en principe d’octobre à mars, note Jean-Philippe Allardi. « Pour le festival Marmoe de Montreuil, qui a été annulé, nous avons demandé aux artistes et aux compagnies programmés de jouer dans les écoles », souligne Alexie Lorca.
La création de nouveaux évènements peut aussi être une solution. « Nous avons imaginé le festival Musiques au balcon durant le premier confinement. Cela a permis de donner des cachets aux musiciens qui se produisaient dans les quartiers depuis les fenêtres de leur habitation, se souvient l’élu montreuilloise. Fontenay, de son côté, a lancé un appel à projets avec des spectacles en plein air gratuits. « Nous avons inventé en 2020 Un Eté à Fontenay avec une aide de 30 000 euros, dont 20 000 versés aux artistes. Pour l’évènement Nuits de la lecture, nous avons basculé vers des animations avec des petits concerts à la médiathèque. On fait comme l’eau, on essaye de se glisser partout. Le problème, c’est que tous les 15 jours, on nous dit qu’on va ouvrir. C’est donc très compliqué de trouver des solutions alternatives. »
Marges de manœuvre budgétaires faibles
Au-delà de ces soutiens et aménagements, les mairies peuvent octroyer aux artistes et acteurs de la culture vivante des aides directes, mais les marges de manœuvre budgétaires sont faibles. « Les subventions pour les associations montreuilloises ont été versées de la même façon, mais nous n’avons pas pu les augmenter. Il y a également des aides substantielles versées via l’EPT Est Ensemble à travers un fonds de soutien culture et développement économique. La salle de concert La Marbrerie, qui n’avait jamais demandé de subventions, en a bénéficié à ce titre », indique Alexie Lorca.
L’accès aux équipements culturels est finalement la plus précieuse des aides, comme le rappelle May Bouhada (Fontenay) : « Nous apportons un soutien en logistique et en industrie en les mettant à disposition des compagnies et des artistes. Il y a six résidences d’une semaine entre mai et juillet et six autres entre fin octobre et mi-décembre. Et cela se poursuit actuellement avec aussi l’accueil de tournage de clips. »
La Région en soutien
La Région ne pouvait rester indifférente au sort de la culture et un fonds d’urgence de dix millions d’euros a été mis en place dès mars 2020. « Il a été porté à 20 millions à l’occasion d’un budget supplémentaire le 11 janvier », souligne Florence Portelli, vice-présidente de la Région chargée de la culture, également maire de Taverny (Val d’Oise). 15 millions ont été alloués aux projets impactés. « Elle a permis d’aider 665 structures : les festivals Rock en scène, We Love green, Série séries, des acteurs culturels comme le Théâtre Firmin Gémier et son Espace cirque à Antony…. »
Par ailleurs, 1,7 million d’euros a été consacré à des aides exceptionnelles de 8 000 euros maximum pour le spectacle vivant, qui ont concerné 252 structures. « Elles sont versées aux opérateurs et compagnies pour compenser les pertes liées à la billetterie, sous réserve de maintenir l’emploi des intermittents », rappelle l’élue. 1,5 million a été fléché pour des aides de 5 000 euros maximum à destination des commerces culturels (libraires, cinémas, galeries d’art…), qui ont concerné 295 structures pour compenser leur perte d’exploitation. Enfin, un million a servi à l’aménagement et la protection des lieux et commerces culturels pour la mise en place des mesures barrière (48 structures aidées pour 35 000 euros maximum). « Ces trois dernières aides vont être reconduites en 2021, assure Florence Portelli. Le fonds de 20 millions d’euros a été entièrement consommé, mais il va être réabondé ».