L’association « une monnaie pour Paris » organise le 12 mai 2018 le lancement, sur Paris, de la « pêche », qui circule à Montreuil depuis quatre ans. La mairie de Paris décidera quant à elle cet été de son soutien éventuel aux monnaies alternatives.
Encore 9 185 euros : à sept jours de la clôture de sa campagne de financement participatif sur KissKissBankBank, l’association « une monnaie pour Paris » attend donc encore plusieurs milliers d’euros pour boucler son plan de financement, sur les 20 000 demandés. Mais Lucas Rochette-Berlon, son président, par ailleurs étudiant à Sciences Po, a déjà tout prévu : « le 12 mai, nous organiserons à la mairie du 2e arrondissement un petit événement pour présenter la monnaie, et les comptoirs de change », explique-t-il.
Après avoir étudié pendant deux bonnes années comment mettre dans le portefeuille des Parisiens autre chose que l’euro, l’association a finalement opté pour une collaboration avec les fondateurs de la pêche, la monnaie lancée à Montreuil en 2014. L’idée est d’élargir progressivement le territoire des billets imprimés pour cette commune de Seine-Saint-Denis. Une dizaine de commerçants parisiens se sont déjà formellement engagés – outre les 90 déjà membres du réseau historique – et une quarantaine ont déclaré leur intérêt. « La campagne participative permettra de financer une salariée qui intensifiera les démarches commerciales », poursuit Lucas Rochette-Berlon.
Une monnaie solidaire
La pêche parisienne doit soutenir le commerce de proximité et les artisans locaux. Mais elle se veut également solidaire : pour 100 euros, chacun recevra 103 pêches. Libre à lui de conserver les trois pêches « bonus », de les donner à une association ou encore de contribuer à des enveloppes de « pêches solidaires » distribuées gratuitement aux personnes en situation de précarité.
Le même principe sera appliqué aux 3 % de frais de change perçus lorsque les entreprises reconvertiront leurs pêches en euros (les particuliers ne pouvant pas, eux, les reconvertir). D’ici à l’automne, « Une monnaie pour Paris » souhaiterait développer une version numérique de la pêche, pour faciliter les transactions, mais aussi les échanges entre les différentes monnaies locales françaises.
Un pari délicat
Nul doute cependant que l’entreprise est risquée : seul l’Eusko, au pays basque, a pour l’instant véritablement percé : l’équivalent de 750 000 euros sont en circulation, et la ville de Bayonne s’est même lancée dans une bataille pour pouvoir l’utiliser (la réglementation interdisant, a priori, pour l’instant, l’usage d’une autre devise que l’euro dans la comptabilité publique). Les autres monnaies locales peinent en revanche à trouver leur public. Seules 20 000 à 30 000 pêches montreuilloises sont du reste en circulation, alors que quelque 150 000 ont été reconverties en euros par les enseignes qui les acceptent.
La situation n’est en outre guère aisée à Paris, où la production locale est très limitée. « Mais c’est justement une façon de soutenir l’artisanat, l’agriculture, le petit commerce », explique Lucas Rochette-Berlon. Reste à savoir, également, si le projet recevra le soutien de la mairie de Paris, qui doit statuer en juillet prochain sur sa politique en la matière.
« En matière de monnaies complémentaires, nous avons trois pistes d’action »
Le lancement de la pêche à Paris contrarie-t-il les projets de la mairie en matière de monnaie locale ?
Non, tout cela va très bien s’arranger ! Nous avons travaillé ces deux dernières années pour étudier les monnaies locales déjà lancées, et évaluer leurs résultats. Mais la loi de 2014 sur l’économie sociale et solidaire ne nous autorise pas à émettre nous-même une monnaie. Nous ne pouvons que les soutenir !
Allez-vous soutenir « Une monnaie pour Paris » ?
Je vais proposer, lors de la première commission qui se tiendra en juin, puis lors du Conseil de Paris en juillet, trois pistes d’action. La première est de soutenir les associations qui œuvrent pour la diffusion de monnaies complémentaires : « une monnaie pour Paris », mais aussi, par exemple, les accorderies (échanges de services) ou des initiatives comme Mytroc. Nous souhaitons en revanche le développement de monnaies numériques, qui nous semblent mieux adaptées à la vie parisienne que les monnaies papier.
La seconde piste est de favoriser le développement de monnaies locales interentreprises qui pourraient conforter notre terroir de jeunes pousses et de PME. Enfin, nous pourrions développer sur l’ensemble de Paris des initiatives similaires à celle prise par la Semaest (société d’économie mixte d’animation économique) qui a lancé des chèques cadeaux « Paris Commerce ». Je ne présume pas de la décision finale, mais l’objectif est de trouver un outil qui soutienne, par le commerce, l’économie locale.