Alors que le droit français ne dispose d’aucun texte spécifique pour sauvegarder les arbres et que le nombre de sujets, hors ceux situés en forêt, diminue constamment, le CAUE 77 (Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement de Seine-et-Marne) et l’association A.R.B.R.E.S. (Arbres remarquables, bilan, recherche, études, sauvegarde) préconisent une évolution législative afin de concilier protection des arbres et développement urbain.
Personne ne doute un instant de l’intérêt de préserver les arbres et l’émotion est souvent vive dès qu’un projet prévoit l’arrachage de vieux sujets. Pour autant, le droit français ne prévoit semble-t-il rien de spécifique pour en garantir juridiquement la protection. C’est du moins le constat du CAUE 77 (Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement de Seine-et-Marne) et l’association A.R.B.R.E.S. (Arbres remarquables, bilan, recherche, études, sauvegarde) qui ont lancé un groupe de travail sur le sujet en 2016.

« L’arbre est fragile : c’est un organisme vivant altérable, ce n’est pas un objet ». Tel est le postulat des initiateurs du « Plaidoyer pour une loi en faveur de la protection des arbres hors forêt ». © CAUE 77, 2023
Celui-ci a procédé à un recueil des textes législatifs et réglementaires concernant les arbres, sauf ceux situés dans le code forestier, qui a abouti au constat que 60 textes dans 13 codes différents concernent les arbres sans qu’aucun d’eux ne visent à les sauvegarder. Au contraire, « ils sont souvent jugés comme des éléments gênants », indique Augustin Bonnardot, forestier arboriste au CAUE 77.
Certes, les arbres bénéficient de quelques protections, mais celles-ci n’ont pas été rédigées spécifiquement à destination du patrimoine arboré. Considérés comme des immeubles par le code civil, ils peuvent en effet être classés à l’inventaire des Monuments historiques avec une servitude très contraignante qui prévoit un périmètre de protection de 500 m autour. « Les Architectes des bâtiments de France doivent donner leur autorisation pour tout projet prévu dans ce périmètre », rappelle Grégorie Dutertre, aussi « l’outil monument historique n’est pas pertinent car les arbres sont des organisme vivants », argue la directrice générale du CAUE 77.
Avoir des outils de protection cohérents avec la nature
La classification « espace boisé classé (EBC) » préserve de son côté l’emprise des arbres, « mais pas leur sous-sol, c’est-à-dire leurs racines », poursuit Augustin Bonnardot, jugeant cet outil tout aussi « inadapté » pour les arbres isolés. Enfin, le code de l’urbanisme permet de considérer que l’arbre est un « élément de paysage », mais outre cet estampillage, cette disposition n’est pas pertinente pour pérenniser l’arbre à long terme, car il ne condamne pas les dégradations.

« Il est clair que certains arbres peuvent devenir dangereux, mais il faut savoir faire les bons diagnostics et donc les bons arbitrages », estime Augustin Bonnardot, forestier arboriste au CAUE 77. © CAUE77
Aussi, les propriétaires publics et privés, les aménageurs, les gestionnaires et les instances judiciaires ont bien des difficultés à veiller efficacement à la survie des arbres. Face à ce vide juridique, le CAUE 77 et A.R.B.R.E.S. suggèrent d’avoir des outils de protection cohérents avec la nature et de créer une loi « claire et simple » qui puisse guider les arbitrages à réaliser lors d’un projet d’aménagement. « Notre démarche n’a pas pour objectif de préserver les arbres coûte que coûte, mais plutôt d’aider à une prise de décision éclairée, explique Grégorie Dutertre, pour ne pas opposer les arbres et la densification urbaine ». Car « il est clair que certains arbres peuvent devenir dangereux, mais il faut savoir faire les bons diagnostics et donc les bons arbitrages », complète Augustin Bonnardot.
Convaincre les parlementaires
Car trop souvent encore, l’alternative consiste, lorsque cela est nécessaire pour mener un projet d’aménagement urbain, à couper des arbres anciens et replanter des jeunes sujets ailleurs, « sauf qu’il faut au moins 50 ans à un arbre jeune pour compenser les services rendus par un arbre adulte », rappelle le forestier arboriste.

« Notre démarche n’a pas pour objectif de préserver les arbres coûte que coûte, mais plutôt d’aider à une prise de décision éclairée », précise Grégorie Dutertre, directrice générale du CAUE 77. © Anh de France
Avec des outils juridiques adaptés (lire ci-dessous), les porteurs d’un projet pourraient justifier leurs choix. « Cette évolution législative montrerait au grand public que le développement des villes peut se poursuivre sans se faire au détriment des arbres », appuie Grégorie Dutertre, qui y voit également « une manière de se réconcilier avec l’évolution urbaine et sortir des relations conflictuelles ». Reste à en convaincre les parlementaires, à commencer par ceux de Seine-et-Marne, pour qu’ils portent une proposition de loi.
Les propositions pour améliorer la législation en faveur des arbres hors forêts
– Créer de nouveaux outils juridiques : servitude communale d’une part et publique d’autre part de protection en volume ; référent arbre dans les intercommunalités.
– Modifier certains textes législatifs existants : article 673 du code civil sur les arbres situés en limite de propriété ; simplifier et rationaliser la réglementation relative à la cohabitation entre les arbres et les réseaux.
– Simplifier la législation pour la rendre plus efficace : éliminer certains textes obsolètes ; créer un nouveau chapitre « Arbres hors forêts » dans le code de l’environnement.
– Réglementer les professions liées à l’arbre : élagueur, expert arboriste.