Les CAUE : la connaissance de l’architecture et du paysage au plus près du terrain

Créés par la loi sur l’architecture de 1977, les conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE) assurent des missions d’information, de sensibilisation et d’accompagnement des particuliers et des collectivités sur tout ce qui a trait à la promotion et au développement de la qualité architecturale, urbaine et environnementale. Ces structures associatives – on en compte une par département – se caractérisent par des interventions de terrain, en s’adaptant à chaque fois aux spécificités et aux besoins du territoire.

Une visite de chantier du Village des athlètes, une journée d’échanges sur la transformation de bureaux en logements, une projection-débat autour du film « Les Mains dans la terre, naissance d’un écovillage », une promenade urbaine pour décrypter les enjeux du futur PLU bioclimatique parisien, une initiation à l’architecture pour les enfants, la constitution d’un atlas des arbres remarquables, une matinée d’information sur la rénovation énergétique… petit inventaire non exhaustif d’événements ou d’initiatives organisés par l’un des huit conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE) franciliens.

Lors d’une promenade urbaine organisée par le CAUE 75 pour décrypter les enjeux du futur PLU bioclimatique. © Jgp

Créés par la loi sur l’architecture du 3 janvier 1977, les CAUE ont « pour objectif de promouvoir la qualité de l’architecture, de l’urbanisme et de l’environnement dans le territoire départemental », précise la Fédération nationale des CAUE. Structure associative présidé par un élu local, le CAUE est « un organe de concertation entre les acteurs impliqués dans la production et la gestion de l’espace rural et urbain. » A la fois centre de ressources, lieu de rencontres, d’échanges et de diffusion culturelle, le CAUE, composé de professionnels (architectes, urbanistes, paysagistes, etc.), apporte une aide à la décision à un public varié : particuliers, élus ou services de l’État, professionnels, enseignants, etc. Ses principales missions étant de conseiller, former, informer et sensibiliser.

« Chacune de ces missions est conduite de manière singulière par chaque CAUE, en fonction de son territoire et de ses moyens, précise Laëtitia Grigy, directrice du CAUE du Val-de-Marne. Par exemple, si je prends la mission de conseil aux particuliers, tous les CAUE l’assurent avec plus ou moins d’ampleur et une organisation un peu différente. Dans le Val-de-Marne, elle est assez importante puisque nous nous déplaçons dans plus de la moitié des 47 communes du département pour assurer et renforcer ce service public, directement en proximité au sein des services d’urbanisme des communes où les particuliers et les porteurs de projets peuvent rencontrer un architecte conseiller du CAUE. »

Valoriser la production architecturale

Si les professionnels des CAUE, conformément à la loi, assurent cette prestation de façon gratuite et ne peuvent être chargés de la maîtrise d’œuvre, ni dessiner un projet, la structure val-de-marnaise, afin de sensibiliser les particuliers à la plus-value de faire appel à un architecte libéral, a organisé en 2021 le palmarès “Architectures habitées”, dont elle vient de lancer la deuxième édition. « L’objectif est de valoriser la production architecturale à travers des projets exemplaires et inspirants du territoire, décrit Laëtitia Grigy. Il peut s’agir de construction de maison neuve, d’extension, de surélévation de rénovation,…, l’essentiel étant d’avoir un binôme maître d’ouvrage/maître d’œuvre afin de montrer, la plus-value de l’architecte dans la conception de l’espace et de l’habitat. Centrée uniquement sur des projets individuels, c’est une démarche qui n’existe que dans le Val-de-Marne. »

Ainsi, en Seine-et-Marne, le CAUE a lui réalisé, en collaboration avec l’Union départementale des architectes, un « bilan architectural local », soit un « BAL » qui offre un panorama de la production architecturale de la décennie 2010-2020 sur le département en compilant 300 réalisations dans le champ de l’habitat, des équipements publics, des bâtiments d’activités, des commerces…

Si ces initiatives entrent dans le cadre des missions de conseil et de sensibilisation sont communes à tous les CAUE, ces structures mènent aussi des actions ciblées et spécifiques, en fonction des demandes et des besoins exprimés sur le territoire. Ainsi, dans le Val-de-Marne toujours, après avoir été sollicité par deux communes pour les accompagner sur la végétalisation de leur cimetière, le CAUE va éditer un petit guide méthodologique sur cette question. « C’est un sujet encore émergent mais qui va sans doute intéresser d’autres villes, d’autant plus qu’elles vont être dans l’obligation d’appliquer la loi sur l’interdiction de l’utilisation de produits phytosanitaires pour l’entretien des cimetières », relève Laëtitia Grigy.

La carte du Bilan architectural local de Seine-et-Marne, réalisé par le CAUE 77. © CAUE77

Les CAUE peuvent également proposer des accompagnements sur-mesure sur un projet ciblé, à l’image de celui assuré par celui de l’Essonne à Paray-Vieille-Poste dans le cadre de la démarche d’urbanisme transitoire engagée par la commune avec l’EPT Grand Orly Seine Bièvre et l’Etablissement public foncier Ile-de-France, dans le but de déterminer les usages futurs du quartier de la Ferme de Contin. Une équipe d’architecte-designer du CAUE est ainsi présente chaque semaine dans la Maison du projet située dans la ferme afin de rencontrer le voisinage et d’imaginer collectivement le devenir de ce quartier historique. « Sur ce projet comme sur tous ceux que nous menons, nous essayons d’être le plus possible sur le terrain, afin de déterminer ce qu’il est possible de faire et ce qu’il ne l’est pas », commente Valérie Kauffmann, directrice du CAUE 91.

A Paris, des sujets au cœur des priorités municipales

Les spécificités territoriales sont aussi un critère déterminant dans les interventions de chaque CAUE : par exemple, en Seine-et-Marne, les enjeux autour du patrimoine arboré et des paysages tiennent une place importante, souligne Grégorie Dutertre, la directrice du conseil d’architecture, d’urbanisme et d’environnement, dont l’équipe compte, aux côtés de quatre architectes urbanistes, trois paysagistes concepteurs et un forestier arboriste.

Dans ce département dénombrant à la fois une majorité de communes de moins de 3 000 habitants et une part importante de surfaces agricoles, le CAUE a, par exemple, en lien avec le conseil départemental, élaboré un guide d’insertion paysagère des unités de méthanisation (voir encadré). « C’est une action très spécifique à la Seine-et-Marne », pointe Grégorie Dutertre, tout comme celle relative à l’évaluation des performances environnementales du chanvre en réhabilitation. « Dans le département, nous avons une chanvrière développée depuis une dizaine d’année et nous essayons de contribuer à la connaissance du chanvre car mélangé à la chaux il permet de faire du béton de chanvre. Nous avons donc fait une instrumentation avec le Cerema d’un bâtiment ancien rénové avec du béton de chanvre pendant deux ans », poursuit la directrice du CAUE. Objectif : pouvoir mieux évaluer les performances thermiques, hydriques et acoustiques de ce matériau et le promouvoir en réhabilitation, dans le cadre de l’ensemble de ses missions de conseils, sur la base de performances mesurées.

A l’inverse, dans la Capitale, les problématiques sont d’une toute autre nature. « Notre spécificité est d’être à la fois sur une ville-département et un territoire entièrement bâti », souligne Laurence Duffort, la directrice du CAUE parisien. De fait, le lien de la structure avec la Ville est particulièrement étroit. « Tous les sujets que nous portons sont au cœur des priorités municipales, poursuit-elle. Nous sommes en appui des politiques municipales et travaillons avec différentes directions de la ville de Paris, celle de l’urbanisme bien sûr, mais aussi de la voirie, dans le cadre notamment de la démarche “Embellir mon quartier”, des espaces verts… Nous sommes très engagés dans l’accompagnement de la municipalité sur les enjeux d’adaptation au changement climatique. »

Laurence Duffort, directrice du CAUE de Paris. © DR

Et Laurence Duffort de citer un des « projets phares » dans ce domaine, celui des cours oasis, dans le cadre duquel le CAUE 75 accompagne la mairie depuis 2017, une démarche depuis déployée dans d’autres départements franciliens. La structure est par ailleurs très investie dans l’élaboration du futur PLU bioclimatique de la Capitale (voir ci-dessous). « Nous vivons une époque où les enjeux d’adaptation au changement climatique mettent en lumière l’intérêt d’une structure comme la notre, très transversale, souligne Laurence Duffort. Car ce sont des enjeux qui ne peuvent pas être traités en silos. »

Actions dans les écoles

Autre axe important de l’intervention du CAUE parisien : les scolaires, avec de nombreuses actions de sensibilisation menées dans les écoles, à l’image, entre autres, du dispositif « Les architectes et les urbanistes dans les classes » qui consiste à faire intervenir dans les classes des professionnels pour parler d’architecture, de ville et de paysage aux élèves des écoles maternelles, élémentaires, des collèges ou des lycées. Cette animation est également proposée par les CAUE du Val-de-Marne et de Seine-Saint-Denis. Dans ce département, le conseil mène depuis une dizaine d’années l’action pédagogique « Osez l’Ourcq », des parcours urbains visant à faire découvrir, de façon ludique, des éléments de patrimoine, des réalisations contemporaines, des mutations de sites révélatrices de ce qui est en train d’advenir autour de cette voie fluviale.

Atelier cour Oasis à l’école élémentaire Bruxelles (Paris 9e arr.). © Théo Menivard

Autre exemple, en Essonne, avec Les Jeunes balades urbaines, projet monté à Viry-Châtillon avec 15 jeunes de la Mission locale. « L’idée était, en amont d’une transformation dans un quartier politique de la ville, de travailler avec les jeunes sur le regard qu’ils portaient sur leur quartier. On a eu une semaine de diagnostic avec eux, en faisant intervenir des architectes, des personnes de l’agglomération qui s’occupaient des espaces publics, pour qu’ils aient un apport de connaissances, tout en faisant en sorte que ce qui ressorte viennent vraiment des jeunes, témoigne Valérie Kauffmann. L’idée est de pouvoir entendre leur voix, de la porter et de dire qu’ils sont aussi des acteurs de la transformation urbaine. » A l’issue d’une semaine de balades, d’observations et d’élaboration d’une grande carte, les jeunes ont, avec un collectif de graphistes imaginé et construit des éléments de signalétique et de mobilier qui prendront place dans le quartier, interpellant les passants et les amenant à voir autrement leur lieu de vie.

A Paris, des promenades urbaines pour accompagner l’élaboration du PLU

Formation des élus, promenades urbaines, capsules vidéos, ateliers dédiés avec des scolaires… en appui des services de la Ville, le CAUE 75 déploie plusieurs actions pour accompagner l’élaboration du futur PLU bioclimatique et l’actuelle concertation autour du projet d’aménagement et de développement durable (PADD).

Ce samedi de mars, rendez-vous a été donné boulevard de la Villette, dans le 20e arrondissement de Paris. Une trentaine de personnes sont présentes pour suivre une « promenade urbaine du PLU bioclimatique », organisée par le CAUE de Paris dans le cadre de la seconde phase de concertation sur la révision du plan local d’urbanisme (PLU) de Paris. Objectif, précise la structure : « arpenter et questionner collectivement le Paris d’aujourd’hui et se projeter dans le Paris bioclimatique de demain ». Mais aussi « s’approprier et se former aux grandes orientations du projet d’aménagement et de développement durables », soit le PADD, document socle du futur PLU, à travers des exemples concrets observés in situ dans la ville. Ainsi, la balade du jour va, à travers différentes réalisations, permettre d’illustrer plusieurs des grandes orientations de ce document.

L’ancien grand magasin « Aux quatre arrondissements », qui a fait l’objet d’une surélévation en bois au dernier étage, était l’une des étapes de la promenade urbaine. © Jgp

Premier exemple, l’immeuble situé sur le trottoir face au petit attroupement, l’ancien grand magasin « Aux quatre arrondissements », transformé en immeuble de logements et qui a fait l’objet d’une surélévation en bois au niveau du dernier étage. « Privilégier l’existant est un des gros enjeux du PLU bioclimatique », précise à cette occasion Clémence Bourdier, architecte-urbaniste, qui anime cette promenade urbaine.
Etape suivante sur le boulevard de Belleville où un programme de désimperméabilisation des sols, de végétalisation des pieds d’arbres et de « transformation d’une contre-allée dédiée aux voitures en zone de rencontre des mobilités » a été réalisé en concertation avec les habitants dans le cadre du budget participatif. Différents projets d’aménagement de l’espace public (patrimoine ferroviaire de la petite ceinture par exemple) et architecturaux (tiers-lieu Envie-Le Labo, conçu en structure bois pour 70 % et disposant d’une toiture végétalisée réutilisant l’eau de pluie) seront ainsi passés en revue au cours de ces deux heures de balade achevées sur les hauteurs du Parc de Belleville.

Devant le tiers-lieu Envie-Le Labo, conçu en structure bois pour 70 % et disposant d’une toiture végétalisée réutilisant l’eau de pluie. © Jgp

Sensibiliser les particuliers à un objet complexe

« Sur le PLU, nous intervenons plutôt sur le volet sensibilisation à un objet complexe pour les particuliers, explique Laurence Duffort, directrice du CAUE 75. Nous essayons de développer un certain nombre d’outils pour montrer les enjeux et à quoi sert un PLU, que ce soit à travers ces promenades, mais également des conférences, des capsules vidéo, des ateliers fresque du PLU dans les quartiers politiques de la ville… Toutes ces actions sont menées en lien étroit avec la direction de l’urbanisme de la ville de Paris ».

Parallèlement au dispositif de concertation proposé aux adultes, le CAUE de Paris a mis en place une démarche de sensibilisation et de mobilisation auprès des enfants dans le but de développer leur regard sur la ville et de recueillir leur vision du Paris de demain.

Enfin, pour permettre aux équipes municipales des arrondissements de se saisir pleinement de ce dispositif, le CAUE a, durant l’année 2021, mis en place une offre de formation spécifique et territorialisée sur le PLU, à destination de tous les élus d’arrondissement.

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