Malgré les progrès réalisés depuis le contrôle de 2017, la Cour des comptes relève encore un certain nombre d’incertitudes, notamment financières, pesant sur l’avenir de la Société des grands projets (ex Société du Grand Paris), liées notamment à la crise de l’immobilier et à ses nouvelles missions.
Fin 2017, le précédent rapport de la Cour des comptes sur la Société du Grand Paris avait déclenché l’alerte sur des coûts prévisionnels « qui n’ont cessé de dériver », une trajectoire financière « non maîtrisée » et une gouvernance « à réformer ». La nouvelle publication de l’institution financière devrait avoir un écho plus limité mais signale tout de même un certain nombre de risques à contrôler et de pratiques à améliorer.
Ainsi, les magistrats relèvent que « la progression des coûts a été contenue » depuis 2017 avec une estimation, à terminaison, de 36,1 milliards d’euros (en valeur 2012) et de 39,7 milliards (2012) en incluant les contributions à d’autres projets de transport franciliens. Toutefois, « l’analyse des évolutions est rendue complexe par des changements de méthodes d’estimation des risques, et des incertitudes demeurent sur les dépenses portées par la SGP ». D’un côté, la participation supplémentaire de 700 millions d’euros au contrat de plan Etat-Région doit être compensée par une nouvelle ressource. Mais de l’autre, la baisse de la redevance d’exploitation versée par Ile-de-France mobilités devrait en revanche être prise en compte (6,7 milliards d’euros d’ici à 2070).
Alors que la dette devra être refinancée à partir de 2027-2028, « les futures conditions d’emprunt sont plus incertaines, au point que certains scénarios atteignent des coûts supérieurs aux économies importantes réalisées avec le financement par anticipation » mené par l’établissement public. Le modèle financier de la SGP serait « désormais principalement vulnérable aux évolutions de ses recettes de fiscalité affectée et de péages, sur lesquelles elle n’exerce aucun pouvoir de décision ». De plus, la Cour redoute « un moindre dynamisme de sa principale recette fiscale, la taxe sur les bureaux ». « Le risque est donc réel de devoir repousser l’échéance de remboursement de la dette », estime-t-elle, recommandant que le modèle financier de la Société des grands projets soit « adapté ». L’objectif devant être, selon elle, de « maintenir un niveau de recettes […] qui garantisse une durée d’amortissement de la dette sur 40 ans à compter de la livraison du dernier tronçon ».
« Complexité des multiples interfaces »
Au-delà de cet aspect, le rapport fait état d’autres risques liés à la phase chantier en cours. « Pendant la période de préexploitation jusqu’à la livraison du dernier tronçon, [la SGP] est confrontée à la complexité des multiples interfaces avec Ile-de-France Mobilités (IDFM) et la RATP, porteuses de risques opérationnels et financiers », est-il indiqué. Par ailleurs, « les risques liés à la sécurité sur les chantiers s’accroissent avec la multiplication des phases de co-activité alors que cinq décès sont déjà à déplorer ».
S’agissant de la politique d’achat, « l’efficacité opérationnelle » est privilégiée « au prix de risques accrus lors de la passation des marchés, avec une politique d’allotissement limitée, et de leur exécution, avec un large recours aux bons de commande et de nombreuses demandes de rémunérations complémentaires de la part des entreprises ». « Une attention plus grande doit désormais être portée à l’exécution des marchés, par un renforcement des moyens propres de l’établissement », est-il recommandé.
Ajustement du calendrier
L’institution financière signale par ailleurs qu’un « nouvel ajustement du calendrier est […] probable, notamment pour les tronçons est et ouest de la ligne 15 », dont l’attribution des marchés de conception-réalisation est en cours. La nouvelle mission confiée à la SGP de maîtrise d’ouvrage des services express régionaux métropolitains est par ailleurs entourée « d’incertitudes [qui] subsistent sur le contour, le financement et la gouvernance de ces projets ». « En tout état de cause, les activités correspondantes devront être nettement séparées de celles concernant le Grand Paris express », est-il préconisé.
Cette compétence devra être intégrée dans sa stratégie de diminution des effectifs en vue de l’avancement de la réalisation du métro francilien qui ne sera arrêtée qu’en 2024 alors que la baisse de ses équipes doit débuter dès l’an prochain, remarquent les magistrats.
Risque immobilier
Enfin, sur le volet immobilier, l’établissement public s’est doté d’une filiale chargée de mener des opérations de co-promotion immobilière avec des opérateurs privés, « ce qui l’expose à des risques nouveaux, sur un marché immobilier instable, observe la Cour des comptes. L’effet de levier du Grand Paris express sur la “fabrique de la ville” peine à s’engager alors que l’essentiel du bénéfice environnemental devrait résulter de la densification urbaine en cœur d’agglomération. »
Dans sa réponse au rapport, le président du directoire de la Société des grands projets Jean-François Monteils se félicite que ce document mette en avant les « améliorations notables » même si « des marges de progrès demeurent ». Il indique par ailleurs que la SGP « prendra les mesures nécessaires pour mettre en œuvre les recommandations de la Cour relevant de sa compétence ».