Mise en œuvre des ZFE, ratés de la rénovation thermique des bâtiments, crise du logement : le Medef se penchait sur l’actualité des métropoles mardi 22 mai dernier, lors d’un après-midi de débats organisé au siège national du mouvement patronal, avenue Bosquet, lors duquel sont intervenus plusieurs élus franciliens, et où ont émergé des idées neuves.
La mise en place contrariée des zones à faibles émissions (ZFE) a fait l’objet du premier débat de cette « Ref Théma » dédiée aux métropoles. Bruno Millienne a estimé que la mise en œuvre des zones à faibles émissions souffrait d’un manque de communication, de pédagogie. « Il faut sans doute rappeler davantage que la pollution liée à la circulation des véhicules thermiques provoque le décès prématuré de 48 000 Français chaque année », a déclaré le député (Modem) de la 9e circonscription des Yvelines.
Johanna Rolland a alerté l’assistance sur la nécessité d’aider non seulement les habitants des métropoles mais aussi ceux qui habitent dans leur périphérie, et pour lesquels rien n’est prévu aujourd’hui. Cela afin de ne pas transformer les ZFE en « zone à forte exclusion », a poursuivi la présidente de France urbaine, faisant référence au mouvement des gilets jaunes.
Eric Piolle a rappelé pour sa part que la pollution automobile touchait en priorité les plus pauvres, « ceux qui résident en bordure d’autoroute et ne partent jamais en vacances ». Il s’est félicité de la volonté du gouvernement de créer en France un dizaine de RER métropolitains, rappelant qu’il s’agissait d’une demande ancienne de la ville de Grenoble.
L’élu écologiste a indiqué que le respect des seuils fixés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en matière de pollution de l’air permettrait une économie de huit milliards d’euros sur le budget de la Sécurité sociale, somme représentée par les dépenses engagées pour prendre en charge les pathologies résultant de la mauvaise qualité de l’air. « Mais on ne réduit pas beaucoup plus les émissions de gaz à effet de serre avec un char de deux tonnes flambant neuf qu’avec une petite voiture ancienne », a-t-il souligné. La réduction de l’empreinte carbone des mobilités repose selon lui sur une triple exigence : « repenser nos besoins de déplacement, réfléchir à la façon de les effectuer, et avec quelle énergie ».
La directrice France de TotalEnergies Isabelle Patrier a rappelé pour sa part que les véhicules thermiques devront avoir disparu en 2035. Elle a décrit l’engagement de TotalEnergies pour mettre en place un réseau d’installations de recharges pour véhicules électriques (IRVE), alors que l’énergéticien détient un quart des stations-service françaises.
Enfin, Annelise Avril, vice-présidente marketing, innovation et nouvelles mobilités, membre du comité exécutif du groupe Keolis, a souligné qu’en France, les moteurs thermiques équipaient encore 80 % du parc automobile, alors que les pays scandinaves étaient déjà 100 % électriques. Elle a estimé qu’il fallait sur ces questions prendre en compte les spécificités énergétiques des territoires, certains se montrant plus adaptés au biométhane que d’autres par exemple.
France urbaine pour une décentralisation du logement
La maire (PS) de Nantes est favorable à une décentralisation globale de la politique du logement : « le président de la République l’a proposée, nous y sommes prêts », a-t-elle déclaré. Plutôt qu’une grande loi, France urbaine revendique de conférer aux collectivités qui le demandent le statut d’autorité organisatrice du logement, de l’expérimenter sur cinq ou six territoires, et d’en tirer les leçons.
Des propos qui ont visiblement irrité Bruno Arcadipane. « La maire de Nantes signe aujourd’hui seulement 1 000 autorisations de construction par an, alors que Nantes en signait 3 000 il y a quatre ans. Voilà la vérité », a martelé le président d’Action logement, estimant que les collectivités territoriales « ne disposaient pas des compétences de haut niveau nécessaires pour assumer cette compétence ». « Il n’y a que deux financeurs du logement social en France, Action logement et la Caisse des dépôts », a-t-il ajouté, assurant qu’Action logement « avait doublé sa capacité de production au cours des dernières années ».
Eric Piolle a estimé pour sa part que l’on ne pouvait plus tolérer « que jusqu’à 5 % des logements des métropoles soient vides, appelant à des premières réquisitions symboliques, qui ne sont pas des spoliations, parce que les propriétaires concernés percevront les loyers correspondants ».
« Une large part des difficultés réside au sein des métropoles dans la difficulté de maîtriser les prix du foncier », a estimé le maire (UDI) de Sceaux Philippe Laurent, qui a loué les mérites des interventions de l’Établissement public foncier d’Ile-de-France (Epfif), « dont le rôle devient de plus en plus important ». Le vice-président de l’Association des maires de France (AMF) a évoqué la suppression de la TVA sur le logement comme une piste de solution, mise en œuvre ailleurs en Europe, face à la crise du logement.
Concernant la rénovation thermique des bâtiments, Bruno Millienne a indiqué tout d’abord que la France y consacrait un pourcentage de son produit intérieur brut (PIB) jusqu’à dix fois plus élevé que ses voisins, « pour des résultats trois fois moindres ». « Il faut cibler les aides sur les habitations classées F ou G, et ne pas attribuer des aides à tout le monde, car nous n’en avons pas les moyens », a estimé le parlementaire. « Seulement 1,7 % des passoires thermiques du pays ont fait l’objet d’un rénovation globale », a-t-il déploré.
Johanna Rolland a plaidé pour une décentralisation des crédits de rénovation énergétique, afin de mieux suivre leur affectation. Eric Piolle a invité l’Etat à faire preuve d’imagination, estimant que tant que le reste à charge demeurera élevé, la rénovation thermique des bâtiments privés ne décollera pas. Le maire de Grenoble milite pour la création d’un dispositif de financement public, réduisant à néant ce reste à charge, « quitte à ce que l’Etat récupère les montants concernés lors de la cession des biens ».
Un Français sur deux aspire à vivre dans une ville moyenne
Frédéric Dabi, directeur général de l’institut de sondage Ifop a livré quelques données récentes en ouverture de cette Ref Théma métropoles, indiquant par exemple que le pourcentage de Français estimant qu’il était agréable de vivre dans des communes rurales était passé de 72 % avant la pandémie à 92 % aujourd’hui. Il a rappelé que si les métropoles abritent quatre Français sur dix, soit 38 %, avec 25 millions d’habitants, un Français sur deux aspire à vivre dans une ville moyenne. « Le chômage semble avoir disparu des préoccupations des Français, a également relevé le directeur général de l’Ifop, le sentiment d’injustice n’est plus lié au fait de ne pas avoir de travail mais d’effectuer un travail qui paie mal », a-t-il ajouté. Et si le maire demeure l’élu le plus apprécié des électeurs, le sondeur estime que « le sentiment de défiance qui augmente au sein de la société française commence à contaminer la sphère locale ».
Laurent Saint-Martin, président de Business France, a indiqué que la France bénéficiait globalement d’un regain d’attractivité, et pas seulement au sein des métropoles. Il a rappelé que 75 % des investissements industriels se concentraient dans les villes de moins de 20 000 habitants. Emmanuel Grégoire a signalé également que l’agglomération parisienne se classait désormais en première place, devant Londres et la Rhénanie du Nord, au titre de l’importance des investissements étrangers. « C’est un bon signal, notamment vis-à-vis de tous ceux qui font du déclinisme leur fonds de commerce », a déclaré le 1er adjoint d’Anne Hidalgo.
Charles Znaty a invité l’assistance à faire preuve d’optimisme en introduisant ces rencontres, estimant que les 22 métropoles françaises « tenaient la dragée haute » à leurs homologues européens, en matière de création de valeur notamment. Giselle Rossat-Mignod, directrice réseaux de la Banque des territoires, a rappelé quant à elle, que la Caisse des dépôts consacrerait un milliard sur cinq ans aux « Territoires d’industrie », concentrant par ailleurs ses investissements sur des projets de décarbonation.
Charles Znaty : « Nous n’avons bénéficié d’aucun cadeau du gouvernement ».
Le président du Medef Paris a déploré que les récentes mesures fiscales concernant la fiscalité des entreprises, la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) en particulier, ait pu tendre les relations entre les chefs d’entreprises et les élus locaux. « Des élus locaux nous disent que nous avons bénéficié de cadeaux de la part du gouvernement, et que nous pouvons en rétrocéder une part aux collectivités. Mais ce n’est pas vrai. Nous n’avons bénéficié d’aucun cadeau, la décision ne relève pas de nous, et les collectivités ont été compensées », a souligné Charles Znaty.