Alors que la commission Rebsamen doit remettre ce mercredi 22 septembre ses propositions pour relancer la construction, les intervenants du Sommet du Grand Paris ont confronté, mardi 21 septembre au Pavillon Gabriel, leurs convictions sur les raisons de la crise du logement en Ile-de-France. En filigrane, la nécessité d’organiser rapidement des états généraux, tout comme celle de coordonner localement la construction grâce à des chartes, a été réaffirmée.
Le logement, en crise, a figuré parmi les sujets majeurs du Sommet du Grand Paris, qui s’est tenu mardi 21 septembre 2021 au Pavillon Gabriel. Pour l’économiste Nicolas Bouzou, qui estime que « l’opinion public considère, à tort, que la crise du logement est une fatalité », le risque est grand de voir, dans dix ans, une partie de la population francilienne ne plus pouvoir se loger ailleurs que dans des bidonvilles. « Nous devons procéder à une acculturation de l’Etat au plus haut niveau quant à l’urgence de construire plus », a déclaré pour sa part Eric Groven, rappelant que la hausse du prix du foncier expliquait largement celle de l’immobilier.
« Face aux difficultés rencontrées pour obtenir des permis de construire et à la hausse continue du prix du foncier, il ne faut pas être outrancièrement surpris de voir les chiffres de la construction baisser », a indiqué le responsable de la direction immobilière de la Banque de détail en France à la Société Générale. « Il n’est plus possible de s’étendre ni horizontalement, avec le zéro artificialisation nette, ni verticalement, compte tenu du rejet de la population : construire est devenu un Sudoku niveau expert », a-t-il résumé.
Eric Groven, comme plusieurs intervenants, a déploré la disparition progressive du lien entre l’accueil par les municipalités de nouveaux habitants – ou la construction de nouveaux bâtiments – et les recettes fiscales perçues par les communes, plaçant ces dernières dans l’incapacité de construire les équipements publics nouveaux nécessaires pour accompagner leur développement démographique ou économique.
+ 35 % du nombre de permis de construire délivrés
Le nombre des permis de construire délivrés est en hausse de 35 % en 2021 par rapport à 2020, a fait valoir pour sa part Emmanuelle Wargon, en préambule de son intervention. La ministre du Logement a estimé que la crise de la construction était d’abord celle de son acceptabilité. « Si les maires refusent de délivrer des permis de construire, c’est parce que leur population y est hostile », a-t-elle estimé. Or la crise sanitaire a exacerbé ces tendances déjà observées, ainsi que l’aversion des Français pour la densification de leur environnement ».
Les propositions de la commission Rebsamen pour la relance durable de la construction de logements, remises ce mercredi 22 septembre au gouvernement, pourraient être intégrées à la loi de finances dont l’examen va débuter au Parlement a également indiqué la ministre. Alors que l’idée de nouveaux états généraux du logement est proposée ici et là, Emmanuelle Wargon a évoqué par ailleurs la démarche « Habiter la France de demain », lancée en février dernier pour amplifier et accompagner les projets vertueux autour de quatre défis : sobriété, résilience, inclusion et production. « Face à ces enjeux, le Grand Paris doit être l’occasion de porter favorablement une capacité à aménager et à construire différemment », a-t-elle également fait valoir.
Christine Leconte, présidente de l’Ordre national des architectes, s’est déclarée favorable aux référentiels et aux chartes, soulignant l’intérêt du rapport Girometti/Leclercq récemment dévoilé, tandis que Jean-Philippe Dugoin-Clément a fustigé « la vision récessive de certains partis politiques qui prônent la décroissance ». Le vice-président de la Région, élu président de l’Etablissement public foncier d’Ile-de-France ce mardi 21 septembre, a déploré à son tour la rupture du lien entre l’acte de construire et les recettes fiscales perçues.
Marc Cagniart, premier vice-président de la chambre des notaires du Grand Paris, qui dévoilera prochainement 30 propositions à ce sujet, a préconisé un changement d’échelle, appelant à réfléchir à une échelle plus large, celle du quartier, pour résoudre les nouvelles équations du logement. Le notaire préconise également une intensification des approches innovantes du droit de propriété, à l’image des baux réels solidaires (BRS) ou de la flexipropriété.
Chartes locales de construction
« Il faut sans doute imaginer un outil de coordination de la construction, à une échelle qui soit plus petite que celle des intercommunalités et qui permette aux collectivités et à l’Etablissement public foncier d’Ile-de-France ou à certains établissements publics d’aménagement de se mettre d’accord localement sur des chartes communes », a estimé Emmanuelle Wargon. La mobilisation accrue de fonciers publics et parapublics, à l’instar du choc du foncier promis il y a quelques années, a été de nouveau évoquée pour limiter l’envolée des prix, fruit de la distorsion entre l’offre et la demande.
L’urgence de construire en ayant recours au réemploi, à cesser toute démolition évitable, dans une économie désormais circulaire, afin de réduire l’empreinte carbone de la construction a été une nouvelle fois soulignée, Christine Leconte estimant que la destruction de la Butte rouge, à Châtenay-Malabry, « alors qu’il s’agit d’un bâti de qualité », posait problème. « Il faut construire avec moins de matière première et plus de matière grise », a résumé l’architecte.
Olivia Grégoire : « Le débat demeure inchangé depuis 10 ans »
« Périmètres, compétences, les débats sur le Grand Paris demeurent inchangés depuis dix ans », a estimé Olivia Grégoire. La secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance, chargée de l’Économie sociale, solidaire et responsable, ouvrait le Sommet du Grand Paris, qui s’est tenu mardi 21 septembre au Pavillon Gabriel. « Mais Rome ne s’est pas faite en un jour », a-t-elle tempéré, soulignant le rôle majeur de la place de Paris en matière de finance verte et d’investissement socialement responsable.
Patrick Ollier a insisté sur le rôle d’anticipation joué par la Métropole. « Nous nous attachons à prévoir l’avenir en le construisant », a souligné le président de la MGP, déplorant au passage de disposer d’« un budget indigne d’une collectivité telle que la métropole du Grand Paris ». Le maire de Rueil-Malmaison a épinglé au passage « ceux qui font semblant de considérer que la Métropole n’existe pas, ceux qui préfèrent se regarder le nombril plutôt que de prendre en considération l’intérêt général ».
L’ancien ministre des Relations avec le Parlement a également salué le bon fonctionnement de la gouvernance partagée mise en place par l’exécutif métropolitain et rappelé l’importance des trois éditions de l’appel à projets urbains innovants « Inventons la métropole du Grand Paris ». Les sites proposés pour la 3e édition de ce concours seront prochainement dévoilés. « C’est aux maires qu’il revient de décider de l’aménagement autour des gares du Grand Paris express », a également martelé l’élu.
Lors de cette même table ronde, l’économiste Nicolas Bouzou a souligné le paradoxe qui fait que si le Grand Paris se hisse toujours plus haut dans les classements mondiaux au titre de l’attractivité, la France ne compte aucun des leaders mondiaux de l’industrie numérique. « Apple, Google, Amazon ou Alibaba, ces firmes naissent dans les métropoles. Pourquoi pas en France ? », a-t-il interrogé.
Thomas Hantz : « Renoncer à aménager les territoires, c’est refuser de préparer l’avenir »
« La Fondation Abbé Pierre recense 1,2 million de personnes mal logées, évidemment le plus souvent des femmes, des mères isolées, des personnes précaires, a souligné Thomas Hantz, président d’Acteurs du Grand Paris, co-organisateur avec La Tribune et les Notaires du Grand Paris du Sommet du Grand Paris qui s’est tenu mardi 21 septembre 2021. 760 000 personnes vivent, en Ile-de-France, dans des ménages pauvres. Les ménages en précarité énergétique étaient 600 000 il y a trois ans et ils sont plus d’un million aujourd’hui. Qui pense sérieusement qu’il ne faut rien changer ?, a-t-il poursuivi. […] Et je veux aussi le dire parce que se taire c’est être complice : renoncer à aménager les territoires, tous les territoires, c’est refuser de préparer l’avenir, c’est refuser de corriger les inégalités. Qui peut assumer que la Seine-Saint-Denis, l’est du Val-d’Oise et tous les territoires en difficultés ne puissent bénéficier de projets de développements ambitieux et, eux aussi, avoir leur part d’amélioration de la qualité de vie et de progrès ? »