Philippe Panerai : La vi(ll)e en marchant

Il ne se réclame pas d’Aristote, mais Philippe Panerai, architecte-urbaniste, partage avec le philosophe le goût de la marche pour apprendre. Si l’un enseignait à ses disciples en marchant, l’autre appréhende le Grand Paris dans « ses formes et ses échelles » en battant le pavé.

A chacune de ses promenades, c’est pareil : il scrute bâtis et rues, détaille les perspectives avec l’œil aguerri et toujours curieux d’un architecte qui roule sa gomme depuis 45 ans. « Je peux dire que je suis assez content de me lever tous les matins depuis que je suis entré aux Beaux-Arts », assure le septuagénaire. Celui que l’on destinait au métier d’ingénieur a opté pour l’architecture puis l’urbanisme. Une vocation esquissée par petites touches, et qui prend sa source dès l’enfance. Il garde un souvenir persistant de ses balades du dimanche : le tour des chantiers avec son père, directeur d’une entreprise de BTP. « Nous vivions à Grenoble, une ville en pleine expansion. Les processus de construction et la vie des chantiers me sont vite devenus familiers. »

Philippe Panerai

Philippe Panerai. © GB

Entre autres révélateurs, il y a bien eu aussi ce professeur d’histoire « qui nous faisait découvrir l’art gothique et roman in situ à travers des excursions dans la ville. » Rien d’étonnant alors à ce qu’à l’heure de choisir sa voie, il soit sûr d’une chose : « mon métier devait me permettre de me promener, d’être sur le terrain ». Son premier « terrain de jeu » sera celui de l’enseignement, et ses chantiers, des travaux de recherche. « J’ai toujours aimé expliquer. Ça permet de ranger ses idées ! » Il va alors enseigner dans différentes écoles d’architecture et à l’Institut français d’urbanisme. Et il se met à publier de nombreux ouvrages.

Tout cela ne l’empêche pas de mener des projets, notamment des études urbaines. Mais ce n’est qu’au cours des années 1980 qu’il s’associe, avec quelques confrères, pour monter une première agence d’architectes avant de créer, en 1993, sa propre affaire où il exerce toujours. Ici, il imagine le renouvellement urbain de grands ensembles à partir de la notion d’unité résidentielle, élabore de vastes stratégies urbaines, etc. En France et un peu partout dans le monde. Sa méthode : aller voir, emmagasiner et comprendre les espaces. Géographie, sociologie, histoire, Philippe Panerai raconte le territoire par le menu. De la place d’un quartier à… la métropole.

Impacts du Grand Paris express

Il s’est très vite impliqué dans les débats et réflexions menés sur l’émergence d’un Grand Paris. Au moment de la consultation internationale sur le Grand Paris, il publie « Paris Métropole. Formes et échelles du Grand Paris » où il pose les enjeux urbains (limite, densité, transport, etc.) de ce territoire qu’il décrit comme « une constellation où les centres – Paris bien sûr mais aussi Saint-Denis, Versailles, etc. – sont reliés et hiérarchisés en fonction de leur taille ». Son expertise l’amène à rejoindre le comité scientifique de la consultation internationale.

Aujourd’hui, il boucle une étude menée pour la Société du Grand Paris sur les impacts du tracé du Grand Paris express sur l’urbanisation. « Cela renforce-t-il les centres existants ou est-ce que cela crée de nouvelles polarités ? Le transport est une première étape, estime-t-il. D’autant que nous avons 30 ans de retard en matière d’investissement. » Et pour ce qui est de la suite de l’histoire métropolitaine… « Le Grand Paris doit se faire à partir du territoire, de son histoire mais aussi de ses habitants. Il va falloir se saisir de la dimension fondamentale du vivre ensemble, du lien social et, par là même, des quartiers sensibles. On y viendra, je l’espère », lâche-t-il, un brin philosophe.

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