Grand Paris : 5 questions auxquelles le Parlement va devoir répondre

Calendrier, statut, fiscalité, compétences, périmètres : la réécriture par les parlementaires de l’article 12 de la loi Maptam, relatif au Grand Paris, va redéfinir dans son entier la future métropole.

L’examen prochain par les parlementaires de la réécriture de l’article 12 de la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropole (Maptam), dans le cadre de la loi Notre (voir encadré sur le calendrier), devrait être l’occasion d’une redéfinition en profondeur des fondations du projet métropolitain en petite couronne parisienne. Ce pourrait être le dernier épisode législatif d’un feuilleton déjà long, caractérisé par un mouvement de balancier de grande ampleur, chaque nouvelle lecture détricotant en profondeur la précédente. On peut résumer, à ce stade, les enjeux en cinq grands chapitres.

1°) Quel calendrier pour la montée en charge effective des compétences ? 

Aucun élu ne remet officiellement en cause la date de naissance de la MGP. La métropole du Grand Paris devrait bel et bien voir le jour le 1er janvier 2016. Mais sénateurs et députés devraient s’opposer sur le calendrier de sa montée en puissance. Car si la progressivité du transfert des compétences qui vont « remonter » vers le niveau métropolitain constitue un des points clés de la résolution adoptée par la majorité des membres du conseil des élus de la mission de préfiguration le 8 octobre dernier, l’on peut être plus ou moins progressif…

Ainsi, par exemple, cette résolution prévoit une montée en charge très progressive de la compétence logement, laissant le plan local d’urbanisme (PLU) ou l’administration des offices publics de l’habitat au niveau des territoires ou des communes. Au grand dam de certains parlementaires, plus volontaristes. C’est le cas des 11 députés socialistes qui viennent de signer une tribune dans le Journal du dimanche dénonçant un « détricotage » de la métropole. « Il nous apparaît indispensable de maintenir la compétence de la politique du logement et de l’aménagement au niveau de la métropole du Grand Paris, tant ce sujet, si crucial pour l’amélioration de la vie quotidienne des Franciliens, appelle des réponses coordonnées à l’échelle du Grand Paris, font-ils valoir. La métropole du Grand Paris ne peut pas être la seule métropole de France à ne pas disposer d’un document d’urbanisme contraignant à l’échelle métropolitaine », poursuivent-ils.

2°) Quel(s) statut(s) pour la métropole et ses territoires ?

Les débats vont également porter sur le statut de la future métropole. L’article 12 de la loi Maptam faisait de la MGP le seul établissement public de coopération intercommunale de petite couronne, les territoires le composant étant dénués de personnalité juridique et donc d’autonomie fiscale. Le conseil des élus a adopté, à l’inverse, un schéma dit « d’EPCI d’EPCI ». Cette option permet, conformément à la volonté générale, de corriger un des défauts majeurs de l’article 12 : celui qui, n’accordant pas aux territoires la qualité d’employeur direct, rendait obligatoires des contorsions statutaires ubuesques. Le fameux effet de yoyo des personnels, unanimement décrié comme un bug législatif. Mais le scénario retenu par le conseil des élus divise le parlement et jusqu’au gouvernement lui-même. Sur le plan fiscal.

3°) Quel partage de la fiscalité entre les niveaux ? 

Selon ce scénario, en effet, chaque niveau percevrait une part de la fiscalité économique : la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) serait affectée à la métropole, tandis que la cotisation foncière des entreprises (CFE) demeurerait au niveau des territoires. Une partition que Marylise Lebranchu, ministre de la Décentralisation, rejetterait en bloc, au nom de la solidarité entre territoires. « Dans un premier temps, les recettes de la fiscalité des entreprises doivent être transférées à la seule métropole du Grand Paris. Toute autre voie constituerait un renoncement face au défi de la péréquation et un coup d’arrêt dans la lutte contre les inégalités entre les territoires », estiment également les 11 parlementaires socialistes. Mais Manuel Valls serait disposé à accorder ce partage de fiscalité aux élus franciliens…

Derrière le débat sur l’affectation de tout ou partie de la fiscalité économique perçue aujourd’hui par les intercos et les communes de petite couronne à la métropole se cache un enjeu en forme de chiffon rouge : celui de l’harmonisation des taux de la contribution foncière des entreprises (CFE).

Explications : la taxe professionnelle, supprimée en 2010, a été remplacée par la contribution économique territoriale (CET). Un impôt composé de deux parts : une première, la CVAE, assise sur la valeur ajoutée des entreprises, relève d’un taux fixé nationalement ; mais la seconde, la CFE, relève d’un taux fixé aujourd’hui localement, par chaque interco ou commune isolée la percevant. Or les taux de CFE les plus faibles sont ceux des villes les plus riches : 12,89 % à Marne-la-Coquette, 14,75 % à Neuilly-sur-Seine, 16,52 % à Paris, pour les moins élevés, 49,34 % au Blanc-Mesnil, 40,06 % à Champigny-sur-Marne.

« A titre d’illustration, écrivait en septembre dernier le groupe de travail fiscalité de la mission de préfiguration de la métropole du Grand Paris, Courbevoie et Puteaux ont un taux de 18,82 % quand Clichy-sous-Bois et Montfermeil ont un taux de 33,33 %. »

« Ainsi, si la contribution foncière des entreprises était, comme prévu par la loi Maptam, attribuée au niveau métropolitain, l’ensemble des contribuables, soit près de 650 000 entreprises, devraient voir leur taux de CFE converger vers le taux moyen métropolitain (TMP) qui serait de 22,6 %. 450 000 connaîtraient une hausse, dont 360 000 contribuables parisiens, et 200 000 une baisse », comme le révélait Le journal du Grand Paris début octobre. Or ni Anne Hidalgo, à Paris, ni les élus des Hauts-de-Seine, dans leur majorité, ne souhaitent affronter la bronca de leurs contribuables-entreprises. « Si la métropole se traduisait pour une majorité d’entreprises par une hausse d’impôt, cela n’aurait pas de sens », résume Pierre Mansat.

En même temps, rien ne justifie de maintenir un statu quo qui aboutit à ce que, pour faire court, les contribuables de Seine-Saint-Denis, où les bases d’imposition sont faibles, paient un impôt économique élevé, pour des services publics de qualité inférieure à ceux dont bénéficient les contribuables de Paris et de l’Ouest, qui paient moins cher des services publics de qualité supérieure…

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Pierre-Antoine Gailly, président de la CCIP

En outre, le président de la CCI Paris-Ile-de-France Pierre-Antoine Gailly lui-même se prononçait récemment dans les colonnes du journal du Grand Paris pour une unification fiscale, redoutant qu’au final, une dispersion du pouvoir de taux conduise chaque niveau à en élever le taux…

Autre sujet qu’il faudra suivre au parlement, le volume du fonds d’investissement métropolitain, qui constituera un des modes de mutualisation financière sur le périmètre de la MGP, et qui s’annonce extrêmement faible à ce jour, puisque ne dépassant pas une centaine de millions d’euros correspondant au surcroît de dotations issu du changement de statut de la ville de Paris (qui bénéficierait de facto d’une dotation d’intercommunalité) notamment.

4°) Quelles compétences de gestion pour la métropole ?

Au final, c’est la réalité même de l’exercice par l’échelon métropolitain de compétences autres que seulement « stratégiques et programmatoires », qui figurera au coeur des débats parlementaires. La résolution adoptée le 8 octobre par le conseil des élus prévoit en effet que, au commencement de son existence a minima, la métropole exerce un volant de compétences extrêmement réduit. Il s’agirait principalement des compétences de planification stratégique : définition du projet métropolitain, PMHH (plan métropolitain de l’habitat et de l’hébergement), Plan climat énergie métropolitain et Scot métropolitain (avec lequel les plans locaux d’urbanisme des territoires ou, le cas échéant, des communes, devront être compatibles).

5°) Quel périmètre pour la MGP ? 

Enfin, les débats parlementaires ne devraient concerner que marginalement la question du périmètre de la métropole, qui devrait être peu ou prou celui de trois départements de la petite couronne et des cinq communes la jouxtant qui viennent de décider de la rejoindre (Argenteuil, Paray-Vieille-Poste, Chelles, Athis-Mons et Vigneux-sur-Seine).

Mais ce ne sera qu’un répit, chacun, en off, s’accordant pour constater que ce périmètre est trop petit. Le périmètre de la zone dense, agglomérée, correspondant à celui du schéma régional de coopération intercommunale (SRCI) est souvent cité comme nettement plus cohérent. Et l’UMP régionale fera campagne en 2015 pour que le périmètre de la métropole du Grand Paris coïncide avec celui de la Région.

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