Face à la vague LREM, les élus franciliens entre doute et mobilisation

Après la vague La République en marche qui s’est abattue sur l’Ile-de-France lors du premier tour des élections législatives de 2017, de gauche à droite, la surprise laisse place à l’introspection, au doute ou à l’appel à la mobilisation. Beaucoup évoquent « un vote sanction » envers les partis traditionnels, coupables d’immobilisme.

« Ce scrutin montre à quel point le besoin de renouvellement des générations est grand », estime Stéphane Beaudet. © Jgp

Stéphane Beaudet, vice-président (LR) de la région Ile-de-France, président de l’Association des maires d’Ile-de-France : « Un besoin de renouvellement »

« On constate un phénomène d’amplification provoqué par le calendrier institutionnel né du quinquennat. Il faudra peut-être y réfléchir, pour l’avenir, et fixer cette élection soit le jour de la présidentielle, soit deux ans et demi plus tard. L’espoir qu’incarne Emmanuel Macron a joué les broyeurs, emportant tout le monde avec lui, y compris des élus qui n’ont pas démérité. On parle également des risques d’hégémonie, qu’il faut relativiser. La droite s’est trouvée, en 1993, dans des situations comparables. Enfin, ce scrutin montre à quel point le besoin de renouvellement des générations est grand. »

Daniel Breuiller, vice-président (EELV) de la métropole du Grand Paris : “La marque d’un système à bout de souffle”

“Il y a là la marque d’un système à bout de souffle. Seul un électeur sur deux s’est déplacé pour aller voter, c’est un aveu terrible pour la démocratie. J’y vois aussi une remise en cause immense des anciens partis et cela dans des proportions auxquelles personne ne s’attendait. Je suis assez inquiet de voir se constituer une chambre monocolore. La vie démocratique ne s’accommode pas très bien d’une vision monolithique, elle doit au contraire faire le pari de l’intelligence collective malgré les divergences. D’un autre côté, on ne sait pas de quoi En marche ! est le nom, peut-être que l’Assemblée ne sera pas si monocolore que cela. J’ai également le sentiment que cette élection consacre le sujet écologique, alors qu’il était totalement absent jusqu’à présent dans le discours d’Emmanuel Macron. De manière générale, je pense que les électeurs sont de plus en plus demandeurs d’un discours positif et sont lassés des bisbilles entre partis. J’espère que les élus sauront entendre ce désir.

« Seul un électeur sur deux s’est déplacé pour aller voter, c’est un aveu terrible pour la démocratie », déplore Daniel Breuiller. © Jgp

Emmanuel Macron s’est prononcé en faveur d’une métropole plus forte et je le rejoins sur ce point. Il nous faut une plus grande capacité à agir, de manière collective et résolue. Mais encore une fois, nous n’en savons pas plus sur ses intentions. Il nous appartient donc à nous, élus de terrain, d’être force de proposition et de batailler chaque fois que nécessaire car nous ne pouvons pas nous permettre de perdre cinq ans face à l’urgence écologique. Gardons aussi un enseignement primordial de cette élection : plus la population est pauvre, plus la participation est faible. La politique ne peut pas abandonner les franges les plus faibles qu’elle est censée représenter. La métropole doit être un élément pour réparer cela et c’est le sens de mon engagement auprès du président Ollier.”

Patrick Devedjian, président (LR) du conseil départemental des Hauts-de-Seine : “Une perte de confiance dans les partis traditionnels”

« Le résultat du premier tour des élections législatives constitue une sanction pour les partis traditionnels, le PS et LR, qui n’ont pas assumé leur vocation historique de réforme de notre pays. Il exprime également une déception du corps électoral. Le quinquennat de François Hollande représente en l’occurrence la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.

« On saura donc rapidement si la victoire de M. Macron est juste parce qu’utile au pays ou bien s’il ne s’agit que d’un nouvel avatar de notre impuissance », résume Patrick Devedjian. © Jgp

Nicolas Sarkozy lui-même avait éludé les grandes réformes. La défiscalisation des heures supplémentaires ne suffit pas ! On assiste donc à une perte de confiance dans les partis traditionnels, et à une confiance aveugle dans le nouveau gouvernement. C’est au pied du mur que l’on reconnaît le Macron. On va savoir rapidement, avec la réforme annoncée du code du travail, si le nouveau président sait trouver le bon équilibre entre la libéralisation nécessaire des licenciements et l’indemnisation des personnels, qu’il faut payer à leur juste prix et en fonction de leur ancienneté dans l’entreprise. On saura donc rapidement si la victoire de M. Macron est juste parce qu’utile au pays ou bien s’il ne s’agit que d’un nouvel avatar de notre impuissance. »

Christian Favier, président (PCF) du conseil départemental du Val-de-Marne : “Certaines cicatrices vont être difficiles à refermer”

“Le premier tour des élections législatives a été marqué dans notre département, comme partout en France par trois enseignements majeurs. Le premier c’est l’abstention. Avec à peine 49 % de votants, nos concitoyens se sont désintéressés de ce scrutin dont ils avaient le sentiment qu’il était joué d’avance. C’est, j’en suis convaincu, l’une des conséquences du quinquennat qui relègue le Parlement au rang de chambre d’enregistrement. C’est une préoccupation institutionnelle particulièrement inquiétante.

« En cinq ans de responsabilité le PS a tout perdu. Les Républicains sont en déroute. Le PCF et EELV en très net recul », constate Christian Favier, le président du conseil départemental du Val-de-Marne. © Jgp

Le second c’est le résultat des candidats La République en marche qui semblent tout balayer sur leur passage. Les Val-de-Marnais, comme les Français, ont voulu donner une majorité nette au président de la République. Le dernier, enfin, c’est l’effondrement des partis politiques « historiques ». En cinq ans de responsabilité, le PS a tout perdu. Les Républicains sont en déroute. Le PCF et EELV en très net recul. La décision de la France Insoumise de rejeter toute stratégie en ce sens et de privilégier l’intérêt de boutique sur l’intérêt populaire a pesé lourdement et largement contribué au marasme auquel toute la gauche de transformation sociale et écologique est confrontée. En abordant le second tour, certaines cicatrices vont être difficiles à refermer.”

Appel à l’union de la gauche

Chez les communistes du Val-de-Marne, on regarde avec amertume l’attitude du mouvement de Jean-Luc Mélenchon. “Les dirigeants vont devoir se remettre en cause”, peut-on ainsi entendre. Les élus soutiennent toutefois que leur ancrage local reste solide. “Cela fait des années que l’on prédit la mort du Parti communiste mais il existe bel et bien sur le terrain”, assure un dirigeant communiste val-de-marnais.

Dans la 2° circonscription de Paris, (5°, 6°, 7° arr.) c’est le candidat LREM Gilles Legendre qui est arrivé en tête dimanche avec (41,81[insec]%), contre 18,3 % pour NKM. © Jgp

De son côté, le président du conseil départemental appelle à une union de la gauche dans les quatre circonscriptions où un candidat de gauche est présent au second tour “pour faire obstacle aux candidats présentés par le pouvoir libéral”. “Dans toutes les sept autres circonscriptions où les candidats LREM ou Modem affronteront des candidats LR ou UDI, ce sera blanc bonnet et bonnet blanc. Et donc à chacun de choisir entre l’abstention, le vote blanc ou le vote nul”, ajoute Christian Favier.

Patrick Ollier, président (LR) de la métropole du Grand Paris : « Nous attendons un sursaut de notre électorat »

« Les résultats de ce premier tour des élections législatives, de par leur ampleur inédite, révèle une profonde déception de notre électorat vis-à-vis de la façon avec laquelle s’est déroulée les derniers scrutins. Une grande partie des électeurs semble avoir choisi de donner une majorité au président, dans l’écume de la vague, sans réelle réflexion sur les conséquences politiques de ce choix.

« Nous attendons une mobilisation, un sursaut de notre électorat », indique Patrick Ollier. © Jgp

Pour autant, les idées de la droite et du centre n’ont pas disparu. Maintenant qu’il est acquis que le président Macron disposera d’une majorité à l’Assemblée, nous attendons une mobilisation, un sursaut de notre électorat, et une prise de conscience des conséquences des mesures annoncées par ce gouvernement, notamment fiscales, relatives à la hausse de la CSG notamment ou en ce qui concerne la fiscalité locale. Il est encore temps. »

EELV : A Paris, l’écologie politique progresse !

« Moins d’abstention, plus de voix pour l’écologie : si les Parisien-ne-s ont été plus nombreux que la moyenne nationale (56,16 % de participation) à se déplacer pour désigner leur député-e, dimanche 11 juin, ils sont également plus nombreux à faire le choix des candidat.e.s Europe écologie les Verts qui se présentaient en autonomie. Par rapport à 2012, les écologistes enregistrent une nette progression : sur l’ensemble du territoire parisien, elle est presque de 10 % en nombre de voix, tandis que le Parti socialiste, principale force de la majorité municipale, s’effondre. EELV arrive devant le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, sur la 16° circonscription ; progresse de près de 50 % dans la 5° et la 9° circonscription, et devient même la première force de gauche dans le 10° arrondissement, Julien Bayou, notre porte-parole national, manquant le second tour de 49 voix seulement », indique EELV.

 » L’écologie politique résiste dans un paysage politique en mutation », considère Chloé Sagaspe, secrétaire d’EELV Paris.

« Dans un contexte difficile et malgré le raz de marée En Marche, nous réalisons des scores parisiens qui prouvent que l’écologie politique résiste dans un paysage politique en mutation », affirment Chloé Sagaspe et Guillaume Durand, co-secrétaires d’EELV Paris.
« Ces bons chiffres ne suffisent pas à enrayer la dynamique autour du projet d’Emmanuel Macron, dont l’absence de perspectives sur le plan écologique a de quoi inquiéter. Malgré l’importance accordée par les Parisien(ne)s à l’écologie, cette dernière ne sera plus représentée à l’Assemblée nationale. Seul un changement de mode de scrutin, introduisant la proportionnelle, que nous appelons de nos vœux, permettrait une meilleure représentativité démocratique et certainement un plus grand engouement pour l’élection, poursuit EELV. Le parti fait confiance à ses électeurs/rices pour déterminer le meilleur choix pour le second tour. Écologistes, nous privilégierons les candidatures qui s’engageront clairement en faveur de l’écologie, de la transition écologique et solidaire, et l’égalité des droits. Nous serons également particulièrement attentifs à faire vivre le pluralisme politique. »

Roseline Sarkissian, conseillère régionale d’Ile-de-France, secrétaire fédérale du Parti socialiste de Seine-et-Marne : « Nous payons le prix fort »

« Je pense évidemment à tous les députés sortants et candidats socialistes battus, parfois sèchement. C’est rude, et à bien des égards injuste. Nous payons le prix fort. L’heure est au soutien à ceux qui sont encore en lice pour qu’ils soient les plus nombreux possible, qu’ils puissent faire contrepoids mais aussi être force de propositions dans la future assemblée. C’est d’autant plus important que la majorité sera composée d’élus reconnaissants qui procèdent du président et lui ont juré une loyauté sans faille.

Roseline Sarkissian

« Je pense évidemment à tous les députés sortants et candidats socialistes battus, parfois sèchement. C’est rude, et à bien des égards injuste », estime Roseline Sarkissian. © JGP

Il nous faudra ensuite reconstruire, redéfinir notre identité socialiste. Je suis convaincue qu’il existe un espace entre le centre-droit incarné par En marche et la France insoumise mais le chantier est immense. La vague en faveur d’Emmanuel Macron est la conséquence logique de nos institutions, du scrutin majoritaire et du calendrier électoral qui fait de l’élection présidentielle l’élection reine qui emporte tout. L’électorat En marche s’est mobilisé, celui des perdants s’est détourné. Jamais nous n’avons connu un tel niveau d’abstention. Il faudra en tirer des leçons et faire de la revitalisation de nos institutions une question majeure. »

Dans la 1ère circonscription de Paris (1°, 2°, 8° et 9° arr.), où Pierre Lellouche (LR) ne se représentait pas, le score est sans appel et illustre la déferlante des candidats La République en marche (LREM). Le maire (LR) du 1er arr. Jean-François Legaret, recueille 17,76[insec]% des voix. Sylvain Maillard, du parti présidentiel, est élu dès le 1er tour avec 50,8[insec]% des suffrages exprimés.

Auteur

Sur le même sujet

Top