Si les maisons individuelles représentent 80 % de la surface habitée de l’Ile-de-France, la part du foncier servant à la construction de maisons neuves n’a cessé de baisser au cours des dernières années, conduisant à relativiser, en Ile-de-France, le débat ouvert par les propos tenus par Emmanuelle Wargon en présentant les conclusions du rapport « Habiter la France de demain ».
« On a souvent une image faussée de l’occupation des sols en Ile-de-France », rappelle Martin Omhovère. Alors qu’un début de polémique est né suite aux propos de la ministre du Logement Emmanuelle Wargon (voir ci-dessous), le directeur du département habitat et société de l’Institut Paris Region rappelle que l’Ile-de-France s’est montrée particulièrement vertueuse au cours des dernières années en matière d’extension urbaine. Sur la période allant de 2012 à 2017, par exemple, quelque 200 ha/an ont été artificialisés pour bâtir des maisons individuelles, contre 250 à 300 ha sur la période allant de 2008 à 2012, et près de 1 000 ha/an au début des années 1980.
« En 2019, 3 700 logements individuels ont été construits en Ile-de-France, à comparer avec les 82 000 logements autorisés », poursuit Martin Omhovère. « La question se pose bel et bien, néanmoins, ajoute-t-il, de s’interroger sur les moyens d’améliorer la qualité des immeubles collectifs, afin qu’ils offrent à leurs occupants un accès extérieur, de la verdure si ce n’est de la nature ». Mais à l’Institut Paris Region, on souligne que le débat sur l’opportunité de limiter la croissance démographique de l’Ile-de-France, en vue d’une meilleure répartition de la population sur l’ensemble du territoire national doit également être mis en perspective, notamment avec le niveau et la qualité des infrastructures, de transport lourd notamment. « S’il était possible de reporter la croissance démographique francilienne vers la province, cela aboutirait à une empreinte carbone supérieure », résume Martin Omhovère.
« La maison individuelle en Ile-de-France, je t’aime… moi non plus »
Dans une Note rapide, publiée en mars 2020, intitulée « La maison individuelle en Ile-de-France, je t’aime… moi non plus », l’agence d’urbanisme indiquait que « le tissu pavillonnaire est au cœur d’enjeux divergents, liés à la gentrification et la précarisation de la petite couronne. Selon les cas, les priorités d’intervention des communes peuvent relever de la préservation patrimoniale, de l’accompagnement d’une densification choisie, de la lutte contre l’habitat indigne, ou encore du maintien de la mixité sociale et générationnelle ».
« Souvent décrié par les urbanistes, le pavillonnaire est jugé peu vertueux en raison de sa faible performance énergétique, de sa mauvaise connexion aux aménités urbaines et de sa responsabilité dans l’étalement urbain et la consommation d’espace, faisait également valoir l’institut. Pour autant, il présente également des atouts à même de répondre aux enjeux d’un développement urbain durable. Ses qualités morphologiques (perméabilité, flexibilité, végétalisation préservée) le font apparaître aujourd’hui comme un modèle compatible avec les enjeux écologiques ».
Densifier à la parcelle
De leur côté, parmi les 30 propositions qu’ils ont récemment présentées, les notaires du Grand Paris préconisent d’encourager la densification à la parcelle des zones pavillonnaires. Les notaires rappellent en l’espèce que plusieurs programmes de recherche financés par le Puca (Plan urbanisme construction architecture) et l’Agence nationale de la recherche (Build in my backyard) ont démontré que les zones pavillonnaires pouvaient constituer un gisement important de foncier constructible.
Ils proposent, par conséquent, d’affirmer au sein du code de l’urbanisme un nouvel objectif d’aménagement favorisant « l’utilisation solidaire de l’espace », en créant des espaces dans lesquels des opérations pourraient être menées plus facilement ». « Il convient de créer un véritable statut du micro-constructeur, estiment les notaires, permettant aux particuliers éligibles de bénéficier d’un accompagnement professionnel spécifique, mais aussi d’outils de financement et d’un régime fiscal dédiés ».
Le pavillonnaire en chiffres (source Institut Paris Region)
- 80 % des surfaces dédiés à l’habitat
- 1,5 million de logements
- 27 % des ménages franciliens
« La maison symbolise le cocon familial »
« Bricolage, décoration, jardinage, sont autant d’activités qui participent à une forme d’épanouissement individuel, rappelle l’Institut Paris Region dans une Note rapide publiée en mars 2020 et intitulée “La maison individuelle en Ile-de-France, je t’aime… moi non plus”. La maison symbolise le cocon familial, la continuité et l’ancrage spatial, autant de gains psychologiques qui participent à un sentiment de sécurité. Le statut de propriétaire contribuant alors à une forme de stabilité là où la vie professionnelle peut être chaotique. »
Jeudi 14 octobre, dans un discours prononcé lors de la présentation du rapport Habiter demain, Emmanuelle Wargon a notamment déclaré que les maisons individuelles, « ce rêve construit pour les Français dans les années 1970 », « ce modèle d’urbanisation qui dépend de la voiture pour les relier », était un « non-sens écologique, économique et social ». « Le modèle du pavillon avec jardin n’est pas soutenable et nous mène à une impasse », selon des propos rapportés par plusieurs médias. Des propos que la ministre a elle-même relativisé. « La maison individuelle, c’est le rêve des Français, et je le comprends », a-t-elle également déclaré à BFM TV, « si on les retape, on peut avoir une bonne qualité de vie dans un centre de village, sans exploiter des terres agricoles ou naturelles. »