Les notaires du Grand Paris ont présenté, mardi 12 octobre 2021, leurs 30 propositions « pour un habitat accessible et de qualité ». Elles mêlent mesures d’amélioration de dispositifs existants, de simplification, d’uniformisation réglementaire, de digitalisation des procédures ou encore d’incitation fiscale.
« Nos propositions s’articulent autour de cinq axes d’actions, a indiqué Cédric Blanchet, président de la chambre des notaires de Paris, en introduisant la présentation de ces 30 propositions : repenser l’accès à la propriété, rénover les logements anciens, adapter et transformer le parc existant, accroître l’offre résidentielle et fluidifier les processus immobiliers grâce à la numérisation ».
« Nous appliquons la norme et sommes bien placés pour savoir ce qui fonctionne ou pas. Ceux qui produisent les textes peuvent donc avoir intérêt à nous écouter », a résumé Marc Cagniart. Le premier vice-président de la chambre des notaires de Paris a rappelé que l’Ile-de-France comptait plus d’un paradoxe dans le domaine de l’habitat et du logement notamment. « L’Ile-de-France est souvent décriée mais demeure une des régions les plus attractives d’Europe. Le niveau des prix de l’immobilier atteint des records, mais les gens sont prêts à consentir des sacrifices toujours plus importants pour y vivre », a-t-il notamment égrainé.
Ainsi, le coût du loyer représente en moyenne un tiers du budget des ménages franciliens, avec un taux d’effort qui a augmenté de neuf points au cours des 20 dernières années et un prix des logements qui a crû deux fois et demi plus vite que le pouvoir d’achat entre 2000 et 2010.
Fruit d’un long travail de préparation, élaborées en lien avec une dizaine d’experts, les 30 propositions des notaires du Grand Paris, « concrètes et éprouvées juridiquement », comme l’a souligné Marc Cagniart, traitent à la fois des aspects patrimoniaux, sociaux et sociétaux de l’habitat.
Elargir le champ du bail réel solidaire
Parmi ces 30 propositions, les notaires du Grand Paris préconisent notamment d’étendre l’utilisation du bail réel solidaire (BRS), « qui permet de réduire de 40 % le coût d’acquisition d’un logement », ainsi que le champ d’application de l’usufruit locatif social (ULS). « Nous constatons un réel intérêt des acquéreurs pour ces formes de démembrement de la propriété », a indiqué Me Michèle Raunet. Il s’agirait par exemple d’élever le plafond de ressources qui réserve aujourd’hui ces dispositifs aux foyers modestes, éligibles aux logements sociaux, pour l’étendre au secteur libre et intermédiaire. Les notaires proposent également d’améliorer les textes régissant les baux réels solidaires.
Mieux faire connaître la co-acquisition d’un logement par un particulier et un investisseur institutionnel (voir ci-dessous), de même que la flexi-propriété (propriété à vie) ou l’habitat participatif figurent également parmi les préconisations présentées mardi 12 octobre.
La volonté d’alléger et de simplifier certaines procédures guident plusieurs des propositions notariales. C’est, par exemple, le cas de la création d’un permis déclaratif pour les rénovations, « qui font l’objet aujourd’hui d’un formalisme excessif », tout comme le fait de prévoir que des travaux de rénovation exigeant la libération des lieux constituent un « motif légitime et sérieux » justifiant le congé donné au locataire.
Le financement par un opérateur de la rénovation énergétique, ce dernier se rémunérant au travers d’une participation aux économies réalisées, constitue une autre de ces 30 propositions. « Ces opérateurs ensembliers – entreprises privées, sociétés d’économie mixte ou de tiers-financement – pourraient être sélectionnés par la puissance publique (Etat ou collectivités territoriales), suivant un cahier des charges précis, indiquent les notaires. Cette sélection garantirait non seulement la qualité des travaux, mais également une diminution des coûts unitaires de la massification des opérations de rénovation ».
Les notaires proposent de réformer la fiscalité des particuliers pour faciliter et encourager les travaux de rénovation, par exemple en restituant à l’acquéreur d’un logement tout ou partie des droits de mutation applicables à la transmission du bien, sous condition de la réalisation des travaux de rénovation. Autre proposition dans ce domaine, le prolongement du dispositif de l’éco-PTZ individuel pour les copropriétés jusqu’en 2030, assorti de la multiplication par quatre de son plafond et d’une augmentation de la durée maximale de remboursement à 30 ans.
Unifier les polices de changements d’usage
Autre recommandation : réformer la fiscalité des bailleurs privés, afin de les aider à répondre à leur obligation de louer des logements décents. Les notaires proposent d’unifier les polices de changements d’usage et de destination au sein du code de l’urbanisme, ou de généraliser le permis de construire à double détente, prévoyant la future évolution d’un bien, à l’instar des autorisations d’urbanisme de la loi olympique, prévoyant dans le même document la phase olympique et celle dite de l’héritage.
Les notaires préconisent également de limiter l’obligation de construire des places de stationnement dans les zones caractérisées par une offre importante de transports. La concentration de moyens supplémentaires sur l’offre de logements intermédiaires dans les communes non carencées, tout comme la création d’une plateforme commune aux fins d’instruction des demandes de déclaration d’intention d’aliéner (DIA) font également partie des propositions présentées.
Les 30 propositions des notaires du Grand Paris feront l’objet d’une mise en débat le 19 octobre prochain, lors d’un colloque organisé par le Gridauh, Groupement de recherche sur les institutions et le droit de l’aménagement, de l’urbanisme et de l’habitat.
Les notaires estiment qu’il conviendrait de mieux faire connaître la co-acquisition d’un logement par un particulier et un investisseur institutionnel. « Dans ce modèle, indiquent les notaires, le ménage acquiert son logement avec l’aide d’un investisseur professionnel. Ce dernier finance la majeure partie du logement, tandis que 7 % environ sont acquis par le ménage. Puis, pendant la durée de l’opération, le ménage verse à l’investisseur une indemnité d’occupation pour la partie non-encore acquise, tout en rachetant progressivement la part qu’il détient sur le logement, à son rythme. »
La proposition n° 16 des notaires vise à encourager « la solidarité foncière dans les zones pavillonnaires », en permettant plus facilement de transformer le tissu pavillonnaire existant en le densifiant à la parcelle, « dans le respect de ses caractéristiques urbaines, architecturales et paysagères ». Les notaires rappellent en l’espèce que plusieurs programmes de recherche financés par le Puca (Plan urbanisme construction architecture) et l’Agence nationale de la recherche (Build in my backyard) ont démontré que les zones pavillonnaires pouvaient constituer un gisement important de foncier constructible. Ils proposent, par conséquent, d’affirmer au sein du code de l’urbanisme un nouvel objectif d’aménagement favorisant « l’utilisation solidaire de l’espace », en créant des espaces dans lesquels des opérations pourraient être menées plus facilement ». « Il convient de créer un véritable statut du micro-constructeur, permettant aux particuliers éligibles de bénéficier d’un accompagnement professionnel spécifique, mais aussi d’outils de financement et d’un régime fiscal dédiés ».
Les membres du groupe de travail
- Marc Cagniart, vice-président de la Chambre interdépartementale des notaires de Paris
- Guy Durand, notaire à Courbevoie, représentant de la Chambre des notaires des Hauts-de-Seine
- Jean-Michel Hautebas, notaire à Avon, représentant de la Chambre des notaires de Seine-et-Marne
- Frédéric Level, notaire à Evry, représentant de la Chambre des notaires d’Essonne
- Anne Muzard, notaire à Paris, rapporteur au congrès des notaires du CSN
- Michèle Raunet, notaire à Paris
- Benoît Riquier, notaire à La Celle Saint-Cloud, représentant de la Chambre des notaires des Yvelines
- Olivier Valard, notaire à Paris
- Damien Robert, secrétaire général de la Chambre interdépartementale des notaires de Paris
- Marie Blanchard, chargée de mission à la Chambre interdépartementale des notaires de Paris
Le groupe de travail a bénéficié de l’appui de Philippe Pelletier, président du plan bâtiment durable.
Liste des personnes auditionnées
- Dominique Alba, directrice générale de l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur)
- Benjamin Aubry, co-fondateur d’IUDO
- Cyril Aulagnon, fondateur d’Acqer
- Maryse Aulagnon, présidente de la Fédération des sociétés immobilières et foncières
- Gilles Bouvelot, directeur général de l’Etablissement public foncier d’Ile-de-France
- Delphine Charles-Peronne, déléguée générale de la Fédération des sociétés immobilières et foncières
- Jean-Marc Coly, président de l’Association française des Sociétés de placement immobilier
- François Devos, directeur de l’Institut d’études juridiques du conseil supérieur du notariat
- Eliane Frémeaux, notaire à Paris
- Stéphanie Jankel, directrice des études logement et quartiers de gare à l’Apur
- Xavier Lépine, président de l’Institut de l’épargne immobilière et foncière
- Olivier Ortega, avocat, LexCity Avocats