La Fédération des promoteurs immobiliers a présenté, jeudi 11 juin 2020, les chiffres de mise en vente de logements neufs les pires jamais constatés depuis la création de son observatoire. Ils chutent de 66 % en Ile-de-France, et ni la Covid-19 ni le cycle électoral ne suffisent à l’expliquer, estiment les promoteurs. En cause, l’hyper-administration française.
Les mises en vente de logements neufs au 1er trimestre 2020 ont baissé de 66 % en Ile-de-France. C’est ce qu’indique l’étude trimestrielle de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI). « Cela n’est dû que très partiellement à la crise sanitaire », a commenté Alexandra François-Cuxac, présidente de la FPI France, jeudi 11 juin 2020, en présentant ce baromètre des indicateurs avancés dans toutes les régions de France.
Et le cycle électoral ne suffit pas non plus à expliquer cette chute, puisqu’il provoque, habituellement, une baisse de 25 % des logements neufs arrivant sur le marché. « Nous avons besoin d’un changement de méthode pour construire la ville durable à laquelle les Français aspirent », a martelé Alexandra François-Cuxac.
« Le second trimestre sera pire »
Les perspectives sont sombres : le 1er trimestre est donc très mauvais, « et le second sera pire », prévoit la FPI. D’où les demandes au gouvernement de présenter rapidement un plan de relance à la hauteur de la crise. « Nous n’avons jamais constaté d’aussi mauvais chiffres depuis la création de cet observatoire statistique national, lancé en 2010 », a indiqué Marc Villand, président de la FPI Ile-de-France.
« La France s’est installée dans une espèce de résignation face à l’hyper-administration, l’hyper-réglementation, le temps long, à l’instar de la délivrance des permis de construire », a déploré Alexandra François-Cuxac. Le poids de l’administration concentre les critiques. « Si le maire est d’accord pour un projet, vous rencontrez toujours quelqu’un, au sein des différentes couches de technostructures, pour s’y opposer ou vous dire comment il faut procéder », déplore Marc Villand.
Le président d’Interconstruction a rappelé les mesures que les promoteurs appellent de leurs vœux pour accélérer le rythme, et alléger les contraintes : supprimer l’obligation qui demeure dans de nombreux plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUI) de construire deux places de parking par appartement ; soustraire les balcons et terrasses de la superficie prise en compte dans le calcul des surfaces construites ; ne pas imposer de couvrir de zinc les toitures, afin de favoriser leur végétalisation.
Dédiaboliser la ville
Pour les promoteurs, il faut réhabiliter l’acte de construire, en finir avec la règle qui veut qu’un maire bâtisseur soit un maire battu, réconcilier les Français avec la ville, injustement « diabolisée ». « Quand la ville régresse, c’est la civilisation qui régresse », a fait valoir Marc Villand. « Nous ne demandons rien au gouvernement pour nous-mêmes, a repris Alexandra François-Cuxac, mais nous pensons à nos concitoyens qui attendent de trouver un logement à la fois plus abordable et plus durable », a-t-elle poursuivi. « Ce ne sont pas les technologies qui bloquent la construction de la ville durable, mais les réglementations », a ajouté le président d’Interconstruction, qui appelle à une « révolution intellectuelle ».
« Ni Haussmann, ni Mansart n’ont été confrontés à la fois à une pandémie, à la zéro artificialisation nette et au défi climatique », a-t-il résumé. Les promoteurs déplorent également des coûts de travaux trop élevés ainsi qu’un manque de disponibilité des entreprises du bâtiment. Autant de facteurs que la Covid-19 aggrave.
La FPI s’est félicité, cependant, de l’agilité dont a fait preuve le gouvernement, en modifiant rapidement les ordonnances « délais » prises en lien avec le confinement, concernant la suspension des procédures d’urbanisme et les délais de recours.
La FPI présentera donc prochainement au gouvernement ses propositions pour un plan de relance de l’immobilier. Un plan en trois volets, comportant des mesures d’urgence, de moyen et de long termes. La mise en place d’un régime provisoire, dans l’immédiat, afin d’accélérer la reprise, doit être accompagnée d’un soutien à la demande, ainsi que par un assouplissement des règles. La relance du secteur passe aussi, pour la FPI, par un allègement de la fiscalité qui pèse sur l’immobilier, « la plus élevée d’Europe ».
Le bilan 2019 montrait une situation assez contrastée entre une demande qui restait élevée (plus de 160 000 logements vendus) mais qui commençait à baisser (- 3,3 % sur un an) et une offre très contrainte et mal orientée (mises en vente en baisse de 15 % sur un an, 9,5 mois de stock), constate l’observatoire de la FPI. Au T1 2020, la baisse devient générale, sur l’offre comme sur la demande, et s’accélère. Les ventes sont inférieures de près de 12 000 logements au T1 2019 (- 29,9 %) et cette baisse concerne tous les segments de marché : accession (- 25,2 %), investissement locatif (- 30,8 %) et ventes en bloc (- 41,1 %).
Côté offre, la baisse est encore plus alarmante, indique la FPI : les mises en vente diminuent de moitié par rapport au T1 2019 et de – 17,8 % sur un an. Il y a 15 000 logements de moins en projet qu’au T1 2019 et l’offre commerciale ne représente plus que 9,3 mois de ventes. Dans un scénario probable, la FPI a calculé que le nombre de logements collectifs autorisés pourrait diminuer de 100 000 entre 2019 et 2020. « En cas de forte mobilisation, une partie pourrait être rattrapée en 2021 mais beaucoup risquent de ne jamais voir le jour, du fait de la hausse des coûts et de l’allongement des délais », indique Alexandra François-Cuxac.
Dans le même temps, les craintes pour l’emploi et les difficultés croissantes d’accès au crédit risquent de nourrir l’attentisme des acquéreurs. A supposer que la baisse des ventes du T1 (- 30 %) soit une moyenne annuelle, ce sont près de 50 000 logements neufs qui pourraient ne pas être vendus cette année, prévoit la FPI avec l’impact qu’on imagine en termes de croissance, d’emplois et de rentrées fiscales. « Si le gouvernement intègre l’industrie de la construction neuve dans son plan de relance, elle pourra générer de la croissance et sauver des milliers d’emplois. Il faut que ce plan de relance non seulement recrée de la confiance mais aussi accélère la transformation écologique et numérique de notre secteur », conclut la FPI.