« Le défi majeur est, avec la réduction des inégalités territoriales, celui de la qualité de vie et de la place du végétal au cœur de la métropole », estime Daniel Breuiller, vice-président de la métropole du Grand Paris en charge de la nature en ville, dans une tribune.
Avec ses sept millions d’habitants, son activité produisant 26 % du PIB national, ses projets majeurs comme le Grand Paris express ou Inventons la Métropole, et la perspective des JO, il ne se passe pas une semaine sans un colloque sur l’attractivité du Grand Paris, l’innovation ou la smart city.
Nous affirmons pour notre part que le défi majeur est, avec la réduction des inégalités territoriales, celui de la qualité de vie et de la place du végétal au cœur de la métropole.
La crise climatique souligne la fragilité de nos systèmes métropolitains. Deux inondations majeures en dix huit mois et une sensibilité accrue face aux pluies intenses. Des épisodes caniculaires de plus en plus nombreux et qui sont aggravés par l’artificialisation excessive des sols des 131 villes de la métropole. Des « îlots de chaleurs » mettant en cause la santé des plus fragiles. Une pollution atmosphérique dépassant les seuils réglementaires et provoquant une diminution de l’espérance de vie en bonne santé de six mois à un an. Une exposition au bruit qui finit elle aussi par nuire à la santé des habitants.
81 des 131 villes de la métropole du grand Paris sont carencées en espaces verts.
Face à ces constats les 30/40 ans quittent la métropole malgré les opportunités très fortes qu’offre le Grand Paris. Qui voudra demain, vivre, travailler et investir dans la Métropole du Grand Paris si la qualité de vie s’y dégrade ?
La nature offre des solutions bon marché qui sont plébiscitées par nos concitoyens. De nombreuses communes commencent à inscrire l’agriculture urbaine, la désimperméabilisation des sols et la renaturation de la ville au cœur de leurs politiques publiques ; une nouvelle intimité entre nature et urbanité s’invente.
Pourtant la lutte est inégale face à l’intensification du bâti et à l’étalement urbain. Si elle rend des services essentiels (lutte contre les inondations, et contre les ilots de chaleur par l’évapotranspiration, préservation de la biodiversité, amélioration de la santé et du bien-être…), la nature a une grande faiblesse : elle ne paie pas de droits à construire.
Dans une période où les budgets des collectivités sont mis à mal et où de nouvelles opportunités d’aménagement et de valorisation foncière se font jour autour du Grand Paris Express notamment, le risque est grand que le béton l’emporte encore et toujours sur la nature.
Nous devons donc nous doter de nouveaux outils réglementaires et financiers.
En 20 ans, 1 500 ha de pleine terre (agricole ou espaces verts) ont été artificialisés, sur le territoire de la MGP. Il faut aujourd’hui stopper cette consommation de sols et inverser la courbe en dés-imperméabilisant, partout où c’est possible, en créant de nouveaux îlots de fraîcheur, en renforçant les trames vertes et bleues, en ré-ouvrant rivières et rus. En préservant les jardins potagers collectifs hérités du passé et en créant de nouveaux. En valorisant le potentiel naturel des délaissés urbains, des friches industrielles et commerciales. En renforçant le rôle de réserve de biodiversité des haies et jardins des quartiers pavillonnaires, des pieds d’immeubles des grands ensembles ; en renaturant les espaces inutilisés des bâtiments collectifs, les cours d’école et les parkings aériens… Et en faisant de l’arbre et de la nature de vrais alliés dans notre lutte contre la chaleur et la pollution.
Dès aujourd’hui, plus aucun projet d’aménagement ne devrait se traduire par un affaiblissement de la place de la nature sur le périmètre concerné, ni bien sûr du ratio m² de nature par habitant. Ratio dont nous savons déjà à quel point il est insuffisant.
Le Scot – schéma d’aménagement de la métropole, en cours de d’élaboration – doit garantir réglementairement cette sanctuarisation des terres agricoles et cette exigence de plus de nature.
Dans les années 1950, l’Etat, en créant le 1 % culture, a permis de mettre l’art et la culture au cœur de la ville. Il est temps d’en faire de même pour la nature.
Il est temps de créer le 5 % nature, un montant obligatoire pour toute opération de construction ou d’aménagement indispensable pour garantir une réelle renaturation des villes de la métropole. En attendant qu’une mesure législative crée ce 5% nature, proposons une charte de la « Métropole nature », qui donnera aux constructeurs la possibilité, voire l’obligation de s’engager dès maintenant.
Les aménageurs offriront ainsi une qualité de vie bien meilleure aux futurs occupants des logements ou bureaux construits. Ils prendront leur part dans la nécessaire transition des villes. Les équipes d’architectes, d’urbanistes et de paysagistes rivaliseront d’inventivité pour créer cette nouvelle intimité entre nature et ville. Cette renaturation sera un projet qui fera toute leur place aux habitants de la métropole. Et elle dynamisera un secteur vert et agricole grand-parisien, renforçant son impact écologique, social et économique.
Nous, les citoyens et nos enfants, bénéficierons de cette qualité de vie renforcée et la métropole du Grand Paris pourra revendiquer son ambition d’être une ville durable, résiliente et agréable à vivre, qui aura choisi une voie innovante et nécessaire, au moment où le rapport entre la nature et l’homme est au cœur des préoccupations de tous et où la transition écologique doit devenir une volonté partagée et prioritaire.