Christine Aubry – Une pionnière sur les toits

Ingénieure agronome, cette spécialiste de l’agriculture urbaine est considérée comme l’une des rares scientifiques françaises à avoir ce niveau d’expertise. Son potager sur le toit AgroParisTech fait office de référence.

Quand Christine Aubry reçoit à AgroParisTech où elle enseigne, elle commence par emmener ses visiteurs sur le toit de l’école d’ingénieurs. Au sommet du Centre de Paris Claude Bernard, situé en plein cœur du 5e arrondissement, l’équipe de recherche du docteur Aubry cultive des légumes « pour les besoins de la science », précise la spécialiste française de l’agriculture urbaine. Depuis six ans, ces expérimentations permettent de tester à la fois la productivité et la qualité de ce qui peut être produit sur un toit et en hors-sol, à partir de déchets organiques de la ville.

Christine Aubry

Christine Aubry. © JGP

« A l’exception d’un seul problème sur une culture de persil, toutes les autres ont révélé que nous étions très en dessous des normes européennes en matière de tolérance aux métaux lourds », poursuit Christine Aubry. Le jardin potager AgroParisTech recèle aussi des plantes exotiques, car le climat sur le toit est proche de celui de la Méditerranée, ainsi que des fleurs et des ruches pour la biodiversité. « Nos recherches ont révélé que la végétation sur un toit permettait de lutter contre les îlots de chaleur et réduisait les ruissellements d’eau de pluie », ajoute la chercheuse qui s’est s’intéressé aux problématiques agricoles régionales avant de se consacrer à l’agriculture urbaine.

A ses débuts à l’Inra, Christine Aubry a beaucoup travaillé sur les évolutions des exploitations agricoles. « Ce qui m’a toujours intéressé dans l’agriculture, c’est qu’il s’agit à la fois d’un outil d’aménagement du territoire et de la source première de l’alimentation ». Attirée par les pays du Sud, elle accepte une mission de trois ans sur la déforestation à Madagascar où elle commence à s’intéresser à l’agriculture intra-urbaine, spécificité de Tananarive. Alors qu’elle doit rentrer en France, elle lance, avec d’autres scientifiques notamment malgaches, un programme de recherche sur « la durabilité de l’agriculture de l’agglomération de Tananarive ». « Je travaillais avec un pied à Madagascar et un autre en France, où je menais des travaux sur l’agriculture péri-urbaine et intra-urbaine », explique cette mère de deux enfants.

Femme-orchestre

C’est le moment où, sous la pression des habitants, des villes telles que Romainville, Montrouge ou Saint-Denis commencent à s’intéresser à l’agriculture urbaine. En 2013, Paris s’engage aussi dans la démarche avec le tout premier appel à projets, consacré à la végétalisation innovante qui a été à l’origine ensuite du premier Parisculteur en 2016. « A Paris, notre équipe a été à la conjonction de beaucoup d’initiatives que l’on a, selon les cas, suscitées ou accompagnées », raconte Christine Aubry. « En quantifiant les résultats, la science aide les élus à raisonner sur la place de l’agriculture urbaine ».

Cette férue de marche à pied « nullissime en jardinage » qui reconnait avoir joué un « rôle de femme-orchestre » éprouve, à l’approche de la soixantaine, la satisfaction d’avoir réussi à mener de front la recherche académique assortie de publications scientifiques et ses applications concrètes dont le jardin sur le toit. Le tout avec si peu de moyens qu’elle a dû en 2015 créer un bureau de recherche sous contrat pour facturer des prestations, et cette année une chaire avec trois partenaires : la Fondation Carrefour, la métropole du Grand Paris et la ville de Paris. Mais son principal souci avant de terminer sa carrière est d’assurer la pérennité et l’évolution de l’équipe agriculture urbaine avec un handicap supplémentaire : le départ à Saclay.

Sur le même sujet

Top