B. Quignon : « Les programmes de SNCF immo ne sont pas orthogonaux avec le monde d’après »

« Moyennant un effort de pédagogie et quelques adaptations, nos programmes immobiliers ne sont pas orthogonaux avec ce qui va ressortir du monde nouveau en train d’émerger », a déclaré Benoit Quignon, directeur général de SNCF Immo, invité du Club des entreprises du Grand Paris et de l’Institut des hautes études des métropoles (IHEDM).

Interviewé le 13 mai 2020 par Jacques Godron (Club des entreprises du Grand Paris/IHEDM) et François-Xavier Beuzon (Le journal des communes), Benoit Quignon a fait le point sur la reprise en cours. « Nous avons poursuivi, pendant le confinement, les études d’ingénierie, de maîtrise d’ouvrage et de maîtrise d’œuvre nécessaires à nos différents travaux », a-t-il indiqué.

Benoit Quignon. © Jgp

Le directeur général de SNCF immo a évoqué le chantier de Chapelle international (Paris 18° arr.) au titre de ceux ayant redémarré, citant la présence des compagnons qui réalisent les programmes de Legendre, Linkcity ou Vinci Immobilier. « Nous avons dû trouver la bonne maille, en termes de coactivité notamment, ce qui nous a fait plaisir d’une certaine manière puisque nous retrouvions le côté concret des choses. »

« On a perdu 2 à 3 mois sur les délais d’instruction »

L’ancien directeur général des services du Grand Lyon a évoqué également les ordonnances qui ont permis un « desserrement des contraintes de délais de recours ou d’instruction, absolument indispensable compte-tenu de la désorganisation immédiate des administrations sur ces différents sujets ». « Le ministre Denormandie a sifflé la fin de la partie en annonçant qu’à partir du 24 mai prochain, les délais allaient commencer à courir de nouveau. Mais objectivement, nous avons perdu 2 à 3 mois sur les délais d’instruction, a-t-il souligné. Je tire mon chapeau aux administrations centrales et locales, parce qu’elles ont vraiment fait le maximum, a-t-il poursuivi, mais cela bouleverse et déstabilise. »

Benoit Quignon a également abordé le sujet du non-renouvellement des équipes municipales, « reportant la prise de décisions quant aux grandes orientations, afin de laisser la main aux nouvelles équipes ». « Des nouvelles équipes qui vont s’installer, on l’espère, après un second tour qui pourrait intervenir avant la fin du premier semestre, permettant la désignation des représentants au sein des instances intercommunales et des outils d’aménagement, a-t-il poursuivi. La phase de remise en route va donc occuper à mon sens une bonne partie de la fin de l’année 2020, a-t-il estimé, avec le vote de la programmation des investissements, celui du plan de mandat, soit une remise en route retardée d’un semestre, et, peut-être, des remises en cause d’opérations. »

Des programmes « pas orthogonaux » avec le monde d’après

« SNCF immo a la volonté d’aller au bout de ses opérations », a néanmoins déclaré Benoit Quignon. Citant le programme Hébert, dans le 18° arrondissement de Paris, pour lequel un permis de construire a été obtenu quelques jours avant le confinement, le DG de SNCF immo a décrit des opérations « assez consensuelles qui portent déjà des valeurs environnementales, de sobriété énergétique, qui préservent la biodiversité dans un esprit réellement bas carbone ». « Ces opérations telles que nous les avons conçues épousent assez bien l’air du temps et les préoccupations qui se sont exprimées au cours de la campagne des municipales », a-t-il ajouté.

Ordener-Poissonniers, un des programmes de SNCF immo, dans le 18° arrondissement de Paris. © DR

« Ces programmes, juge-t-il, moyennant un effort de pédagogie et quelques adaptations ne sont pas orthogonaux avec ce qui va ressortir du monde nouveau qui est train d’émerger. Simplement, s’il y a renouvellement des équipes, il faudra reprendre notre bâton de pèlerin, rappeler l’histoire de la construction de ces projets, menés avec beaucoup de concertation, d’études, de dialogue avec les collectivités, éventuellement adapter nos projets, à l’échelle des opérations d’aménagement, a-t-il déclaré. Pour ce qui est des objets physiques, à l’intérieur des enveloppes urbaines que l’on est en train ou que l’on a déjà dessinées, peut-être que les programmations de logements seront un peu différentes, que les projets de bureaux seront d’une facture un peu différente », a-t-il ajouté.

Mais pour Benoit Quignon, la localisation des programmes de SNCF immo, à proximité immédiate de réseaux de mass-transit, renforce leur bien-fondé, indépendamment des changements provoqués par le Coronavirus. « Nous sommes encouragés à poursuivre nos opérations d’aménagement et de promotion qui améliorent la trajectoire de cash de la SNCF », a-t-il précisé. « Pour ce qui est des activités effectuées pour le compte du groupe, nous sommes en train de les regarder pour sélectionner celles qui sont les plus utiles, celles qui créent le plus de valeur pour l’entreprise, de valeur économique mais aussi d’engagement pour les salariés. »

« Nous n’avons jamais autant travaillé »

« Nous n’avons jamais autant travaillé », a résumé Benoit Quignon, évoquant l’impact de la crise sanitaire sur le groupe SNCF. « La SNCF a été amenée dans le cadre du confinement à stopper brutalement son activité ferroviaire », a-il rappelé.

La clientèle des TGV a ainsi diminué de 99 %, a poursuivi l’ancien directeur général des services du Grand Lyon. Dès lors, la mission de la SNCF a consisté à maintenir en état 30 000 km de réseau, une absence de circulation de trains de trois jours consécutifs exigeant une reprise de l’ensemble des mesures de sécurité. L’établissement public a également assuré les transports du quotidien, par exemple en Ile-de-France, notamment l’acheminement des soignants.

La SNCF a opéré une dizaine d’opérations de transfert de patients atteints du Covid-19 dans des « TGV sanitaires », reproduisant en l’espèce des process mis au point lors de simulation du traitement sanitaire d’attentats terroristes. « Nous avons été le principal fournisseur des industries chimiques, pharmaceutiques et agro-alimentaires en France », a fait valoir Benoit Quignon, citant notamment le transport de pondéreux ou de céréales, la SNCF maintenant 70 % de ses activités de fret, grâce à Fret SNCF. « A fin avril, SNCF avait perdu 2 milliards de chiffre d’affaires », a noté le DG.

120 ensembles tertiaires « mis sous cocon »

SNCF immo a stoppé pour sa part l’ensemble de ses activités de chantier, les opérations de maintenance à l’exception des opérations d’urgence, 120 ensembles tertiaires étant « mis sous cocon ». Sur 180 sites gérés en facility management, soit 900 000 m2, 80 ont été maintenus en activité, dont les sites de gestion de crise, opérationnels 24h/24, « soit une activité assez tendue malgré le calme apparent ».

La gare Saint-Lazare, durant le confinement. © Jgp

« La reprise est beaucoup plus complexe que l’arrêt », a également indiqué Benoit Quignon, décrivant les trois semaines de préparation, de planification et de remise en route des bâtiments et des matériels qui ont précédé le déconfinement. « Nous avons accompli cette phase à bas bruit, nous limitant aux opérations indispensables, préparant également la reprise d’activités dans les locaux tertiaires même si le télétravail demeure la règle », a-t-il également rapporté.

« Nous allons être confrontés à une difficulté que rencontrent de nombreuses entreprises », a poursuivi Benoit Quignon : le retour théorique à 100 % sur site, le 8 juin prochain, de l’ensemble de nos personnels « ne marche pas ». Face au manque de place et de postes de travail, « il faudra imaginer des modes d’organisation du travail différents, avec le maintien d’une partie significative des salariés en télétravail. »

« Le comité exécutif de la SNCF, auquel j’appartiens, a fonctionné à 100 % en télétravail pendant cette période, a-t-il également souligné. Le plan de transformation de SNCF immo a été poursuivi, n’accusant que quelques jours de retard sur son calendrier prévisionnel. »

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