A. Toscan du Plantier (Emerige) : « Notre charte de la biodiversité est mesurable et opposable »

Arthur Toscan du Plantier, directeur de la stratégie du groupe Emerige, détaille les engagements de ce dernier pour des programmes durables dont la biodiversité en constitue un élément-clé. Une démarche qui s’inscrit sur des critères d’évaluation objectifs.

Que recouvre votre démarche « S’investir pour la ville durable » ?

Alors qu’aucune obligation ne nous l’imposait, dès 2016 nous nous sommes engagés, et de façon très volontariste, dans une démarche de responsabilité sociale de l’entreprise (RSE). Avec une double approche : limiter l’impact de nos activités et développer notre impact positif sur la société, notamment en soutenant des programmes éducatifs et culturels à destination de jeunes issus de milieux défavorisés. En 2019, nous avons choisi de nous mobiliser au travers d’un engagement baptisé « S’investir pour la ville durable » et dès 2020, nous avons réalisé notre premier bilan carbone de l’ensemble des activités du groupe. A partir de cette photographie, nous avons identifié trois leviers, que sont Action carbone, Action biodiversité et Action réemploi.

Arthur Toscan du Plantier, directeur de la stratégie du groupe Emerige. © DR

Comment se déclinent ces actions ?

Je commencerai par la biodiversité, qui peut paraître parfois un peu conceptuelle et plus abstraite. Or la biodiversité est essentielle à la vie pour les services écosystémiques qu’elle rend : matières premières, denrées alimentaires, pollinisation, gestion des eaux, rafraîchissement de l’air, santé et bien-être… Nous avions déjà des actions de préservation de la biodiversité urbaine dans beaucoup de nos programmes labellisés BiodiverCity, tels que le 85 rue Petit à Paris (19e arr.). Réalisé avec les architectes Encore Heureux, ce projet dispose d’une toiture végétalisée contribuant à la récupération des eaux de pluie, ou encore notre programme tertiaire Harmony à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) favorisant l’expérience de la nature avec la présence de matériaux naturels et des ambiances végétales diversifiées, nichoirs, gîtes à chauves-souris ou encore arbres fruitiers. Un plan de gestion écologique du bâtiment et des espaces verts sera suivi sur une période de 10 ans, avec notamment des espèces végétales adaptées au sol, au climat, à l’ensoleillement, pour minimiser l’emploi de produits autorisés en agriculture biologique.

Action biodiversité a-t-elle vocation à aller encore plus loin ?

Avec Action biodiversité, nous avons voulu inscrire notre engagement dans une démarche systémique et concrète, structurée autour de 4 engagements et 15 actions. Elle s’applique à l’ensemble des programmes, résidentiels comme tertiaires d’Emerige, dont les permis de construire ont été déposés à partir de janvier 2022. Par exemple, nous faisons appel à un écologue au démarrage de chacun de nos projets, afin d’identifier ses enjeux écologiques. Nous recherchons ainsi quel était l’état de la biodiversité dans le passé, pour déployer des stratégies visant à la réintroduire tout en préservant et développant la biodiversité existante. Nous nous sommes par ailleurs engagés à ne plus imperméabiliser les sols de nos programmes immobiliers.

Une autre action vise à rassembler par la nature, comme nous le faisons pour la culture. Quand, dans le cadre du programme « Un immeuble une œuvre », nous mettons une œuvre d’art à disposition du public, nous participons du dialogue entre les riverains, les usagers et les habitants de l’immeuble. De même, avec la nature, nous voulons sensibiliser les résidents à la question de la biodiversité et à ses usages, notamment auprès des plus jeunes mais aussi de leurs familles.

Votre engagement en faveur de la biodiversité est-il soumis à évaluation ?

Cet engagement est d’abord le résultat d’une mobilisation collective et d’un enthousiasme partagé au sein d’Emerige, dans le cadre d’un appel à projets qui a été lancé en interne. Notre charte biodiversité est née de la force de conviction des salariés d’Emerige. Réunis en équipe pluridisciplinaire, nous avons travaillé pendant deux ans avec l’appui du bureau d’étude Mugo, prouvant l’efficacité d’une approche transversale et nourrie de l’expertise des équipes sur le terrain.

Le programme tertiaire d’Emerige, Harmony à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), favorise l’expérience de la nature avec la présence de matériaux naturels et des ambiances végétales diversifiées. © Voisin Thibaut

Seule l’évaluation et le suivi des actions peuvent nous préserver de tout « greenwashing » en assurant le suivi et le respect des engagements. Nous sommes d’ailleurs très fiers que la charte de la biodiversité d’Emerige ait été reconnue « SMART » par l’initiative Act4nature portée par l’Agence française pour la biodiversité (AFB), c’est-à-dire Spécifique, Mesurable, Additionnelle, Réaliste et Temporellement encadrée. Tout comme l’ensemble de nos engagements RSE/ESG, les actions relatives à notre politique biodiversité sont désormais rendues publiques dans notre rapport d’activité et de durabilité, qui précise également les indicateurs construits pour piloter cette feuille de route.

Quels sont vos engagements pour réduire votre empreinte carbone ?

Suite à notre premier bilan carbone, nous avons défini une trajectoire carbone plus ambitieuse que ce qu’impose la réglementation. Ainsi, à horizon 2030, nous affichons un objectif RE2020 – 10 %. Pour ce faire, dans la partie énergie du bâtiment, nous allons cesser progressive- ment de recourir aux énergies fossiles, en particulier le gaz, dès 2023. Côté construction, nous allons systématiquement privilégier des matériaux à faible émission. A titre d’exemple, notre programme Le Berlier, avec sa façade en bois de 50 m de haut qui s’étire sur 15 étages au cœur du projet de renouvellement urbain de la ville de Paris, « Paris Rive Gauche », est le premier programme intégrant l’engagement bas carbone sur un immeuble en bois de grande hauteur (classé 4e famille). Ce type de choix va nous permettre de réduire de façon significative nos émissions de gaz à effet de serre (GES) et de nous inscrire pleinement dans la Stratégie nationale bas carbone qui vise à atteindre la neutralité carbone à horizon 2050.

Jusqu’où mesurez-vous votre empreinte carbone ?

Notre engagement de réduire notre empreinte carbone porte à la fois sur le scope 1 et 2, c’est-à-dire les émissions liées à la vie de bureau de l’ensemble de nos 210 salariés, mais aussi sur le scope 3, qui couvre les émissions liées à notre activité de promoteur immobilier. C’est un engagement fort, le scope 3 concernant les émissions indirectes liées notamment à la fabrication des matériaux de construction et à l’énergie émise par les bâtiments que nous livrons.

Vous inscrivez-vous également dans l’économie circulaire ?

Avec seulement 1 % des déchets du BTP aujourd’hui réemployé, il y a un gisement énorme qui peut, là aussi, nous permettre de réduire fortement nos émissions de GES. C’est la raison pour laquelle nous avons rejoint le booster du réemploi, qui vise à massifier la demande et à mettre en réseau l’offre et la demande. Avec trois programmes identifiés dès 2022, nous souhaitons prendre toute notre part pour favoriser la structuration et le développement d’une filière.

Parmi eux, je prendrai l’exemple de la reconversion de la friche industrielle Babcock (La Courneuve en Seine-Saint-Denis) avec La Fabrique des cultures, lauréat de l’appel à projets « Inventons la métropole du Grand Paris ». Le groupe Emerige, au côté de la Compagnie de Phalsbourg, y déploiera le réemploi avec l’appui de l’expertise du bureau d’études spécialisé Remix.

A La Courneuve, le projet Babcock, porté par Emerige et la Compagnie de Phalsbourg, vise à reconvertir une friche industrielle. © Encore heureux architectes

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