Th. Teboul : « La formation professionnelle accompagne l’activité économique mais parfois la précède »

Le directeur général de l’Afdas Thierry Teboul décrit les missions de l’organisme collecteur de
la presse, du spectacle vivant et du cinéma, très présent en Ile-de-France.

A quoi sert l’Afdas ?

Notre mission est de collecter, gérer et développer la formation professionnelle de nos adhérents, qui sont les quelque 40 000 entreprises (dont plus de 16 000 en Ile-de-France) du spectacle vivant, du cinéma, de l’audiovisuel, de la publicité, des loisirs, de la presse, des agences de presse et de l’édition. Nous intervenons à trois niveaux : nous sommes tout d’abord un Opca, autrement dit un organisme collecteur qui mutualise les contributions obligatoires de formation professionnelle des entreprises, et nous accompagnons et finançons les projets de ces dernières – individuels ou collectifs – en la matière. Mais nous sommes également un Opacif : nous aidons les salariés relevant de notre champ à se reconvertir, via des conseils en évolution professionnelle, des bilans de compétences et des congés individuels de formation. Enfin, nous avons l’agrément Octa : nous collectons la taxe d’apprentissage pour accompagner le développement des écoles, publiques ou privées, actives dans nos secteurs d’activité.

Thierry Teboul

« Nos entreprises adhérentes ont pour la plupart vu leur business model totalement bouleversé par l’irruption du numérique », rapporte Thierry Teboul. © DR

Vos seules ressources sont donc les cotisations obligatoires des entreprises ?

Pas tout à fait : certaines branches, en effet, ont choisi de nous verser plus que le minimum légal pour accompagner leur propre mutation économique et, depuis la réforme de la formation professionnelle de 2015, certaines entreprises peuvent aussi nous confier tout ou partie de leur plan de formation. Nous recevons en outre, par ailleurs, des subventions – notamment régionales – pour des actions ponctuelles.

En quoi la réforme de la formation professionnelle a-t-elle modifié votre métier ?

La réforme a été profonde car elle a instauré un véritable droit universel attaché à la personne, introduisant du même coup une coresponsabilité entreprise et salarié dans la conduite de sa carrière. Trois dispositifs incarnent ce changement : le compte personnel de formation, que nous finançons ; le conseil en évolution professionnelle, que nous dispensons gratuitement ; et l’entretien professionnel désormais obligatoire pour tous les salariés. Autre fait marquant : depuis le 1er janvier 2017, les financeurs dont nous faisons partie ne peuvent plus financer de formations dont ils n’ont pas contrôlé la qualité. Une disposition vertueuse pour l’ensemble du système.

La région Ile-de-France met l’accent sur le développement de l’apprentissage. Que répondez-vous ?

Nous sommes bien entendu tout à fait favorables au développement de ce type de formation. Cependant, dans nos branches, il n’est pas toujours très facile à mettre en œuvre : en effet, plusieurs des secteurs que nous couvrons fonctionnent selon une économie de projets, tandis que la loi limite à deux le nombre d’entreprises qui peuvent accueillir un apprenti. Il faut donc qu’un jeune puisse travailler sur plusieurs films d’animation, ou une pièce de théâtre pour effectuer son alternance. Une possibilité serait d’inciter les entreprises à former des groupements d’employeurs à vocation d’insertion et de qualification.

Vous êtes, bien évidemment, très impactés par l’essor du numérique…

Nos entreprises adhérentes ont pour la plupart vu leur business model totalement bouleversé par son irruption. Nous devons donc accompagner les entreprises et les salariés pour qu’ils puissent sécuriser leur parcours. Nous avons, il y a quelque temps, engagé une telle démarche avec la région Ile-de-France pour aider les salariés des industries du cinéma. Nous avons également accompagné des agences de communication. Ceci démontre, du reste, la valeur ajoutée qu’un organisme comme le nôtre doit être capable de fournir à ses adhérents : nous ne devons pas simplement être un fonds sur lequel ils détiennent des droits de tirage, mais bien un intermédiaire capable de bonifier une obligation d’investissement en optimisant l’utilisation des fonds et la qualité des formations réalisées.

Quelles sont les grandes tendances en matière de formation ?

Nous devons passer d’une logique de l’offre à une logique de demande. On a, en France, trop souvent l’habitude de réaliser des formations en prévention, alors qu’il faudrait pouvoir les suivre pour répondre à un besoin précis. Il ne sert, par exemple, pas à grand-chose de former un salarié à l’anglais s’il ne l’utilise pas rapidement. En revanche, une immersion sera utile si son poste, tout à coup, l’exige. Ces formations « on demand » comporteront certainement une part numérique de plus en plus importante. Mais plus que le tout numérique – 80 % des personnes qui commencent un Mooc ne le terminent pas ! –, il faut imaginer de nouveaux types de tutorats, y compris à distance, et des systèmes de vérification des compétences acquises. Cette réflexion est importante : la formation professionnelle accompagne l’activité économique. Mais parfois même, elle la précède.

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