Roland Castro fête Paris en Grand

L’architecte auteur du rapport « Paris en Grand », remis au gouvernement en septembre dernier, a fêté son opus mercredi 12 décembre 2018, en présence de nombre de ses contributeurs, et du tout-Grand Paris de l’architecture, de la construction et de l’urbanisme. « Il ne faut pas avoir peur des troubles », a déclaré Roland Castro, citant Mao Tsé-Toung.

« Au-delà du respect que je lui dois, le préfet Cadot est un type formidable, avec lequel une complicité s’est nouée », a déclaré Roland Castro mercredi 12 décembre 2018, dans les locaux de son agence, boulevard de Ménilmontant. « Puisque j’ai fait cette fête pour les contributeurs de ce rapport (*), je vais juste remercier les trois qui ne l’ont pas rendu à temps, a poursuivi l’architecte, citant Jean Nouvel, Elizabeth de Portzamparc et Patrick Bouchain, « qui est un type admirable, que nous aimons tous, et qui est un des architectes les plus respectables que l’on connaisse dans le territoire ».

 » Je prétends dans mon rapport que tout le monde, comme M. Jourdain faisait de la prose, peut être scénariste urbain », a déclaré Roland Castro mercredi 12 décembre 2018. © Jgp

« Parmi les contributeurs, il y a des bateleurs, des architectes, des promoteurs, des écrivains, des historiens, des maires, des paysagistes, des sculpteurs de lumière, des entrepreneurs, des universitaires et des aménageurs, a-t-il déclaré. Ils sont le début, le fondement qui formera l’école de l’urbanité, mondiale, que l’on a annoncée comme une des matrices de ce qu’il faut faire par rapport à Paris en Grand, mais aussi par rapport à la question urbaine en général, telle que dans le monde, on la voit se développer », a-t-il fait valoir.

Roland Castro a décrit « une école qui ne donnera pas de diplôme mais un statut d’ancien élève, comme j’en parlais hier avec Thierry Dallard, le président du directoire de la Société du Grand Paris, qui est lui-même ancien élève de Normal sup, l’école que je respecte le plus en France, et qui ne délivre pas de diplôme ».

« Le but de cette école va être de fabriquer des scénaristes urbains, pouvant provenir de tous les milieux, pouvant être des promeneurs de villes formidables, des croqueurs de villes des marcheurs de villes, l’indispensable maillon avant de faire n’importe quel projet, dans un rapport de cohésion avec l’élu, a décrit l’architecte. J’en parle beaucoup dans mon rapport : il est indispensable, lorsque l’on voit aujourd’hui la situation qui s’est développée depuis la dernière fois qu’une pensée cohérente a réfléchi à ces questions, ce qui date du front populaire, il est indispensable qu’apparaisse un nouveau type d’intellectuel fabriquant, pour être à l’origine des projets avant même les pointillés, la ZAC, les séparations, les décisions etc… Je prétends dans mon rapport que tout le monde, comme M. Jourdain faisait de la prose, peut être scénariste urbain, que tout le monde met en scène sa vie, et que la ville devrait être faite comme ça. Le drame de la question urbaine vient du fait qu’elle n’est pas pensée d’abord par un promeneur », a-t-il fait valoir.

« Rêver la ville avant de la fabriquer »

« Il faut, mon rapport le dit beaucoup, déconstruire avant de construire. J’explique l’état des lieux, a également indiqué Roland Castro. Ce rapport a des effets de contamination positive, comme dirait Paul Chemetov, a également déclaré le co-fondateur de Banlieues 89. La preuve en est, et M. Ollier était là tout à l’heure, que les élus ont lancé l’idée de « Réinventer la Seine » au moment où mon rapport sortait, où l’idée qu’il fallait penser la Seine en dehors de toutes frontières et de limites géographiques s’installait. Je rencontre des gens formidables, je vois des élus formidables, qui rêvent de cette manière de rêver la ville avant de la fabriquer, et j’ai l’impression que quelque chose se passe du point de vue de la pensée urbaine, qui n’est pas dans la logique impérative qui a prévalu au cours de ces dernières années, et qui a conduit à la situation actuelle ».

« Ne pas avoir peur des troubles »

« A part ça, mon sentiment est que cette fête arrive à un moment historique », a estimé l’ancien pilier de l’Atelier international du Grand Paris. Je savais que cette fête avait lieu, on attendait lundi soir, tout le monde ici attendait lundi soir, même si la fête, il faut toujours la faire. Je dis depuis le début de cette histoire que le président Mao Tsé-Toung, qui est pour certains d’entre vous un assassin, pour d’autres un révolutionnaire, a dit un truc formidable : il ne faut pas avoir peur des troubles. Je ne dis pas qu’il faut faire des troubles. Ne me confondez pas avec des mélanchonneries de caniveau », a également déclaré Roland Castro.

« Nous, les architectes, nous travaillons dans la durée, a-t-il poursuivi. On a une idée, une bonne idée parfois, et il faut dix ans pour que les gens la voient, que les gens la vivent et s’y promènent. Ça va être le cas avec une tour que l’on fait à Aubervilliers, à la station de métro Front populaire, un travail que l’on a initié depuis 10 ans, qui va enfin s’effectuer. C’est le tarif du rapport entre la pensée et la fabrication. Et pour Paris en Grand, c’est pareil et c’est pire », a ajouté l’architecte, remerciant au passage l’ensemble des membres de son agence.

« On démarre un mouvement mondial »

« Aujourd’hui, puisque cette fête a lieu deux jours après un discours censé relancer une situation ou l’ouvrir, après un mois très troublant pour tous, je profite de ce moment pour vous dire que je pense – c’est une prophétie risquée – que l’on démarre un mouvement mondial, a poursuivi l’architecte. Ce gilet jaune, il est obligatoire. C’est très amusant, cette histoire d’obligation, accrochée à un signe. Ça se passe où ? Ça se passe sur les endroits les plus c… que par milliers, la technostructure de la route a inventés, les ronds de DDE, dans des formes d’habitations d’ailleurs spontanées, un peu plus tendres que la situation de base. Et cela se passe en même temps que le terrorisme islamique frappe à Strasbourg un marché de Noël, dont je dis dans mon rapport qu’il ne faut pas en faire seulement à Noël, et où je parle beaucoup du fait qu’il faut transformer les rez-de-chaussée, créer des échoppes, des guinguettes, libérer l’initiative entrepreneuriale dans les rez-de-chaussée de la ville. Et pas seulement à Noël, même si le marché de Noël est à l’image de cette ville-là, le temps d’un moment ».

Roland Castro, Louvres-Puiseux, en septembre 2016.

Au milieu de l’aéroport d’Orly sud

« Le lieu et le lien. C’est l’essence de la bataille pour le droit à l’urbanité pour tous, a repris l’architecte. Le rapport entre le lien, et le lieu. C’est pourquoi, dans Paris en Grand, dans lequel le président me demandait expressément de ne pas parler de structure, je lui ai parlé uniquement des maires en chapelets, ou en communautés d’intérêt ou de sites. Comme mon rapport parle de géographie, il est interrogé par le fait que l’on peut se rouler une pelle dans l’Essonne avec quelqu’un qui est dans le Val de Marne, au milieu de l’aéroport d’Orly sud », a imagé l’architecte.

« Le président a fait un appel aux maires, parlant de cadre de ville. Comme le dit Meriem Derkaoui, la maire d’Aubervilliers, les maires sont à portée d’engueulade, c’est la bonne hauteur, a-t-il poursuivi. Les maires sont les nouveaux hussards républicains que certains irresponsables ont appelé à abattre. Cette soirée est donc aussi l’occasion de resserrer les rangs. Nous vivons sûrement un moment où l’obligation de penser va s’installer, plutôt que l’obligation d’obéir et de s’habituer aux coutumes, a également déclaré Roland Casto. Elle tombe bien cette fête, à l’ouverture du débat national qui vient d’être lancé, où la chose dont nous parlons le mieux ici, la ville, belle pour tous, va s’inventer, pour qu’il n’y est plus d’inégalités de cadre. Ensuite, la ville pour tous, c’est pour échapper aux datas, qui voudraient nous persuader que l’urbanité réside dans nos smartphones », a-t-il conclu.

« Nous mangerons donc ensemble un peu de ce rapport, qui parle de cathédrales d’accueil pour les exilés, grâce aux cuisiniers migrateurs, et nous boirons, nous, les métropolitains sédentaires, au son d’une bouleversante musique tzigane. Merci encore d’être venu quelques heures, pour fêter ensemble l’avenir et la fraternité ».

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