Portrait – Michaël Silly : Croisé

« Père » de la structure et du concept Ville hybride, Michaël Silly porte haut l’idée qu’il est nécessaire de croiser élus, techniciens, investisseurs et habitants pour répondre aux défis transversaux de la mutation urbaine.

Il voulait devenir cosmonaute pour « explorer l’espace de tous les possibles ». Il a réussi. A cette nuance près que la fusée s’est transformée en scooter et que le territoire à explorer a changé d’échelle. Mais il reste l’essentiel. Car en devenant développeur urbain endogène, Michaël Silly explore un vaste territoire : la ville hybride et son champ des possibles. Son leitmotiv : faire de l’hybridation une réponse aux défis des villes en mutation, en multipliant les passerelles entre les acteurs et les métiers.

Mickael Silly

Michaël Silly. © GB

Une réflexion façonnée au fil d’un parcours… hybride lui aussi. Il y eut d’abord la sociologie liée à ce « besoin de comprendre ce qui l’entoure », et ce depuis l’enfance. « Je plongeais dans les cartons de bouquins que mon père, éditeur, ramenait à la maison. » Plutôt introverti, il fait des livres ses compagnons de route et les laissent lui ouvrir des perspectives. Alors quoi de mieux que la sociologie, « vaste entreprise de démythification » pour satisfaire son insatiable curiosité. Etudiant à l’heure où émergent le 2.0 et le développement durable, il choisit de se spécialiser en sociologie des usages. Il se questionne sur « la façon dont la société reçoit l’innovation technologique. Je ne crois pas à cette idée qui veut que ce soit à l’usager de s’adapter à l’innovation. C’est tout l’inverse. »

Construire collectif

« Le hasard d’une rencontre » le conduit à travailler, en 1995, chez Young & Rubicam, où il est chargé « de détecter les tendances émergentes ». Puis cet homme de réseau décide d’explorer d’autres territoires. Son passage à l’Agence de développement économique de Paris, de 2005 à 2009, sera décisif. « Je m’occupais notamment du Paris région innovation Tour. Grands comptes et start-up s’y rencontraient autour de filières structurantes pour la ville de Paris. Pépinières et autres incubateurs commençaient tout juste à s’inviter dans le paysage. » Mais très vite, « j’ai eu l’impression que l’innovation était circonscrite à un microcosme, alors que le net et l’apparition de tiers-lieux faisaient émerger des pratiques plus ouvertes ». Il sent qu’il y a là un champ à explorer. Il creuse, enquête auprès d’une centaine d’acteurs : urbanistes, architectes, artistes, élus, habitants.

En 2010, il crée Ville hybride et se taille un job sur-mesure de « développeur urbain endogène auprès de la maîtrise d’ouvrage et de la maîtrise d’œuvre en phase de diagnostic et de programmation », récite-t-il avant d’expliciter. Son premier travail : le terrain. Il l’explore, s’en imprègne pour « cartographier les usages, échanger le plus possible avec les experts du quotidien : les habitants. Il faut les replacer au centre de la réflexion», insiste celui qui préconise « l’hybridation des politiques publiques et des initiatives portées par le monde local associatif, économique et culturel ».

Ville hybride, c’est aussi un club qui réunit chaque mois des acteurs du Grand Paris sur un territoire de la métropole pour en évoquer ses spécificités, ses centralités urbaines méconnues. Des sessions organisées dans ces lieux en apparence alternatifs « qui favorisent les interactions ». Des fabriques culturelles et citoyennes disséminées sur tout le territoire métropolitain que Michaël a regroupées sous la forme d’un réseau : Nomad’s land. « Le Grand Paris est en cours d’hybridation et va se construire de plus en plus sur les ressources propres à chaque territoire… » Et, il en est persuadé, « avec les habitants… Les politiques publiques ne structurent pas la société. C’est l’inverse. »

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