PCE lance les Cahiers de l’attractivité

Madrid / Investissements directs étrangers / Lille / Haussmann / Phème. Tel est le programme du premier numéro des Cahiers de l’attractivité, orchestré par Alexandre Missoffe, directeur général de Paris-Ile de France Capitale Economique, avec le soutien de la métropole du Grand Paris et de la CCI Paris Ile-de-France. Un appel à penser « hors cadre » et une prise de hauteur salutaire et rafraichissante.

« Dans un monde qui accélère jusqu’à s’étourdir lui-même, nous avons voulu donner carte blanche aux contributeurs pour aborder un aspect, une expérience ou un enjeu de l’attractivité sous l’angle qu’ils souhaitaient », annonce l’éditorial du premier numéro des Cahiers de l’attractivité.

« Le troisième confinement a marqué une rupture dans les mécanismes de l’attractivité aussi. Il ne s’agit plus d’attendre avec courage et résignation le retour à une meilleure fortune, poursuit l’éditorialiste. Il faut comprendre ce qui s’annonce comme un ressort d’attractivité au sens du Littré de « ce qui attire en séduisant ». Et, pour comprendre, entendre d’abord et voir ». Fort de ce constat, cette revue bimestrielle, éditée par Paris-Ile de France Capitale Economique entend esquisser, par petites touches, « un monde à la croisée de l’imaginaire et du crédible, où se rencontrent les préoccupations géopolitiques, démographiques, technologiques et environnementales ».

© Jgp

Alexandre Missoffe. © Jgp

Manuel Gimenez Rasero, conseiller à l’économie et à la compétitivité de la communauté de Madrid, « Madrid, moteur de l’Espagne face à la Covid-19 et à l’avenir », Christian Nibourel, président de PCE, « Les investissements directs étrangers, carburants convoités des économies mondiales », François Navarro, directeur général de HelloLille « Réhabilitons l’attractivité des territoires », figurent au sommaire de ce premier numéro remarqué. De même qu’Eric Anceau, historien et maître de conférence à la Sorbonne « Haussmann et de dessin d’un premier Grand Paris », et Alexandre Missoffe, DG de PCE, qui titre son papier, en fan du chanteur-poète sétois : « Trompettes de la renommée, vous êtes bien mal accordées ».

« L’incomparable attractivité » de Madrid face au Covid

« L’impact de la Covid-19 pour la communauté de Madrid d’un point de vue économique est profond, transversal, bien qu’asymétrique », indique Manuel Gimenez Rasero, conseiller à l’économie et à la compétitivité de la communauté de Madrid. Le PIB madrilène accuse une chute de 26,4 %, toutefois inférieure à la moyenne nationale. La capitale espagnole a recherché l’équilibre entre protection de la santé des habitants et maintien de l’activité économique. L’économiste détaille le plan de soutien mis en place par le gouvernement, fort ressemblant à celui déployé en France.

Manuel Gimenez Rasero décrit enfin les grands axes d’une stratégie pour l’avenir, passant par l’optimisation des avantages concurrentiels de Madrid dans les services à valeur ajoutée, tout en promouvant les industries traditionnelles (aéronautique, automobile, chimie, etc.) et insistant sur le rôle clé de l’éducation et de l’enseignement pour relever les défis à venir et développer les talents. Le maintien d’une structure fiscale compétitive est également recommandé pour maintenir « l’attractivité incomparable » de la région aux yeux des investisseurs étrangers.

Madrid. © Phil Fiddyment

A propos des investissements étrangers, Christian Nibourel invite à « un changement à la fois de regard, de doctrine et d’organisation ». « Fin 2018, selon l’Insee, le stock d’investissements directs étrangers (IDE) est estimé à 1 370 milliards d’euros, soit deux fois le montant constaté 10 ans plus tôt, rappelle le président de PCE. Sur la base des séries longues de l’OCDE, pour les IDE entrants, la France a été depuis dix ans (2009-2018) sept fois devant l’Italie et le Luxembourg, six fois devant l’Allemagne, trois fois devant l’Espagne, deux fois devant l’Inde et le Pays-Bas », poursuit-il.

Ainsi quelque 40 000 emplois ont été créés ou maintenus en 2019 grâce aux IDE. Les 30 000 entreprises étrangères installées sur notre sol emploient aujourd’hui près de 2 millions de personnes, mais elles représentent surtout 25 % des dépenses de R&D des entreprises et 31 % des exportations françaises. La France est le 7e pays d’accueil des flux d’IDE mondiaux en 2019, et le 2° pays européen, après le Royaume-Uni. Et la France est devenue, selon Business France, en 2019, la première destination européenne pour les projets d’investissements industriels.

Millefeuille administratif

« Notre capacité à attirer des activités nouvelles constitue donc un élément central de notre stratégie », poursuit Christian Nibourel. En l’occurrence, le plan de relance NextGenerationEU doit permettre de renforcer l’attractivité de l’UE, en provoquant un effet levier, susceptible de multiplier par six l’investissement public de départ. Un ratio parfois jugé optimiste. Christian Nibourel souligne en l’espèce les difficultés d’appropriation des procédures d’attribution de ces fonds par les petits porteurs, compte tenu « du millefeuille administratif », qui n’est pas l’apanage de l’organisation territoriale francilienne.

Le président de PCE rappelle le chevauchement des compétences économiques entre les Régions d’une part et les métropoles de l’autre, les communes conservant par ailleurs le bénéfice de leur clause de compétence générale… Si cette complexité se retrouve ailleurs, « la question de la coordination et de l’articulation entre le niveau central et le niveau local a été jugée préoccupante, en cette période de crise sanitaire, ainsi que la dispersion des efforts qui en résultent », estime Christian Nibourel.

Ce dernier salue toutefois la création fin 2014 de Business France, ainsi que d’une Team France export, « dont la montée en puissance a été rapide, les actions jugées efficaces et son bilan très satisfaisant ». Même satisfecit pour les 78 sites industriels « clés en mains », « de nature à accélérer l’installation de nouvelles activités industrielles ».

Hommage à Haussmann

Eric Anceau, maître de conférences à la Sorbonne université, estime que le Paris de Haussmann et de Napoléon III, « bien plus que le Versailles de Louis XIV, offre un exemple exceptionnel d’un territoire pensé à la fois pour le confort et l’efficience de ses habitants et pour le prestige et le rayonnement d’une nation entière ». Vraiment ? L’historien loue Haussmann, citant Persigny, qui commenta ainsi la nomination du préfet : « Là où le gentilhomme de l’esprit le plus élevé le plus habile, du caractère le plus droit, le plus noble, échouerait infailliblement, ce vigoureux athlète, à l’échine robuste, à l’encolure grossière, plein d’audace et d’habileté, capable d’opposer les expédients aux expédients, les embûches aux embûches, réussira certainement. Je jouissais à l’avance à l’idée de jeter cet animal de race féline à la grande taille au milieu de la troupe de renards et de loups ameutés contre toutes les aspirations généreuses de l’empire ».

Le baron Haussmann. © DR

Enfin, le directeur général de Paris-Ile de France Capitale Economique emprunte à Georges Brassens le titre de son article : « Trompettes de la renommée, vous êtes bien mal accordées ». « Si l’attractivité des territoires s’appuie sur des atouts chiffrés, objectivables et mesurables, elle repose aussi sur une image, une perception plus subjective, qui s’apparente davantage à un récit qu’à une démonstration, considère-t-il. La recette du succès tient à la combinaison de ces deux dimensions. Au mariage de la rhétorique et de la poétique », ajoute-t-il. « La déesse de la Renommée, Fama chez les Romains, Phème chez les Grecs, a deux trompettes : l’une courte, soufflant les médisances pour l’infamie (in-Fama), l’autre longue, pour la renommée et l’immortalité des héros », apprend-on également à la lecture de cet article éclairant.

Percer le mur de l’imaginaire

Ainsi, Alexandre Missoffe souligne-t-il que « l’attractivité économique des territoires relève de deux temps distincts, quoique complémentaires » : le temps court, « qui permet de transformer des atouts quantitatifs en expérience positive pour le destinataire du message », et le temps long, « qui va construire la renommée d’un territoire et qui adresse peut-être au final le rayonnement plus que l’attractivité ». Le DG de PCE salue en l’espèce la création récente par la Direction générale de l’armement de la Red team defense, composée d’artistes, de penseurs et d’écrivains, pour construire des scénarios prospectifs sur le monde et ses menaces, citant le commanditaire de cette initiative : « Nous sommes prisonniers de notre mental quotidien. Pour percer le mur de l’imaginaire, il faut faire appel à des personnes qui pensent en dehors du cadre ».

« Car parmi tant de gens de talent pour compter, combien pour conter », interrroge Alexandre Missoffe, qui conclut en donnant la parole à Victor Hugo, qui décrivait « l’homme des utopies, les pieds ici, les yeux ailleurs », dont les rêves sont faits « des ombres qui jettent les choses qui seront un jour ».

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