Matinale Enedis RTE CCI : l’électricité, accélérateur de la transition énergétique

Comment les opérateurs de réseaux électriques s’engagent pour accompagner le développement des nouveaux modes de consommation tout en réduisant la consommation d’énergie de l’Ile-de-France et du Grand Paris ? Telle était la question centrale de la matinale organisée le 29 juin 2018 par Enedis, RTE et la Chambre de commerce et d’industrie de Paris-Ile de France, en partenariat avec Le journal du Grand Paris.

En ouverture des débats, vendredi 29 juin 2018 à la chambre de commerce, place de la Bourse à Paris, Didier Kling a décrit le déficit de production d’une région Ile-de-France qui importe près de 95 % de l’électricité qu’elle consomme. Le président de la chambre de commerce et d’industrie de Paris–Ile de France, a souligné les défis futurs que devront relever RTE et Enedis face à l’ampleur du chantier du Grand Paris, qu’il s’agisse de transport ou d’aménagement et compte-tenu des impératifs de la transition énergétique.

Didier Kling, président de la CCI Paris Ile-de-France, a ouvert les débats de la matinale, vendredi 29 juin 2018 à la Chambre de commerce, place de la Bourse à Paris. © Jgp

Lors de la première table ronde, intitulée « Grand Paris, terrain d’innovations pour les acteurs économiques », Etienne Guyot, directeur général de la CCI Paris-Ile-de-France, a détaillé les conclusions du cahier d’acteurs que la chambre consulaire vient de rédiger sur ce thème, dans le cadre du débat public sur la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Ainsi, la maîtrise du coût de l’énergie, permettant aux entreprises de garder un avantage compétitif grâce à une électricité peu chère en France, constitue une priorité pour une majorité d’entrepreneurs, également soucieuse de « préserver la sécurité de l’approvisionnement ».

A ce titre, la CCIR souligne la nécessité de prendre en compte les enjeux liés au développement des nouveaux usages tels que les véhicules électriques et les datacenters. Il apparaît important de mettre l’accent sur le développement du stockage de l’électricité et d’exploiter pleinement le potentiel des outils numériques et de la gestion des données pour accélérer l’émergence des réseaux intelligents et s’inscrire dans l’approche smart city, considère-t-elle. La transition énergétique doit être une opportunité de nouveaux marchés et d’emplois, ce qui nécessite d’améliorer les échanges entre grands groupes, PME et start-up pour une meilleure diffusion de l’innovation.

Etienne Guyot a décrit, par ailleurs, la vocation de CCI business Grand Paris, plateforme de rencontres entre grands donneurs d’ordres publics et entreprises, notamment PME. Une plateforme à laquelle adhèrent aujourd’hui quelque 1 200 entreprises et les grands donneurs d’ordres des projets du Grand Paris, dont RTE et Enedis, qui ont dit, à cette occasion, tout l’intérêt qu’ils trouvaient à être ainsi mis en réseau avec les PME franciliennes.

Lors de la première table ronde, intitulée « Grand Paris, terrain d’innovations pour les acteurs économiques », Etienne Guyot, directeur général de la CCI Paris-Ile-de-France, a détaillé les conclusions du cahier d’acteurs que la chambre consulaire vient de rédiger sur ce thème, dans le cadre du débat public sur la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). © JGP

Des missions challengées par la transition énergétique

« Nos missions sont challengées par la transition énergétique », a résumé Régis Boigegrain. Pour le délégué régional de RTE pour l’Ile-de-France et la Normandie, ces évolutions produisent deux effets majeurs : l’amplification du développement des énergies renouvelables d’une part, et des évolutions des modes de consommation qui entraînent une plus faible prévisibilité de l’état du système électrique d’autre part.

« La production d’électricité sera plus volatile, moins prévisible, a-t-il fait valoir, créant plus de difficultés pour planifier les interventions sur le réseau. » Régis Boigegrain. a évoqué le développement de l’autoconsommation et des micro-grids, les différents projets « smart » – smart cities, smart grids – « qui offrent de nouvelles flexibilités dans la gestion du système électrique et pourraient à terme changer la forme de la consommation française ».

Nicolas Machtou, directeur délégué d’Enedis en charge de l’Ile-de-France et Régis Boigegrain, délégué régional de RTE pour l’Ile-de-France et la Normandie.

« Le développement de nouveaux usages, au premier rang desquels l’essor de la mobilité électrique figure parmi les défis de RTE, a-t-il poursuivi. Plus que jamais notre mission, qui consiste à coordonner, seconde après seconde, les différentes échelles de la transition énergétique (ENR, stockage, mobilités électriques et consommation active) est passionnante », a souligné Régis Boigegrain. Et RTE mise sur l’innovation pour répondre à ces nouveaux défis. Innovations numériques pour rendre le réseau plus flexible, innovations technologiques pour libérer du foncier grâce au compactage des postes ou à la mise en souterrain des lignes électriques et innovations partenariales, comme avec le programme Smart territory, pour mettre en commun les expertises et penser les solutions innovantes de demain en termes de mobilité.

« Etre encore plus agile »

« Avec la majorité des nouveaux usages raccordés à ses 80 000 km de réseau (1), Enedis doit faire évoluer très fortement les métiers, et être encore plus agile », a fait valoir Nicolas Machtou. Pour le directeur délégué d’Enedis en charge de l’Ile-de-France, cette nouvelle donne s’inscrit dans un cadre juridique, qui offre à chacun plus de pouvoirs, mais aussi plus de responsabilités. « Puissance nationale et ramification territoriale : c’est cette double nature que nous revendiquons aujourd’hui pour être plus que jamais à vos côtés », a-t-il également souligné.

« Dix ans après sa création en tant que société, ERDF hier, Enedis depuis 2016 est présente à chaque fois que le territoire se transforme : qu’une ZAC, qu’un quartier, qu’une maison sorte de terre, Enedis est là pour relier, raccorder, connecter l’ancien au nouveau, le particulier au commun, bref, pour accomplir sa mission : mettre en réseau. » « Enedis investit chaque jour 1,4 millions d’euros en Ile-de-France, soit plus de 500 millions d’investissement par an », a-t-il également indiqué.

Hybridation

Lors de la deuxième table ronde intitulée « L’engagement des collectivités : quels services déployés pour la transition énergétique ? », le maire de Nogent-sur-Marne, président de l’établissement public territorial Paris Est Marne et Bois et président du Sipperec, Jacques JP Martin, a rappelé que « la métropole était si complexe qu’il n’existait d’autres solutions de gestion des flux que l’hybridation ». Alors que « la volonté de généraliser les véhicules électriques individuels s’accroît », l’élu a notamment appelé à réfléchir aux alternatives à Autolib’, « et à la possible récupération des stations de recharge dédiées comme nouvelles sources d’alimentation pour les véhicules électriques ».

Jacques JP Martin, président du Sipperec, et Jean-Baptiste Lebrun, conseiller technique de Célia Blauel, adjointe à l’environnement d’Anne Hidalgo. © Jgp

Du côté de la ville de Paris, Jean-Baptiste Lebrun, conseiller technique énergie climat, a rappelé que la démarche parisienne vers la transition énergétique passait par des objectifs  » très ambitieux ». « Notre plan climat vise la neutralité carbone et un approvisionnement 100 % EnR en 2050, a-t-il indiqué. Au-delà, c’est aussi un appel à une Programmation pluriannuelle de l’énergie ambitieuse au niveau national et à une ambition renforcée des contributions des États pour respecter l’Accord de Paris sur le climat signé lors de la COP21 », a ajouté le représentant de Paris.

Performance des réseaux

Robert Poggi, directeur territorial de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne d’Enedis, a détaillé les multiples expérimentations en cours, initiées par Enedis, qui mettent à contribution l’intelligence artificielle (IA) pour améliorer la performance des réseaux. En partenariat avec diverses grandes écoles, Enedis utilise l’IA pour détecter et anticiper les dysfonctionnements (excursions de tension), prévenir l’usure du réseau ou renforcer sa fiabilité. « Nous sommes en train de constituer, pour prendre une image parlante, le Waze des travaux en cours sur les réseaux de distribution d’électricité », a également signalé Robert Poggi.

Robert Poggi, directeur territorial de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne d’Enedis. © Jgp

Pour Isabelle Derville, « le besoin de massification du Grand Paris accélère le développement de la transition énergétique ». La directrice adjointe de la direction régionale et interdépartementale de l’équipement et de l’aménagement (DRIEA) a rappelé que « tous les bâtiments devront être aux normes BBC en 2050 », à l’occasion de la troisième table ronde intitulée « Sobriété énergétique, facteur d’attractivité de la région ? ». Isabelle Derville a également décrit comment sa direction agissait pour promouvoir des plans de déplacements urbains favorisant des réseaux de rabattement vers les gares du Grand Paris express en mode doux, conciliant densification raisonnée et développement durable.

« Lorsque l’on parle de transition énergétique, la sobriété n’est pas forcement l’angle d’approche qui fait le plus « rêver » les acteurs économiques et les ménages », a estimé Michel Gioria. « Néanmoins, pour le directeur régional de l’Ademe Ile-de-France, il faut intégrer le fait que l’ensemble des travaux de prospective visant une pénétration importante des énergies renouvelables montre que sans une réduction significative des consommations d’énergie (de l’ordre de 30 à 40 % d’ici à 2050 par rapport à leur niveau de 2010), les objectifs de pénétration des EnR ne sont pas atteignables. »

Michel Gioria a rappelé que le développement des nouveaux usages de l’électricité, notamment pour la mobilité, doit se faire de la manière la plus efficace possible et notamment en évitant de générer des pics d’appels de puissance. « Les usages spécifiques de l’électricité (lave-linge, grille-pain, objets connectés) qui consomment environ 5 000 kWh par ménage et par an, doivent rester à ce niveau et ne plus augmenter. D’où la nécessité d’avoir des équipements de plus en plus performants », a souligné le directeur régional de l’Ademe. Les baromètres Ademe – Pexe sur les éco-entreprises, montrent que les entreprises qui innovent dans le champ de la transition énergétique sont globalement des entreprises plus compétitives (ouverture à l’international, effort de R&D et d’innovation plus important, moins d’exposition aux variations de prix des matières premières…). « La sobriété peut être un facteur de compétitivité », a-t-il souligné

Moins d’électricité par usage

« Nous comptons désormais plus d’usages de l’électricité, et moins d’électricité par usage », a résumé Christophe Donizeau. Le délégué coordination d’Enedis pour l’Ile-de-France a indiqué que « si un nombre accru de fils sont déployés dans la ville, à l’image de la multiplication des prises dans nos logements et nos bureaux, ils ne sont pas toujours sollicités à 100 % de leur capacité ».

Christophe Donizeau a évoqué le rôle des réseaux communicants pour charger au mieux le réseau et contenter les 4 000 MW de besoins d’infrastructures de distribution supplémentaires nécessaires au développement du Grand Paris, sans appel de puissance supplémentaire vu de RTE, soulignant le rôle du compteur communicant Linky.

Christophe Donizeau (Enedis), Nathalie Lemaitre (RTE), Isabelle Derville (DRIEA) et Michel Gioria (Ademe). © Jgp

« Ce compteur communicant va permettre d’optimiser localement l’équilibre entre l’offre et la demande d’électricité mais aussi de développer une logique de système énergétique sur des quartiers ou sur des villes. Linky va contribuer à une meilleure valorisation des gisements locaux d’énergies renouvelables », a indiqué le délégué coordination d’Enedis Ile-de-France. « Ce qui est structurant pour le réseau est l’instant où l’énergie consommée est la plus élevée, autrement dit la puissance appelée la plus forte, a-t-il rappelé. Ce pilotage, chacun en comprend la nécessité pour sa maison pour éviter de consommer trop d’énergie en même temps, au risque de faire sauter les plombs ou de devoir augmenter sa puissance souscrite auprès de son fournisseur. Il s’agit alors de ne pas utiliser tous les appareils en même temps donc de piloter ses besoins », a-t-il expliqué.

« Le compteur communicant Linky va permettre aussi une meilleure information des clients et des signaux tarifaires incitatifs de la part des fournisseurs d’énergie. Chacun pourra devenir acteur de ses besoins et éventuellement pourra reporter des usages pour réduire la contrainte sur le réseau. Moins de contrainte sur le réseau, c’est un réseau moins coûteux et une qualité de fourniture augmentée », a-t-il également indiqué.

Pour Christophe Donizeau, le compteur communicant facilite cette approche de décentralisation de l’énergie ainsi que l’économie circulaire de l’énergie et donne à chacun les moyens de consommer l’électricité qu’il produit. « Il ouvre la porte à des outils de flexibilité locale, à des services énergétiques valorisant au mieux les ressources locales, a-t-il affirmé. Le réseau de distribution communicant est un outil essentiel à la transition énergétique », a-t-il conclu.

Développement de l’électromobilité

Enfin, Nathalie Lemaitre a décrit les leviers actionnés par RTE en faveur de la sobriété énergétique. « Il s’agit d’une part d’actions qui reposent sur des outils de marché ou des mécanismes spécifiques proposés par RTE, qui permettent à des clients industriels de bénéficier d’abattements tarifaires lorsqu’ils adaptent leur consommation aux contraintes du réseau, a indiqué la directrice de la mission Grand Paris de RTE. Ainsi, dans la région francilienne, près de la moitié des clients de RTE ont bénéficié, il y a un an, d’abattements dits électro-intensifs avec des réductions allant de 5 % à 85 % de leur facturation totale », a-t-elle précisé.

« La sobriété énergétique passe également par des actions qui reposent sur une adaptation citoyenne des comportements aux enjeux énergétiques : le consommateur module l‘utilisation des équipements électriques dont il dispose (électroménager et autres) et contribue ainsi à réduire, au-delà de sa propre consommation, l’impact environnemental des pointes de consommation », a indiqué Nathalie Lemaitre. « La région francilienne est particulièrement concernée par les enjeux, puisqu’elle représente 15 % de la consommation nationale », a-t-elle souligné par ailleurs, rappelant à son tour que le territoire est et sera marqué par un développement de l’électromobilité, compte tenu des objectifs fixés par la région et la ville de Paris.

« De par sa mission consistant à assurer l’équilibre offre/demande (EOD), RTE possède la vision du temps réel et prévisionnel du mix énergétique. Ces informations permettent d’orienter les actions pour en minimiser l’empreinte carbone », a-t-elle fait valoir. L’application éCO2mix, qui facilite la compréhension du fonctionnement électrique pour les experts en temps réel et les écogestes pour le grand public, a notamment été citée parmi les initiatives concrètes mises en œuvre par RTE. « Un de nos leviers pour agir consiste à orienter en temps réel les consommations au moment où le mix énergétique est le plus décarboné », a-t-elle conclu.

 

(1) Fin 2017, Enedis recense 15 000 producteurs d’énergies renouvelables, 47 600 bornes de recharge de véhicules électriques et 1 000 nouvelles zones d’activités en réalisation avec 6,3 millions de clients franciliens.

Les réseaux au cœur de la transition énergétique – Hors-série n° 12

Les études prospectives de RTE prévoient qu’à l’horizon 2030, les progrès réalisés en matière d’efficacité énergétique seront plus importants en Ile-de-France que dans le reste de l’Hexagone. Et pourtant… Selon les mêmes études, ce sera aussi la seule région où la consommation d’électricité ne va pas diminuer mais augmenter, en raison de la multitude de projets en cours ou annoncés : logements, transport, développement économique….

Le débat a beau devenir citoyen, il n’en comporte pas moins une dose de technique… Quelle place pour l’électricité dans le mix énergétique décarboné que la loi appelle de ses vœux ? Comment les consommations vont-elles évoluer ? Avec quelles conséquences ? Comment anticiper et prévoir les investissements nécessaires ? Et au fait, comment ça marche ?

Les équipes de RTE et Enedis ont ouvert leurs portes au Journal du Grand Paris pour ce 12e hors-série. Une occasion unique de découvrir le Grand Paris électrique, côté coulisses.

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