Loi SRU, « une mixité de façade(s) ? »

La loi SRU a contribué à mieux répartir les logements sociaux, mais n’a pas accru la mixité sociale en France. C’est ce que révèle la première étude de l’Institut des hautes études pour l’action dans le logement (Idheal), dirigé par la journaliste Catherine Sabbah, incubé par Action logement et soutenu par six autres partenaires.

Des logements sociaux mieux répartis sur le territoire français, mais une concentration de la pauvreté qui a eu tendance à s’accroître. C’est, à grands traits, le constat de la première étude commanditée par l’Idheal, intitulée loi SRU, « une mixité de façade(s) ? » et présentée mardi 4 février 2020 par Kevin Beaubrun-Diant (université Paris-Dauphine PSL) et Tristan-Pierre Maury (Edhec business school).

Kevin Beaubrun-Diant (université Paris-Dauphine PSL). © Jgp

Tristan-Pierre Maury (Edhec business school).© Jgp

Portant sur la période allant de 1999 à 2015, l’enquête des deux économistes montre donc que les HLM, conformément à la loi solidarité et renouvellement urbains, sont de plus en plus mélangés aux autres logements. La concentration relative de logements sociaux par rapport à leur répartition moyenne a ainsi baissé de 7 % à l’échelle de la commune et de 11 % à l’échelle de la section cadastrale. Mais les écarts de revenus entre les 20 % de ménages les plus pauvres et le reste de la population ont augmenté dans le même temps.

21,9 % de logements sociaux en Ile-de-France

« Certaines communes ou quartiers déjà pauvres accueillent de plus en plus de ménages modestes, ont indiqué les deux universitaires, alors que d’autres communes, déjà riches, ont continué à se « spécialiser », en attirant des familles aisées. Même si le logement social est mieux réparti sur le territoire, les écarts de revenus ont donc continué de se creuser. Et les enclaves de pauvreté sont plus nombreuses, et plus pauvres, en 2015 qu’en 1999. La concentration de pauvreté augmente dans les logements sociaux, tandis que les ménages les plus modestes sont de moins en moins présents dans le parc privé », indique également l’étude.

Une ségrégation sociale en hausse

Pour mesurer l’évolution de la ségrégation entre les ménages les plus modestes, les classes moyennes et les plus riches, les chercheurs ont opté pour le critère de revenus des ménages. Ils ont divisé la population française en quintiles et mesuré la différence entre la répartition de ces quintiles à l’échelle nationale, d’une part, et à l’échelle communale ou à celle de la section cadastrale, d’autre part.

Entre 1999 et 2015, cet écart a augmenté de 2 % à l’échelle communale et de 3 % à l’échelon de la section cadastrale. Les chercheurs se sont intéressés plus spécifiquement à l’étude de la situation du premier quintile de revenus, celui correspondant aux 20 % des ménages les plus pauvres, qu’ils ont comparé au reste de la population, révélant une augmentation encore plus nette de la ségrégation en termes de revenus de 9 % à l’échelle municipale et de 10 % si l’on zoome sur la section cadastrale.

Les deux universitaires rappellent qu’en 15 ans de loi SRU, un million de logements sociaux ont été produits, avec un taux de réalisation des objectifs chaque année supérieur à 100 %, très inégalement réparti entre les communes.

Les chercheurs indiquent que l’Ile-de-France, avec 21,9 %, est, avec les Hauts-de-France (21,2 %), la région qui compte le plus de logements sociaux, la moyenne nationale s’établissant à 15 %. Neuilly-sur-Seine (taux de logements sociaux 6 %, taux d’atteinte de l’objectif 2014-2016 15 %, Boulogne-Billancourt (15 et 24 %) et Vincennes (11 et 36 %), figurent parmi les communes qui présentent le plus faible taux de logements sociaux en France.

Pas de corporatisme

Catherine Sabbah, directrice de l’Institut des hautes études pour l’action dans le logement (Idheal), a indiqué que cette nouvelle institution allierait financement et conduite de travaux de recherche sur le logement et sessions annuelles de formation pour professionnels (élus, syndicalistes, journalistes, etc.) à raison de deux jours par mois.

Catherine Sabbah. © Jgp

Bruno Arbouet, directeur général d’Action logement. © Jgp

« On a coutume d’opposer, en matière de logement et d’habitat, le technique et le politique, le parisianisme et la province, le social et le libre, l’action publique et privée. Nous souhaitons au contraire réunir autour de la table l’ensemble des acteurs, sortir d’une logique de silo, sur ce sujet essentiel, souvent confisqué par ses experts, alors qu’il n’est pas si compliqué à expliquer, a-t-elle indiqué. Cela afin d’alimenter le débat public ». Action logement est le principal bailleur de fonds et l’incubateur de ce think-do tank. L’étude Cheuvreux, SMA BTP, Groupama immobilier, ICF habitat, Nexity et Engie ses premiers partenaires. « Nous n’avons souhaité ni les fédérations, ni les associations d’élus au nombre de nos partenaires, afin de privilégier une vision non-corporatiste », a souligné Catherine Sabbah.

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