Généraliser la construction hors-site ou le recours à la géothermie, intensifier les usages avec des quartiers « à haute qualité temporelle », réinventer une architecture bas-carbone ou encore bâtir à La Défense le premier quartier d’affaires post-carbone au monde : l’Université de la ville de demain créée par la Fondation Palladio présentait mercredi 5 avril en 6 min chrono ponctuées par un gong retentissant une série d’initiatives pour accélérer les transitions. Réjouissant.
Il se passe quelque chose. Si les dix initiatives présentées en mode pitch mercredi soir à l’Institut national d’histoire de l’art (Inha) rue Vivienne à Paris, ne se valent pas, l’enthousiasme des intervenants de cette « nuit de l’action », représentant des plus grands acteurs de l’immobilier, de l’aménagement et de la construction est de nature à redonner le sourire à la génération Greta Thunberg. Le trait commun des démarches présentées est leur volonté de créer l’émulation, de faire bouger les lignes en favorisant l’intelligence collective, l’ingéniosité et l’envie d’agir face au défi climatique.
« Rejoignez-nous !», ont lancé tour à tour les « pitcheurs » des démarches présentées, illustrant la mission que s’assigne l’UVD : accélérer la mouvement de décarbonation en favorisant les fertilisations croisées. « Je crois que dans 20 ans, nous constaterons que nous y sommes parvenus », a conclu Bertrand de Feydeau, président de la fondation Palladio et initiateur de cette université inédite, elle-même présidée par l’ancienne présidente Europe d’Ivanohé Cambridge puis directrice générale de Gecina Méka Brunel.
« La géothermie de surface divise par quatre la quantité d’énergie consommée et par dix les émissions de gaz à effet de serre comparée aux systèmes de chaud et de froid classiques », ont rappelé les représentants de Celsius energy, Altarea, l’Agence nationale de la cohésion des territoires et Chartres métropole, porteur d’une initiative visant à massifier le recours à cette source d’énergie. Deux tiers des besoins en chauffage et climatisation du pays pourraient être couverts par la géothermie de surface, contre seulement 1 % actuellement ont-ils ajouté en présentant l’expérimentation menée dans ce domaine par 15 villes pilotes, qui seront accompagnées par le collectif France géoénergie et le réseau Action cœur de ville. « La meilleure énergie, c’est le collectif », a conclu Cindy Demichel, co-fondatrice et CEO de Celsius energy. Méka Brunel, présidente de l’Université de la ville de demain, Bertrand Piccard, président de la Fondation Solar impulse, et Philippe Pelletier, président du plan Bâtiment durable, soutiennent la démarche.
Créer des quartiers à haute qualité temporelle
L’intensification des usages, une des facettes de la ville du ¼ d’heure, souvent mal comprise, figure au cœur du projet de Bercy-Charenton, qui se veut un futur quartier « à haute qualité temporelle ». Les pitcheurs, dont Dominique Alba, directrice des Ateliers Jean Nouvel et inlassable militante de ce concept, Emmanuel Grégoire, premier adjoint de la maire de Paris et Raphaël Léonetti (Cheuvreux notaires) ont décrit les vertus d’un usage mutualisé d’équipements aujourd’hui réservés à leur utilité originelle. Alors qu’une école est utilisée 20 % du temps, pourquoi ne pas l’ouvrir à de nouveaux usages ? Même chose pour les restaurants d’entreprises transformables en brasserie le soir, pour les parkings, les buanderies ou les chambres d’amis. A condition toutefois que certains verrous, les questions liées aux assurances par exemple, soient levés. Même si l’on peut déjà faire beaucoup à droit constant, comme l’a rappelé Raphaël Léonetti.
La démultiplication des pensions de famille en cœur de ville a été présentée par Habitat & humanisme et Perial. Céline Beaujolin, directrice générale d’Habitat & humanisme a souligné les vertus de ces pensions qui redonnent le sourire et la dignité à leurs bénéficiaires, qui parviennent le plus souvent, en quelques mois, à redresser la tête grâce à un toit retrouvé. « L’immobilier, ce n’est pas seulement une source de profit, c’est un métier qui consiste à offrir un toit à ceux qui en ont besoin », a rappelé Eric Cosserat, président de Perial Asset Management. Nombre de ces résidents souffrent ou on souffert d’addictions. Plus de 2/3 perçoivent l’allocation adulte handicapé (AAH), majoritairement pour des troubles mentaux.
La massification du Championnat de France des économies d’énergie (alias concours Cube) qui entend faire de la sobriété énergétique un sport national a été présentée par A4MT, Action logement immobilier et le Cerema. Le nombre de bâtiments engagés dans le concours va être multiplié par dix, passant de 380 à plus de 4 000. Lors de la précédente édition, les participants seraient parvenus à réduire de 18,5 % leur consommation d’énergie. Après les bureaux, les écoles, les collèges et lycées, les bâtiments de l’Etat, les stades, deux nouvelles « ligues » sont créées cette année respectivement dédiées au logement et aux data centers.
« La Défense est emblématique de ce qu’était la façon de concevoir l’immobilier au milieu du siècle dernier. Le quartier est aussi l’exemple des crises multiples actuelles », a dit en substance Pierre-Yves Guice, directeur général de l’agence Paris-La Défense en présentant les Etats généraux de la transformations des tours. L’initiative, qui rassemble des acteurs publics et privés, donnera lieu au dévoilement de dix actions-clés le 5 juin prochain. « Nous avons tenu à lever les crayons », a souligné Brice Piechaczyck (enia architectes), préférant, avec PCA stream et Chartier Dalix, réfléchir à des méthodes de calcul et à la définition de stratégies bas-carbone grâce à un outil de simulation permettant de mesurer l’empreinte carbone territoriale et d’évaluer l’impact de différents scénarios. « Nous aurons besoin de vous rapidement pour alimenter notre modèle en datas », a ajouté l’architecte. « A La Défense, nous sommes déjà passés à l’attaque », a résumé Eric Donnet, directeur général de Groupama immobilier. Parallèlement à ces états généraux, un groupe d’investisseurs lance le projet “La Défense 2050”, qui vise à proposer une vision sur l’avenir du quartier d’affaires afin d’alimenter le plan stratégique de l’établissement public Paris La Défense.
L’Observatoire de l’immobilier durable (OID), SFL et le master 2 développement durable de l’Université Paris-Sorbonne ont présenté le lancement du Label’ID et de la plateforme de contenus de formation certifiante ouverte aux 240 000 salariés du secteur de l’immobilier. « Pour que la filière de l’immobilier réussisse à relever le défi de la transition écologique, il nous faut des moyens humains, des femmes et des hommes formés à la hauteur des enjeu », a résumé Loïs Moulas, le directeur général de l’OID. Le Label’ID se compose d’un parcours de formation en trois étapes, une fresque de l’immobilier pour tous, une formation certifiante suivie d’une spécialisation par métier de l’immobilier.
Pour décarboner la construction, améliorer la qualité du bâti tout en diminuant coûts, délais et nuisances des chantiers, les maîtres d’ouvrage publics et privés sont invités à s’engager sur un volume minimum d’immeubles construits hors site. « D’ici huit ans, 80 % des immeubles que nous prescrivons auront été construits hors-site », a souligné Stéphan de Faÿ, directeur général de Grand Paris aménagement.
Plateau urbain, BNP Paribas real estate, Novaxia et la ville de Paris ont décrit leurs engagements sur des objectifs précis de surfaces dédiés à l’économie sociale et solidaire (ESS) dans leurs projets en cours et à venir. La mairie de Paris annonce ainsi le triplement des surfaces dédiées à l’ESS dans son PLU bioclimatique. Séverine Chapus, directrice générale déléguée des activités de promotion, en charge du développement chez BNP Paribas real estate a indiqué que 300 structures de l’ESS allaient occuper les locaux du siège de l’AP-HP, en cours de transformation, 1 000 m2 sur les 26 000 du site étant sanctuarisés pour être dédiés à l’ESS tout au long du bail qui court sur les 80 prochaines années.
« Ce soir, nous célébrons l’enterrement de la smart city », a déclaré Loïc Dosseur. Le directeur général de Paris & co faisait allusion au fait que le terme n’a pas été prononcé une seule fois durant la soirée. Astrid Weill, directrice générale adjointe de Groupama immobilier, a décrit les immeubles « Nul » que va bâtir sa firme, dans lesquels les consommations d’énergie seront réduites à leur portion congrue notamment grâce à la révision à la baisse de standards de confort au bureau « non-soutenables » (nombre d’ascenseurs, température hivernale, etc.) BNP Paribas real estate, GRDF, Groupama immobilier et SNCF immobilier rejoints par Eiffage, Nexity, Bouygues construction, KOZ architectes, Béchu + associés, le CSTB, Bouchaud architectes, Redman, Sefri-Cime et Sogaris vont lancer dix premiers prototypes de bâtiments très basse consommation en 2023.
Contrast-e, Maud Caubet architectes et Nexity ont présenté le mouvement « Unisson(s) », dans le cadre duquel 30 établissements d’enseignement supérieur s’engagent en 2023 à former leurs étudiants aux enjeux d’une architecture bas carbone et du vivant. « Nous avons décidé de tous nous mettre autour de la table pour inventer une nouvelle architecture bas-carbone, en lien avec le nouveau Bauhaus européen » a souligné Maud Caubet, une des chevilles ouvrières du mouvement dont Dominique Boré, présidente d’honneur de la Maison de l’architecture est le commissaire. Unisson(s) prépare un ouvrage pédagogique pour l’automne prochain. Un millier de professionnels sont annoncés dans ses différents ateliers. L’organisation, à la fin de l’année, d’un « concours du bas-carbone désirable » est également prévue.
Le gotha de l’immobilier
Fondée en 2008 et abritée par la Fondation de France, la Fondation Palladio entend mobiliser et rassembler tous les secteurs et métiers concernés par la problématique immobilière et urbaine, les pouvoirs publics, le monde associatif et les chercheurs. Ses membres fondateurs figurent parmi les poids lourds de la promotion immobilière et des foncières : Altarea, BNP Paribas real estate, Bouygues immobilier, Covivio, EY, Gecina, Icade, Kaufman & Broad, Klépierre, Socotec et Unibail-Rodamco.
L’Université de la ville de demain bénéficie de son côté du soutien de la quasi-totalité de la place : Groupama immobilier est son « mécène premium », Ardian, Axa IM Alts, Hermès, RTE, Saint-Gobain ses mécènes de l’Université de la ville de demain, tandis que ADI / Association des directeurs immobiliers, Groupe ADP / Aéroports de Paris, AE75, Afilog, Agence d’architecture Béchu & associés, Aire nouvelle – Equans, Alila, AMO/ Association architecture et maîtres d’ouvrage, Amundi immobilier, Arep, Artelia, Batipart, Bouygues bâtiment IDF, Business immo, CBRE, CDC Habitat, CDIF/ Club des développeurs immobiliers et fonciers, Celsius energy, Citynove-Groupe Galeries lafayette, Cosy home, Egis, Eiffage immobilier, Emerige, Enia architectes, EPF Ile-de-France, Epra, FEI / Fédération des entreprises immobilières, FFB / Fédération française du bâtiment, FPI / Fédération des promoteurs immobiliers, Fraîcheur de Paris, Freo, Frey, GA Smart building, Generali real estate french branch, Grand Paris aménagement, GRDF, Haussmann executive search, Hines, Immobel France, Immo mousquetaires, Ingérop, Interconstruction, Kardham, Korian, La Française, La Poste immobilier, Left bank, Maud Caubet architectes, OFI Invest real estate, Ogic, Orange, PCA-Stream / Philippe Chiambaretta architecte, Perial, Pimco prime real estate, PWC France, Quartus, RDAI, Redman, RRED, Groupe Rougnon, S2T, Saguez & partners, Saphyr, SCAU, Screeb, Sefri-Cime, SFL / Société foncière lyonnaise, SNCF immobilier, Société de la Tour Eiffel, Sogaris, Sogelym Dixence, Spie Batignolles, Telamon, Veolia, Vinci construction France, Victoires Haussmann SGP, Vinci immobilier, WO2 sont ses mécènes tout court.