Le foncier au cœur du développement de la Vallée de la Seine

Les établissements publics fonciers de Normandie et d’Ile-de-France organisaient à Rouen le 4 mars 2022 un séminaire intitulé : « Le foncier au service du développement de la Vallée de la Seine ». Un événement conçu comme un point d’étape sur une démarche entreprise dans le cadre du CPIER et qui vise à dresser un état des lieux des besoins en matière de foncier logistique et industriel sur un territoire soumis à de nombreuses contraintes.

Juguler la préservation des espaces naturels et le développement des activités économiques, voilà tout l’enjeu des travaux menés sous l’égide de l’Etablissement public foncier de Normandie (EPFN) et de son homologue d’Ile-de-France (EPF IDF) dans le cadre du CPIER Vallée de la Seine. Le contexte, rappelle le directeur de l’EPFN Gilles Gal, a clairement renforcé la centralité du sujet : « On observe une certaine complexité à rendre le foncier accessible, tant au regard de la question des risques naturels que de celle des besoins en termes de réindustrialisation qui se sont renforcés avec la crise sanitaire ainsi qu’avec le conflit actuel en Ukraine ». Une liste à laquelle les professionnels de l’aménagement du territoire ajoutent la loi climat et résilience qui introduit un nouveau concept clé : le « zéro artificialisation nette ».

Gilles Gal, directeur général de l’EPF Normandie. © Jgp

La Vallée de la Seine, un territoire à la croisée des enjeux

L’EPFN, qui vient d’adopter sa nouvelle feuille de route pour les cinq ans à venir, n’a d’ailleurs pas manqué de placer la question du foncier au cœur de son projet, souligne Gilles Gal. Vu d’Ile-de-France, la question est peut-être plus cruciale encore, a fortiori le long de l’axe Seine : « la Vallée de la Seine constitue un territoire d’intervention majeur pour notre établissement », rappelle Guillaume Terraillot, le directeur adjoint de l’EPF IDF. Un territoire sur lequel l’établissement public foncier a consacré entre 2016 et 2020 près de 600 millions d’euros en acquisitions tandis qu’il réalisait 400 millions d’euros de cessions. « Un territoire, explique-t-il, à la croisée d’enjeux majeurs comme le développement de l’emploi et la réindustrialisation » et sur lequel l’action des EPF est essentielle.

Guillaume Terraillot, directeur général adjoint en charge du pôle stratégie et ressources de l’EPF Ile-de-France. © Jgp

Cyril Queffelou, responsable du pôle observation et stratégie foncière à l’EPF Normandie. © Jgp

Parmi les travaux menés par les EPF, le développement de la connaissance des friches est central. D’ailleurs, rappelle Cyril Queffeulou, chef de service au pôle stratégie et observation foncière de l’EPNF, « nos établissements ont été spécialement créés pour traiter cette question dans les années 1970 ». Deux décennies à peine avant la création en Normandie du fonds friche destiné quant à lui « à pallier la dégradation des grands sites industriels ». Puis avec la question de la maîtrise de l’étalement urbain dans les années 2000 et plus récemment l’avènement du concept de ZAN, « les friches ont progressivement été perçues comme un potentiel foncier et comme une vraie alternative ».

638 friches répertoriées en Normandie

Si l’identification de ces zones a débuté en Normandie il y a plus de dix ans, « le CPIER a donné une nouvelle envergure à nos travaux », reconnait Cyril Queffeulou. Au total, près de 638 friches ont ainsi été répertoriées sur quelques 300 communes marquées par un passé industriel. Des sites pour lesquels l’EPFN a dressé de véritables « cartes d’identité » pour mieux anticiper leur potentiel. En Ile-de-France, explique l’urbaniste Jean Benet (Institut Paris Région), le début du recensement des friches a démarré en 2020 par suite d’une demande de la Région qui ambitionnait de « reconquérir les friches franciliennes ». Au final, 2 700 sites ont ainsi été qualifiés à l’échelle de la région dont 834 pour le seul territoire de la Vallée de la Seine. Des sites dont 40 %, souligne Jean Benet, sont considérés comme des espaces ouverts n’ayant pas vocation à être urbanisés.

Jean Benet, urbaniste chargé d’études, Mission planification Institut Paris Region. © Jgp

Dès lors, que faire de ces données ? Les collectivités s’en servent pour élaborer leurs documents d’urbanisme mais aussi et surtout, et c’est une démarche nouvelle, pour confronter l’offre avec la demande ! « C’est le marqueur d’un changement de raisonnement », constate Cyril Queffeulou. Dans le même ordre d’idée, l’Institut Paris Région développe actuellement un outil, Cassius, qui renseignera les caractéristiques des friches afin de faire correspondre le meilleur usage qui pourrait s’y développer.

De leur côté, les CCI se penchent sérieusement sur la question des ZAC. Les enjeux de disponibilité foncière sont essentiels pour les entreprises « qui ne sont pas des acteurs fonciers mais qui ont besoin de mieux connaître leur environnement », résume Laurent Lesimple de la CCI Portes de Normandie. Pour le réseau consulaire, il est alors essentiel « d’organiser la fluidité de l’information entre les différents acteurs du marché » avec, en tête, une nouvelle approche : la sobriété foncière. Pour Jean-François Bagot de la CCI Paris Ile-de-France, les collectivités doivent être à la manœuvre pour coordonner l’ensemble des acteurs.

Laurent Lesimple, responsable département informations études aménagement de la CCI Normandie. © Jgp

Jean-François Bagot de la CCI Paris Ile-de-France. © Jgp

Quelle place pour le foncier logistique ?

Lorsqu’il est question d’axe Seine, la logistique n’est jamais loin. C’est ce que rappelle Lucile Audièvre, cheffe de projet chez Logistique Seine Normandie (LSN). « Le foncier à vocation logistique est un facteur d’attractivité et de compétitivité pour notre filière ». Dans ce cadre, LSN mène un travail régulier de référencement qui montre une diminution de l’offre disponible ces dernières années. Un phénomène aux multiples causes : « c’est le fruit de politiques qui visent à limiter la consommation foncière mais aussi la conséquence d’une inadéquation de l’offre existante aux besoins du marché ». D’où la proposition d’un schéma de cohérence logistique régionale qui vise notamment à garantir l’attractivité du 1er ensemble portuaire français mais aussi la compétitivité du tissu industriel normand et séquanien.

Lucile Audièvre, cheffe de projet de Logistique Seine Normandie. © Jgp

Jean-Baptiste Bisson, directeur général adjoint de l’EPF Normandie. © Jgp

En Normandie, la logistique, essentiellement polarisée le long de la vallée de la Seine pèse près de 6 % des emplois et représente 6,3 millions de m² d’espaces d’entreposage (+ 20 % depuis 2015). Un secteur en évolution constante qui nécessite une adaptation permanente : augmentation du trafic conteneurisé, avènement du e-commerce, développement de l’économie circulaire, sont autant de facteurs qui invitent à penser différemment les implantations logistiques de demain. L’avenir, imagine Lucile Audièvre, passera probablement par « la densification et la modernisation des parcs existants et par une meilleure coordination des offres foncières sur une échelle qui devra inclure l’axe Seine dans son ensemble ».

La logistique, pourvoyeur d’emplois

En lien avec LSN, le Cerema s’est attaché quant à lui à caractériser les zones d’activités en fonction de plusieurs critères, explique Gaëlle Schauner : exposition au risque submersion, accessibilité depuis les zones urbaines ou encore qualité de la desserte numérique. « Une approche qui permet une meilleure compréhension de ces zones par rapport aux enjeux de la logistique ». Ce travail, l’établissement public et les collectivités concernées l’ont expérimenté sur le site du Val d’Hazey près de Gaillon sur le territoire de l’Agglo Seine Eure.

Gaëlle Schauner, directrice du département ville durable du Cerema Ile-de-France et Régis Petit, directeur général des services de la communauté d’agglomération Seine Eure. © Jgp

Didier Pastant, adjoint au DGA transports et aménagement du territoire du conseil régional de Normandie. © Jgp

Un territoire où réindustrialisation rime avec logistique. C’est en tout cas le souhait de son DGS, Régis Petit. « Les industriels sortent de plus en plus leurs chaînes logistiques et participent ainsi d’un nouvel écosystème, et tout ça nécessite du foncier ! » En s’appuyant sur un site industriel historique, la communauté de commune s’est interrogée sur « le parc d’activité du futur ». Les études menées sur ces terrains en bord de Seine ont permis de circonscrire des zones inondables, des secteurs à protéger « pour produire un schéma d’aménagement qui permet une reconnexion de la trame hydraulique ». Seule ombre au tableau, reconnaît le DGS, « la temporalité des acteurs économiques n’est pas toujours la même que la nôtre ! »

« L’enjeu pour Haropa est de constituer un corridor logistique le long de l’axe Seine pour mieux desservir Paris »

Directeur de l’intelligence économique au sein d’Haropa port, Laurent Foloppe rappelle les ordres de grandeur lorsqu’il est question de l’axe Seine : le domaine de l’ensemble portuaire de la Vallée de la Seine représente 16 000 ha sur lesquels sont présents quelque 2 600 établissements. « Les terrains disponibles sont rares d’où la nécessité de faire des zones industrialo-portuaires des lieux dédiés au développement de la logistique et des nouvelles filières industrielles, et qui soient mieux intégrés dans leur environnement ». Face à l’enjeu de la décarbonation, la proximité des infrastructures multimodales est un atout pour le développement logistique et industriel : « aujourd’hui des chargeurs s’installent sur les ports et ça c’est un changement fondamental ».

Laurent Foloppe, directeur de l’intelligence économique de Haropa port. © Jgp

Pascal Sanjuan, préfet, délégué interministériel au développement de la Vallée de la Seine. © Jgp

Alors pour rationaliser et reconvertir ses friches portuaires, Haropa port lance des appels à manifestation d’intérêt comme sur l’ancien site Lafarge sur le parc PLPN3 au Havre, sur les anciens terrains de Renault CKD à Rouen ou encore à Limay ou Ikea a confirmé en 2021 une implantation majeure. Plus à l’ouest de la Capitale, c’est le projet PSMO qui retient l’attention : un port de 100 ha doit émerger entre Conflans, Achères et Andrésy à horizon 2039 sur des terrains délaissés par une entreprise de carrières. « A travers ces projets, l’enjeu pour Haropa port est de constituer un corridor logistique le long de l’axe Seine pour mieux desservir Paris ».

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