La France des possibles : Jean Dumonteil fait l’éloge des maires

Dans son ouvrage « La France des possibles, ces maires qui inventent et innovent », Jean Dumonteil, journaliste-expert du secteur public local, emmène le lecteur dans un road-movie municipal, à la recherche des meilleures innovations locales. Un panégyrique à rebours de l’élu-bashing, préfacé par Erik Orsenna.

C’est Erik Orsenna qui entame cet ouvrage, par une évocation teintée d’émotion. « Toute ma vie je me souviendrai de ce moment », écrit l’académicien, en décrivant la levée des 3 000 maires réunis au Palais des congrès de la Porte Maillot en novembre 2015, après que l’écrivain leur a dit que le maire était « celui qui réparait les vivants », citant l’ouvrage éponyme de Maylis de Kerangal.

Erik Orsenna. © Jgp

Le conseiller d’Etat participe alors, aux côtés d’un aréopage d’experts (*), au groupe de réflexion sur la commune du XXI° siècle, lancé par François Baroin, président de l’Association des maires de France, et animé par Jean Dumonteil. Mais les attentats du 13 novembre 2015 qui ensanglantent la Capitale aboutiront à l’annulation du Congrès des maires lors duquel les travaux de ce groupe de travail devaient être présentés. Faute de congrès, 3 000 édiles sont donc réunis Porte Maillot au lendemain des attentats. Des élus à l’inventivité desquels cet ouvrage est consacré. « Jean Dumonteil et moi partageons cette conviction que ce pays ne se connaît pas. Il possède en lui-même des ressources, des trésors, qu’il ne soupçonne pas », écrit également l’académicien. D’où ce tour de France des possibles.

« Le contraire de la politique des petites phrases »

« Ce livre est né d’une rencontre, et d’une conviction partagée sur la responsabilité essentielle qu’exercent aujourd’hui les maires de France, maillons essentiels de la République et de la démocratie », enchaîne Jean Dumonteil. Montrer la capacité des maires « à réparer et à innover, à inventer des solutions inédites pour qu’on vive mieux, dans leur commune, pour que les habitants soient pleinement citoyens, c’est l’objectif de cet ouvrage, soit le contraire de la politique des petites phrases, des jeux d’appareils partisans, des idéologies assassines », indique l’ancien rédacteur en chef puis directeur de la Gazette des communes, également secrétaire général du Global local forum, réseau international d’expertise et d’action sur le développement territorial et le renforcement de l’action publique locale.

Emmanuel Macron accueilli lors du dernier Congrès des maires de France. ©Jgp

Jean Dumonteil cite Philippe Laurent, maire (UDI) de Sceaux et secrétaire général de l’Association des maires de France, qui évoque « un sentiment de discordance [ressenti par les maires] lié à la culture de l’appareil d’Etat : on dialogue, mais derrière, on sent une conception faisant des maires des personnages un peu patrimoniaux, folkloriques… Il faut sans cesse rappeler que nous sommes des partenaires de l’action publique et des acteurs économiques de premier plan ». L’élu est également cité pour le projet scéen de « ville 30 », visant une circulation apaisée et un partage réussi de la voirie entre ses usagers.

L’auteur évoque la smart city coréenne, l’agriculture urbaine à Boston ou la gouvernance collaborative de Curitiba au Brésil, mais surtout – car c’est l’objet du livre – de multiples initiatives municipales ou intercommunales françaises, franciliennes notamment.

Plaine Commune fait le pari de l’intelligence urbaine

Jean Dumonteil détaille le pari de « l’intelligence urbaine » fait par Plaine Commune, à l’initiative du philosophe Bernard Stiegler, directeur de l’Institut de recherche et d’innovation, et de Patrick Braouezec. L’objectif de la démarche « d’expérimentation contributive », portée par une équipe d’universitaires et de chercheurs, est de faire de « Plaine Co » un territoire apprenant. « Avec la maison des sciences de l’homme Paris Nord, unité de recherche soutenue par le CNRS et les universités Paris 8 et 13, des chaires sont créées pour accueillir des chercheurs notamment doctorants, qui ont pour mission, en relation avec les citoyens, d’instruire et accompagner ces transformations », est-il indiqué.

Jean Dumonteil, au Congrès des maires de France. © Jgp

Au fil des pérégrinations de son auteur, « La France des possibles » décrit par exemple le combat du Syndicat intercommunal d’assainissement de la région d’Enghien-les-Bains (Siare), présidé par le maire de Saint-Prix Jean-Pierre Enjalbert, pour la reconquête de la nature en ville, contre l’imperméabilisation des sols, face à un risque d’inondation accru. La Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi), récemment transférée à l’échelon local, « impose de protéger, restaurer des sites naturels, des écosystèmes aquatiques et des zones humides », loin de la seule « gestion des tuyaux », à laquelle se limitait le rôle des élus locaux, souligne le maire de Saint-Prix. « Jusqu’à présent, on considérait l’eau de pluie comme un déchet à évacuer, on a maintenant compris que l’eau est une ressource », poursuit l’élu.

Expert de ces questions, Jean Dumonteil décrit les injonctions paradoxales de l’Etat dans ses relations financières avec les collectivités locales. Un Etat qui fixe des objectifs, décentralise des missions, tout en ne les compensant qu’imparfaitement pour, in fine, reprocher aux élus locaux la dérive supposée de leurs budgets. Le journaliste évoque également le débat récurrent sur l’excès de fonctionnaires territoriaux, là encore pour défendre le secteur public local, en rappelant que les services mis en place visent à répondre à une demande de service public qui a explosé.

Recyclage des tontes à Cergy-Pontoise

De multiples initiatives prises par les collectivités pour une gestion plus rationnelle et adaptée au défi du temps sont citées, à l’instar de la gestion environnementale des espaces verts mise en œuvre par la communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise. Une gestion qui passe par le recyclage des tontes, la taille douce des arbres, la limitation drastique des produits phytosanitaires ou l’expérimentation des prairies fleuries. Le tout en externalisant à des prestataires privés l’ensemble des tâches « sans valeur ajoutée ».

Ainsi, sur 600 agents permanents et 900 collaborateurs temporaires, l’agglo de Cergy-Pontoise ne compte qu’une quinzaine d’agents pour la création et l’entretien des espaces verts. « Le choix des modes de gestion des services publics locaux n’a pas de lien avec l’appartenance partisane des maires », constate Jean Dumonteil, créateur d’un Atlas des modes de gestion des services publics locaux au sein de l’Institut de la gestion déléguée.

Les maires ceints de leur écharpe tricolore. © Arnaud Février pour l’AMF

Le journaliste raconte comment la ville de Saint-Cloud a associé la population à son plan d’économie tout en lui donnant un rôle plus actif dans la gestion de la ville ou les vertus de la Digitale académie inventée par Montereau-Fault-Yonne en Seine-et-Marne : un service municipal d’aide à la réussite des études supérieures diplômantes post-bac pour les jeunes de 16 à 25 ans.

Au titre des innovations citées, « La France des possibles » décrit également la tour maraîchère de 1 000 m2 cultivés en étage qui s’élèvera à Romainville, en Seine-Saint-Denis ou encore le smart grid d’Issy-les-Moulineaux.

Le combat de Mohamed Gnabaly à L’Ile-Saint-Denis

En Ile-de-France toujours, Jean Dumonteil évoque le bonheur de Mohamed Gnabaly, le maire de L’Ile-Saint-Denis, à l’idée d’accueillir un Village olympique qui créera 3 500 logements supplémentaires en mode héritage, décrivant l’engagement de ce jeune élu pour rendre la transition écologique socialement acceptable.

Enfin Jean Dumonteil cite Pierre Veltz pour étayer son plaidoyer en faveur d’une réussite de l’alliance entre les métropoles et la ruralité : « La plupart des métropoles sont engoncées dans des habits trop étroits, souligne l’économiste et sociologue. Or pour la transition écologique, comme pour d’autres aspects,  l’existence de ces espaces peu denses est une grande chance », rapporte Jean Dumonteil dans cet ouvrage résolument optimiste.

La France des possibles, ces maires qui réparent et inventent, de Jean Dumonteil, 286 p. Ed. Fayard

* Le groupe de travail sur la commune du XXI° siècle, lancé par François Baroin, président de l’Association des maires de France et animé par Jean Dumonteil, réunit Erik Orsenna, Fabrice d’Almeida, historien, professeur à l’université Panthéon Sorbonne, Vincent Aubelle, professeur associé à Paris-Est Marne-la-Vallée, Géraldine Chavrier, professeur de droit public, Gérard-François Dumont, géographe et recteur, et c

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