J. JP Martin : « Une part de la plus-value foncière pourrait revenir à la SGP »

Jacques JP Martin, ingénieur, maire de Nogent-sur-Marne et président de Paris Est Marne & Bois, apporte, à titre personnel, sa contribution aux échanges en cours sur le dossier du Grand Paris express. Il propose notamment que la Société du Grand Paris bénéficie d’une part des plus-values foncières réalisées grâce au futur réseau de métro automatique.

Quel regard portez-vous sur les récentes annonces du gouvernement relatives au Grand Paris express ?

Je suis rassuré que le Premier ministre ait confirmé la volonté du gouvernement d’aller jusqu’au bout du projet du Grand Paris express. Ce projet est structurant pour la métropole du Grand Paris et nécessaire aux mobilités au cœur de la région Ile-de-France.

Jacques JP Martin, maire de Nogent-sur-Marne

Jacques JP Martin, maire de Nogent-sur-Marne, président de Paris-Est Marne et Bois. © DR,

Il sera la charpente de la zone métropolitaine dense, un moyen de « raccourcir les distances » entre les pôles de développement indispensables à la population, à l’économie et à l’emploi. Il sera également une fabrique de cohésion entre les territoires intercommunaux d’une métropole multipolaire, donnant ainsi une chance à tous, notamment aux « poches » d’inégalités sociales et territoriales sur le territoire de la métropole du Grand Paris.

Vous pointez la responsabilité de l’Etat dans ce dossier ?

En effet, selon moi, l’Etat est responsable de la situation actuelle. Les gouvernements successifs n’ont pas mesuré l’ampleur de ce projet hors normes. Christian Blanc, Yves Albarello, Gilles Carrez et Maurice Leroy l’avaient compris et mesuré, après l’impulsion donnée dès le départ par Nicolas Sarkozy. Mais le ministère de l’Economie et des Finances, principalement pour soi-disant ne pas « contrarier » les élus de province, a freiné le processus en empêchant la capitalisation de la SGP qui lui aurait permis une certaine autonomie financière par le recours à l’emprunt. Il fallait que le financement provienne de la région parisienne, alors que ce projet bénéficiera à l’ensemble du territoire national. L’État a également prélevé quatre milliards d’euros sur les moyens financiers de la SGP pour la rénovation et la modernisation des réseaux de transport existants, qui durent excessivement – les RER sont restés trop longtemps sans modernisation ni entretien.

Vous regrettez notamment que l’Etat n’ait pas accédé aux demandes d’effectifs supplémentaires de la SGP ?

L’État a plombé l’organisation de la SGP par un plafond d’emplois à hauteur de 220. Avec, pour conséquence, le recours à trop d’assistances à maîtrise d’ouvrage, trop chères, insuffisamment encadrées par des techniciens et des ingénieurs expérimentés. Il est regrettable de ne pas avoir mesuré, pour ce projet d’une durée de près de 20 ans, l’importance et la nécessité de recrutements très qualifiés. Un grand nombre d’élus, des maires entre autres, estime qu’il faut absolument renforcer le management opérationnel de la SGP pour le rendre plus performant, à l’image de celui qui existe dans les entreprises majors de travaux publics, en recherchant, pour certains postes-clés d’ingénieurs projets et techniciens, des compétences adaptées à l’ampleur et à la durée du projet, dans le secteur privé en France ou en Europe.

Vous soulignez les compétences d’Etienne Guyot et de Philippe Yvin ?

Si l’État semble décidé à changer la présidence du directoire de la SGP, il sera d’abord souhaitable de la stabiliser. Les changements au service des postures politiques ont souvent été perturbants. Je dois souligner combien, dans des circonstances différentes, les deux derniers présidents, Étienne Guyot et Philippe Yvin, ont été à la hauteur des défis à relever malgré les difficultés connues de moyens. Je profite de cette occasion pour féliciter mes collègues Jean-Yves Le Bouillonnec, président du conseil de surveillance, et Bernard Gauducheau, président du comité stratégique, pour leur réussite dans la mission qui leur a été confiée. Au-delà des jeux politiques, il faudrait peut-être choisir un grand patron qui ait à la fois le sens de l’organisation pour conduire un tel projet, tout en étant un réel meneur d’hommes émancipé des jeux politiques.

Je dois souligner combien, dans des circonstances différentes, les deux derniers présidents, Étienne Guyot et Philippe Yvin, ont été à la hauteur des défis à relever malgré les difficultés connues de moyens.

Vous soulignez également la popularité du projet ?

Orbival [association présidée par Christian Favier dont le secrétaire général est Jacques JP Martin NDLR] l’a prouvé par une mobilisation de 60 000 habitants du Val-de-Marne qui ont signé l’adhésion au projet et par l’acceptation d’une fiscalité propre, sans protestation, par la population qui galère encore quotidiennement dans les transports existants. Nous venons à nouveau de démontrer cet engouement populaire pour le projet par la présence de près de 4 000 personnes sous la pluie, le samedi 3 février à Champigny, pour le lancement du premier tunnelier de la ligne 15 sud.

C’est pourquoi, si la fin de l’ensemble des travaux était reportée à 2030 selon les dernières déclarations du Premier ministre, il est indispensable en même temps d’ici là, de moderniser et fiabiliser les réseaux existants. Après l’annonce d’une nouvelle feuille de route pour le Grand Paris express, il me semble primordial que l’État s’engage – aux côtés de la région Ile-de-France – à la remise à niveau du réseau des RER qui seront connectés à la future boucle GPE (en maillant les radiales à la nouvelle rocade) et exige de la SNCF – en lui donnant les moyens – que soit accéléré le projet de prolongement du RER E vers La Défense.

Vous êtes favorable à une réduction de la part confiée aux AMO ?

La mission confiée à Gilles Carrez est rassurante, les pistes qu’il propose sont les plus réalistes, mais il faut aussi donner à la SGP plus de moyens et de garanties pour qu’elle porte des emprunts de longue durée. Rappelons-nous que l’emprunt réalisé pour le métro parisien a été remboursé en totalité dans les années 1980, soit près de 100 ans après sa mise en service ! Les économies sont possibles au plan des dépenses de personnel en réduisant les AMO qui coûtent beaucoup trop cher et sont difficiles à mobiliser de façon efficace.

L’impact du Grand Paris express sur le marché de l’immobilier est évident. Tout d’abord il va permettre de réduire les inégalités structurelles historiques des prix de l’immobilier entre l’ouest parisien et l’est. Tout le monde est aussi d’accord pour reconnaitre que les quartiers d’un certain nombre de gares (les hubs particulièrement) sont des opportunités d’aménagement des territoires de l’Ile-de-France et de sa métropole. Ce sont des nouvelles centralités dont le bénéfice doit profiter à tous les acteurs : les collectivités, les aménageurs publics et privés et aussi et surtout la Société du Grand Paris.

Vous prônez l’attribution d’une part des plus-values foncières à la SGP ?

La valorisation du foncier au droit et aux abords des futures gares n’a pas été retenue jusqu’à présent. Dans d’autres villes comme Singapour, cette valorisation foncière a pu atteindre 30 % et profiter pour partie au projet lui-même. Le monde de la promotion immobilière s’est lancé bien seul en anticipant la démarche. Il aurait fallu que les aménageurs en fassent profiter les territoires et la SGP en imposant un pourcentage en retour de cette valorisation (il était de 10 % à Singapour) dans un cadre contractuel à imaginer avec l’Etat. Ce dernier a « mis trop vite au placard » les contrats de développement territorial (CDT) qu’il a co-élaborés avec les communes pour piloter l’aménagement autour des grandes gares pour créer de l’activité et du logement. Il est peut-être temps de remettre à l’ordre du jour ces CDT qui possèdent des feuilles de route très intéressantes dont les maires se sont dotés.

Vous êtes inquiet quant aux délais de réalisation ?

Même si l’effet d’annonce de 20 tunneliers travaillant simultanément sur le « double huit » se veut impressionnant, je pense que les moyens techniques et humains ne sont pas suffisants pour relever le défi dans des délais à « vision humaine » en lançant tous les sites en même temps.

Baptême de Steffie Orbival, premier tunnelier du Grand Paris express, le 3 février à Champigny. © Jgp

J’ai appris les avantages, les contraintes et les surprises de ce type de travaux lors de la réalisation des « grands émissaires » qui maillent les stations de traitement des eaux usées du Siaap. Le séquençage des tronçons, basé sur les priorités et les urgences, devrait être étudié. Par exemple, concentrer les moyens sur les lignes avec leurs interconnexions aux RER, 15 sud et 15 est, les dessertes en Seine-Saint-Denis comme celles de Clichy-Montfermeil, Saint-Denis Pleyel, Le Bourget et celles nécessaires au déroulement des Jeux olympiques, regrettant que ces derniers soient concentrés au nord et au nord-est de Paris… Il faut réussir à rendre compatibles et convergentes les exigences, parfois contradictoires au plan des délais mais justifiées, de mes collègues maires.

Face à des réalités que nous devons tous prendre en considération, la volonté du gouvernement devrait permettre le bouclage par étapes de la rocade du GPE dans sa totalité, dans des délais devenus raisonnables.

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