Bouygues immobilier cogite sur la ville de demain

Depuis cinq ans, le blog « demain la ville », porté par l’entreprise Bouygues Immobilier, réfléchit à la ville du futur. Jeudi 16 novembre, à l’occasion de son 5e anniversaire, il avait réuni un panel d’experts.

Situé sous le pont Alexandre III, le Génie d’Alex recevait, le jeudi 16 novembre 2017, les célébrations d’anniversaire du blog Demain la Ville, porté par l’entreprise Bouygues Immobilier. Aucun hasard dans ce choix, puisque l’endroit est un lieu d’occupation temporaire, très représentatif des nouvelles tendances urbaines. Car c’est bien à la ville que le groupe de BTP désormais réfléchit, et non plus, seulement, aux bâtiments qui la constituent.  « Nous étions des promoteurs, désormais, nous sommes des opérateurs urbains », a expliqué François Bertière, président de Bouygues Immobilier.

Mais les opérateurs de cités en plein mouvement : les Français, en effet, aiment peu leurs villes, surtout si elles sont très grandes, a révélé Bruno Marzloff, sociologue et fondateur de l’institut Chronos. C’est l’une des conclusions de la dernière étude réalisée par l’Observatoire des usages émergents de la ville, réalisée par ObSoCo, en partenariat avec Chronos et avec le soutien de l’Ademe, CGET, Channel et Institut Vedecom. Réalisée auprès de 4 000 personnes, dont 1 000 en Italie, Allemagne et au Royaume-Uni, elle révèle que 48 % des Français souhaitent déménager, cette proportion atteignant 56 % dans Paris et 62 % dans la couronne francilienne. Contre seulement 25 % de ceux vivant en zone moins dense.

« Dans la ville de demain, la technologie doit être invisible et au service de l’habitant », en conclut François Bertière. © Jgp

Deuxième enseignement : la ville connectée fait peur et est globalement rejetée.  Moins d’un sondé sur trois est prêt à céder ses données personnelles pour nourrir de nouveaux services urbains. La ville « nature », en revanche, est un modèle largement plébiscité. Le raccourcissement des distances au travail, voire le télétravail, une plus grande autonomie énergétique et alimentaire des villes, la mutualisation de certains services, font également mouche.

Place du vert en ville

« Dans la ville de demain, la technologie doit être invisible et au service de l’habitant », en conclut François Bertière, qui assure : « la ville de demain sera forcément connectée, y compris cette ville-nature que chacun appelle de ses vœux ». Mais comment donner plus de place au « vert » dans la ville ? La solution ne réside peut-être pas dans tous ces toits transformés en fermes urbaines que l’on voit fleurir dans les projets urbains, ont estimé les participants. « Mais bien dans la préservation d’un peu de végétal en pleine terre », assure François de Mazières, maire de Versailles. « S’il faut plus de densité urbaine, il faut néanmoins résister à la bétonisation de tous les espaces. Ce qu’attendent les habitants, c’est une gradation : un peu de vert à proximité, un parc pas trop loin, et un grand espace vert à quelques kilomètres ».

François de Mazières.

« S’il faut plus de densité urbaine, il faut néanmoins résister à la bétonisation de tous les espaces », estime François de Mazières. © DR

Si l’apparence de la ville change, les services urbains aussi évoluent. « L’aménageur ne doit pas cacher les questions « bousculantes » », a ainsi noté Thierry Lajoie, PDG de Grand Paris aménagement. « Nous basculons progressivement vers l’économie immatérielle. La ville de demain sera la ville des usages – c’est déjà flagrant en matière de mobilité- et des habitants et ne pourra plus être la ville des erreurs. Mais cela bouscule les frontières, car bien souvent, ces services sont assurés par le secteur privé. Quid de la ville inclusive ?

« Nous basculons progressivement vers l’économie immatérielle », constate Thierry Lajoie, président de Grand Paris Aménagement, ici avec Jacques Mézard et Stéphane Raffalli, lors d’une visite aux Docks de Ris.© Jgp

Cette ville sera-t-elle financée par « crowfunding » ce qui sans nul doute aboutirait à des situations financières très contrastées ? » La question est d’autant plus prégnante que bien des nouveaux services urbains –conciergerie de quartier, agriculture urbaine- n’ont pas encore de modèle économique.

« Le numérique renforce l’individualisme »

« Le numérique a un gros défaut, il renforce l’individualisme au détriment du collectif », a renchérit Hélène Peskine, secrétaire permanente du plan urbanisme construction architecture (Puca) et du Prébat (plate-forme de recherche et d’expérimentation sur l’énergie). Un service de guidage routier pourra ainsi, pour sortir un conducteur hors d’une voie engorgée, le faire passer devant une école où le maire avait pourtant souhaité limiter la circulation, ou au cœur d’une forêt remplie de promeneurs du dimanche.

Hélène Peskine

« Le numérique a un gros défaut, il renforce l’individualisme au détriment du collectif », a renchérit Hélène Peskine, secrétaire permanente du plan urbanisme construction architecture (Puca) et du Prébat (plate-forme de recherche et d’expérimentation sur l’énergie) © DR

« C’est pourquoi il est nécessaire de favoriser l’expérimentation de services urbains innovants présentant un intérêt collectif », a souligné Hélène Peskine. Tel est l’objet, notamment, des 21 DIVD (démonstrateurs industriels de la ville durable), soutenus par le Puca, et tout particulièrement de celui déployé à Lyon Confluence : « entre autres services, ses pilotes cherchent à développer une offre de santé à destination des habitants », a expliqué Hélène Peskine. Conclusion de François de Mazières : « il ne faut mettre de la data que là où elle est utile et rentable ! »

Espaces publics de La Confluence à Lyon (juin 2017) ©Laurence Danière/ SPL Lyon Confluence

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