Eric Pliez – Demain ça ira

Directeur général d’Aurore, président du Samu social de Paris et des Canaux, Éric Pliez est sur tous les fronts de la polycrise sociale, et s’acharne pour que le « Grand Paris inclusif » ne soit pas qu’une affaire de mots.

« T’as beau être qu’un vieux loup solitaire, qu’a l’fond du caractère blindé. Y a des quais d’gare les soirs d’hiver, qui t’filent une méchante envie d’chialer. » Ce n’est pas tant cet air de Jacques Higelin dans « Banlieue Boogie Blues » qui résonne à l’esprit d’Eric Pliez, que le fond du couplet. Celui qui fétichise plutôt l’album « BBH 75 » appréhende l’échéance hivernale. Où il faut lutter sans vergogne pour ouvrir quelques lits aux personnes sans-abri, sans la garantie que tous aient un toit.
On pourrait, par facilité, le considérer comme la caution solidaire de la métropole.

Eric Pliez

Eric Pliez. © DR

Mais Eric Pliez n’a pas volé sa légitimité, et se place dans toutes les brèches de l’inclusion sociale. A commencer par les Jeux olympiques de 2024, qu’il scrute de son œil de président des Canaux. « Pas sportif » pour un sou, celui qui préfère le souffle de l’accordéon veut « se battre pour des équipements qui laissent durablement la place aux jeunes de banlieue, et des JO qui portent une dynamique d’inclusion ». Pour lui, son « parcours est assez linéaire ». Il l’a pourtant traversé avec des soubresauts, ceux des crises sociales que la France traverse depuis la fin des Trente Glorieuses.

A 25 ans, Eric Pliez enfile sa veste d’éducateur spécialisé, cap vers la Seine-Saint-Denis, au côté d’un public souffrant de handicaps psychiques. Rapidement, mais toujours dans le 93, il accompagne des toxicomanes actifs qu’il faut « remettre debout ». C’est du moins ce que pense Eric Pliez, avant que les années Sida ne le rattrapent.

Se remettre debout

Un tournant « fondamental dans ma pratique », explique-t-il, et que les travailleurs sociaux de sa génération n’ont pas pu étudier dans leurs manuels. « Nous sommes formés pour relever les personnes en difficulté, et là, on doit les voir mourir ». Le virus est encore méconnu, la sensibilisation inexistante. L’éclair prévient l’orage, mais le virus du sida frappe sans crier gare.

En 2001, Éric Pliez devient directeur général d’Aurore. La jonction entre son expérience passée et cette nouvelle opportunité scelle sa vision pour l’inclusion des plus fragiles : offrir un toit, avant « la remise au travail qui, pour moi, contribue au fait de se remettre debout ».

Laconiquement, cet ancien Val d’Oisien « banlieusard de toujours » répond « l’intérêt pour l’autre » lorsqu’on le questionne sur la motivation de tout son parcours. « Il y a sans doute des choses à creuser dans le terreau familial », sourit-il depuis son fauteuil momentanément transformé en divan freudien. Nourri au lait « de la grande générosité et ouverture » de sa mère, dont les parents ont connu « une grande précarité ». Peu de choses ont changé depuis, si ce n’est « que l’on bascule beaucoup plus rapidement dans l’exclusion qu’il y a 20 ans ».

A l’heure où « l’entre-soi rassure et le pauvre fait peur », Eric Pliez veut « voir le verre à moitié plein » et en apprécier chaque goutte. « J’ai le sentiment que cette mission sociale a encore du sens et que nous avons beaucoup gagné qualitativement dans l’accueil des personnes », plaide-t-il, en frottant ses sourcils blanchis. Ses espoirs se raccrochent désormais à un Grand Paris qui accueille sans exceptions territoriales, et qui fait fi du « rejet caricatural à certains endroits ». Persuadé que « si chacun prend sa part, le problème de l’exclusion sera tout à fait absorbable », Eric Pliez est le premier à « repousser les panneaux de Paris et, symboliquement, casser quelque chose ».

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