Des entreprises grandparisiennes converties à la fabrication de masques

Face à la chute de leur activité et de la hausse de la demande de masques, plusieurs entreprises grandparisiennes se sont lancées dans la fabrication de cette protection qui va devenir incontournable pour sortir de chez soi.

Le Covid-19 est venu rappeler l’importance de produire localement. Et pourtant, de nombreux acteurs publics et privés franciliens commandent en masse des masques « grand public » à la Chine alors que les ateliers franciliens se sont mis en ordre de marche pour répondre à la demande. « Nous avons une commande bloquée à Hong-Kong, heureusement nous avons été livrés de celle passée localement », indique-t-on du côté d’un établissement public territorial de la métropole (EPT). Les EPT, au travers de l’Alliance des territoires, ont passé une commande groupée à Chantelle, entreprise de lingerie basée à Cachan (Val-de-Marne).

Masque créé par la marque de lingerie Chantelle. © Chantelle

Chantelle a réorganisé sa production pour créer des masques. © Chantelle

Celle-ci a démontré que l’agilité n’est pas un domaine réservé à certains pays asiatiques. « Le 18 mars, nos activités ont été mises à l’arrêt. Le 20 mars, nous répondions à l’appel à propositions d’Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’Etat auprès de Bruno Le Maire, auprès des entreprises textiles pour augmenter la production nationale. En quelques jours, nous avions mis au point une vingtaine de prototypes », raconte Guillaume Kretz, le directeur général de Chantelle. Prise par un « élan de solidarité » et forte de sa compétence en matière de tissu, la société a donné 1,5 million de masques au groupe SOS et à des Ehpad.

La secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Economie et des Finances est ensuite revenue, début avril, vers la filière pour lui demander d’approvisionner les entreprises. Chantelle a été retenue pour alimenter les acteurs de l’automobile. Puis ce fut le tour des collectivités locales de s’intéresser à ces protections en tissu. La société de lingerie – dont les ateliers de production sont situés près de Reims et à l’étranger – reçoit d’abord des commandes de mairies, notamment celle de Cachan, puis une commande groupée de 2,8 millions de masques venant de nombreuses communes et établissements publics territoriaux (EPT). « Nous avons alors décidé de réserver la production du mois de mai aux villes du Grand Paris », rapporte Guillaume Kretz. Est Ensemble (Seine-Saint-Denis) a déjà reçu un premier lot, en attendant les 150 000 de l’entreprise de fabrication de vêtements Natex située à Bobigny (Seine-Saint-Denis).

10 lignes de fabrication à Saint-Denis

Plaine Commune (Seine-Saint-Denis) a aussi participé à la commande groupée et s’est réjoui, le 4 mai, de l’installation sur son territoire de la start-up Tekyn, qui a « développé un process robotisé moderne de découpage et préparation de kits de tissu prêts à être montés par des ateliers de confection », rapporte l’EPT.

La start-up Tekyn a produit 80 000 masques sur deux chaînes de fabrication robotisées installées à La Courneuve (Seine-Saint-Denis). © Tekyn

La société Tekyn va installer dix lignes de fabrication dans son nouveau site de Saint-Denis. @ Tekyn

A Saint-Denis, « dix nouvelles lignes de fabrication vont voir le jour, permettant à l’entreprise de tripler ses capacités de production entre les mois de mai et juin : de 700 000 masques en mai à 3 millions en juin », annonce Plaine Commune. Tekyn a déjà pu produire 80 000 masques en trois semaines sur deux chaînes de fabrication robotisées installées à La Courneuve (Seine-Saint-Denis).

Production écoresponsable à Paris

La ville de Paris a aussi choisi la production locale en faisant appel à Coco&Rico, atelier de création textile parisien qui défend une approche écoresponsable. Spécialisé dans la mode, ce dernier a commencé à produire des masques pour les familles de son équipe, puis pour les commerçants ou le commissariat du quartier, avant de passer à une démarche commerciale. En s’appuyant sur un réseau d’ateliers grandparisiens, Coco&Rico produit actuellement 500 000 masques par semaine et devrait passer à un million prochainement.

« Nous savons réagir vite, explique Jules de Breuyck, le directeur commercial, nous avons lancé en trois semaines une société qui nécessite en temps normal deux ans à créer ». Afin de conserver son ambition écoresponsable, cet atelier met en place une solution de recyclage, avec un processus spécifique de décontamination.

« L’approvisionnement en tissu et en élastique est très difficile, car la demande est beaucoup plus forte que l’offre, rapporte Jules de Breuyck. Aucun producteur n’était prêt à ce boom ». Et de raconter des anecdotes autour de camions qui disparaissent ou sont réquisitionnés. Chantelle n’a pas eu les mêmes difficultés grâce à son réseau d’approvisionnement français, européen et mondial. « Nous avons donné des élastiques à des ateliers car ils ont eu des problèmes pour s’en fournir », remarque même le directeur général.

Prix adaptés

L’entreprise de Cachan a pour objectif de produire 15 millions de masques d’ici à fin juin. Puis s’attend à une baisse de la tension en France du fait de la hausse des importations à l’été. De son côté, Coco&Rico a déjà un carnet de livraison « booké » pour juillet et août et prévoit d’ajuster ensuite la production en fonction de l’évolution de la crise. Dans ces deux cas, le choix a été fait de vendre les produits – qui doivent faire l’objet d’une validation de la Direction générale des armées (DGA) – à des prix raisonnables. « Nous ne sommes pas dans une logique commerciale classique avec les collectivités locales, nous nous sommes rapprochés du prix coûtant », fait valoir Guillaume Kretz qui prévoit une baisse de chiffre d’affaires pour Chantelle de 30 % cette année en raison de la crise.

La solidarité a aussi joué au Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis), où Hermès se prépare à installer ses bureaux. A la demande de la mairie de lui fournir du tissu et des élastiques à destination d’artisans locaux, la maison de luxe – qui dispose d’ateliers dans la commune voisine de Pantin – a répondu positivement, ajoutant un don de 2 500 masques.

En consultant la liste des producteurs de masques « grand public » établie par la Direction générale des entreprises (au 5 mai), une petite trentaine de sociétés localisées en Ile-de-France apparaissent, dont BIC à Clichy (Hauts-de-Seine), Gérard Darel et Yves Saint-Laurent à Paris ou Mask génération à Champs-sur-Marne (Seine-et-Marne). Parmi elles, certaines produisent habituellement des vêtements, du linge de table, de la sellerie ou des couches lavables !

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