D. Guiraud : « Respectons la subsidiarité »

Daniel Guiraud (PS), président de Paris Métropole, maire des Lilas, estime que, compte tenu du phénomène de « rétrécissement des Etats-nations », les maires doivent s’atteler à créer leurs propres dynamiques locales.  Pour lui, la métropole du Grand Paris leur en donne l’occasion.

Daniel Guiraud, président de Paris Métropole, co-président du conseil des élus de la mission de préfiguration de la métropole du Grand Paris, maire des Lilas

Daniel Guiraud, président de Paris Métropole, co-président du conseil des élus de la mission de préfiguration de la métropole du Grand Paris, maire des Lilas

JGP : Ne craignez-vous pas que les Opérations d’intérêt national, fussent-elles multisites, signent une reprise en main de l’aménagement régional par l’Etat ?

DG : Il est vrai qu’une OIN signifie que l’Etat récupère des compétences et qu’il peut prendre la main en quelque sorte sur les grands équipements, en pouvant déroger aux règles habituelles d’urbanisme. Cela fait toujours un peu peur aux élus. Mais nous ne sommes plus à l’époque d’Olivier Guichard. J’en ai parlé avec Matignon, de même qu’avec Thierry Lajoie, le président de l’AFTRP. Tout le monde a bien compris que tout cela ne peut fonctionner que s’il existe un dialogue fructueux avec les élus

Certains redoutent que des projets d’aménagement du Grand Paris chassent de la petite couronne de zones activités. Qu’en pensez-vous ?

Nous ne sommes pas condamnés, en Seine-Saint-Denis, à être une zone de 3ème catégorie ! Là encore, il faut veiller à introduire davantage de mixité. Bien sûr, la logistique, le transport de graviers, c’est important. Mais s’il faut déplacer quelques zones d’activité pour accueillir des sociétés high-tech, à haute valeur ajoutée, créatrices de richesses et d’emplois, je suis pour. Lorsque j’ai été élu à la Mairie des Lilas, beaucoup de gens affirmaient que les hectares parisiens situés entre le périphérique et les Lilas étaient voués à être, ad vitam aeternam,  le réceptacle des dépôts de pavés et autres tas de sels de la ville de Paris… La suite a démontré par l’aménagement de la Porte des Lilas que ce n’est pas une fatalité..

Faut-il selon vous, mutualiser les contribution foncière des entreprises au niveau métropolitain, afin, notamment, d’en harmoniser le taux sur tout le futur Grand Paris ?

Les taux de CFE sont certainement trop disparates, puisqu’ils varient du simple au triple. Il faut donc resserrer cet écart, pour qu’il puisse s’inscrire plutôt dans une fourchette allant du simple au double. Mais j’ajoute qu’il ne s’agit pas pour les entreprises d’un critère d’implantation prioritaire. Les entrepreneurs se montrent nettement plus sensibles à la qualité de l’environnement scolaire par exemple. Ce qui me semble le plus important, c’est de redonner des chances égales à tous les territoires. Si La Défense avait été située à Clichy-Montfermeil, à Bondy ou Livry-Gargan, nous n’aurions tout de même pas le même environnement économique et financier. A ce sujet, j’attends aussi des arguments qu’il faut écouter, selon lesquels il convient aussi de prendre en compte le fait que là où les taux d’imposition sont effectivement faibles, le foncier est cher et vice versa… Ce n’est pas faux.

Ne convient-il pas de réduire les inégalités entre territoires franciliens ?

Il existe des outils pour cela, je pense en particulier au Fonds de solidarité de la région Ile-de-France (FSRIF), qui va faire l’objet d’une réforme l’an prochain. Le FSRIF peut mieux jouer son rôle de péréquation. Mais l’on ne peut pas non plus se contenter de la péréquation. L’enjeu des années qui viennent consiste à tirer les conséquences du « rétrécissement de l’Etat », qui n’aura plus, à l’avenir, les moyens d’assurer le  soutien aux collectivités qu’il apportait jusqu’à présent. Mais il faut je crois que les territoires apprennent à bâtir eux-mêmes leurs propres dynamiques de développement. Toute notre problématique doit être de nous demander comment échapper à ce scénario triste d’une croissance durablement atone qu’annoncent certains économistes. Il nous faut créer notre propre dynamique territoriale. Je crois que lorsque l’on parle du projet de Central Park à la Courneuve, du canal de l’Ourcq ou du Port de Gennevilliers, il y là toute une série de grands chantiers de dimension métropolitaine où l’on va puiser des forces pour l’avenir. Il faut pour cela mettre en place une gouvernance efficiente au niveau métropolitain. C’est tout le débat actuel. Je pense d’ailleurs à ce sujet, qu’il faut, dans la mesure du possible, respecter le principe de subsidiarité. Il permet notamment de très bien fonctionner avec la grande couronne, qui doit aussi s’organiser avec ses propres instruments de fonctionnement.

Doit-on intégrer à toutes les communes situées autour d’Orly au périmètre de la MGP ?

Tout le monde est conscient que se pose un petit problème sur Orly, dont l’aéroport est coupé en deux, avec une partie dans et une partie hors métropole. En ce qui me concerne, je plaide pour que l’on puisse utiliser le Contrat de développement territorial d’Orly pour bien articuler l’ensemble. Ces contrats sont le plus souvent très intéressants. Ils favorisent l’émergence de logiques de projets. Les CDT ont forcé les élus à se transcender, pour dégager des éléments de projet territoriaux qui n’avaient jamais été formalisés le plus souvent. Ici, à Est-Ensemble, le CDT coïncide parfaitement avec le périmètre de l’agglomération, qui sera aussi vraisemblablement celui d’un futur territoire.

Quel scénario va être finalement retenu pour la métropole du Grand Paris ?

Il faut dire en préambule que le travail de la mission de préfiguration, le rapport produit notamment, est très sérieux. Les équipes du préfet Lucas ont effectué un travail remarquable. Pour ce qui me concerne, je suis partisan, depuis le début, d’une métropole intégrée, celle du « scénario 2 ». Mais je suis conscient, également depuis le début, d’être minoritaire. Le texte de la loi Notre qui contient la réécriture de l’article 12 de la loi Maptam relative au Grand Paris devrait être examinée en commission au Sénat à partir de mi-décembre pour un examen après les cantonales des 21 et 22 mars prochains. Certains estiment que la montagne a accouché d’une souris. Rappelons toutefois que la métropole du Grand Paris, ce sera un budget de quatre milliards d’euros ! Du côté du gouvernement et de l’Etat, existe la hantise que l’on puisse dire que la création de la MGP équivaut à la constitution d’un échelon supplémentaire. Mais le vrai problème, ce n’est pas les échelons, c’est leur articulation ou leur manque d’articulation. Dès lors que vous instituez des territoires, dotés d’une personnalité juridique, ne serait-ce que pour exercer les compétences dites orphelines, c’est-à-dire exercées aujourd’hui par les intercos, mais qui ne seront pas exercées par la métropole, vous créer un échelon supplémentaire. C’est sans doute ce qui explique pourquoi Manuel Valls a insisté lors de son discours de Créteil sur la nécessité de supprimer les départements, au moins en Petite Couronne… En réalité, pour ma part, je pense que la clé, c’est la notion de subsidiarité. Le découpage administratif n’est pas une fin en soi. L’objectif, c’est l’efficience des politiques publiques, la bonne utilisation des deniers publiques.

Pour vous, la métropole est, malgré tout, sur de bonnes voies ?

Nous avons réellement avancé. Aujourd’hui, il existe un consensus, et non un compromis, entre les élus, de gauche comme de droite, sur la question des transports, qu’il s’agisse du plan mobilisation de la région du Grand Paris Express, que personne ne remet en cause. Qu’ils appartiennent à UDI, à l’UMP, au PC et au PS, je ne connais aucun élu qui conteste aujourd’hui le Grand Paris des transports. L’idée de relier, de désenclaver et de doter cette métropole d’un système de transport en commun moderne et efficace est partagée. Il faut s’inspirer de ce qui a été fait sur les transport pour arriver à un minimum de consensus pour permettre d’avancer sur les grandes questions du logement et de la solidarité. C’est pour moi la condition de la métropole.  Je crois que les grandes métropoles se fondent aussi sur la base d’un accord d’un compromis historique entre les forces politiques. Je suis un élu de Seine Saint Denis. J’ai connu, en 2005, lorsque Bouna et Zyad se sont électrocutés à Clichy sous bois, les émeutes urbaines. Je souhaite à personne de connaître le chaos urbain. Or, si nous n’agissons pas rapidement, tous les ingrédient existent pour que ça recommence.

Etes-vous favorable à constitution d’un fonds d’investissement métropolitain ?

Tout à fait. S’il convient de corriger les inégalités territoriales, j’estime que la vraie solidarité relève en effet d’un tel fonds, qui permettrait de dégager des subsides pour accroitre notre force de frappe commune en matière de grands investissements. Je pense d’ailleurs que l’argent public doit être utilisé pour amorcer les projets, conjugués ensuite avec des investissements privés. Ce pourrait être le cas par exemple du projet de Central Park à la Courneuve, qui serait financé en grande part avec des fonds privés. L’argent public peut, en effet, être utilisé comme un levier pour attirer l’investissement privé.

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