Développement économique, attractivité, périmètre, fiscalité : Alexis Bachelay, député des Hauts-de-Seine, livre ses convictions sur le Grand Paris à venir.
Vous figurez parmi les défenseurs d’une métropole parisienne très intégrée. Quel intérêt y trouveront les entreprises ?
A Paris, la situation est relativement complexe, puisqu’il existe, certes, une ville centre, mais également une banlieue, qui compte de nombreuses grandes villes, et des conseils généraux relativement puissants. Dans ce contexte, je rappellerais, tout d’abord, que la métropole est censée faciliter la vie des habitants qui, au lieu de devoir s’adresser à 20 interlocuteurs différents, pourront se tourner directement vers un seul. Je pense aux usagers en général, et aux entreprises en particulier. Ce ne sera pas tout à fait un guichet unique, puisque les communes conserveront un rôle, et parce que l’on maintiendra un certain nombre de territoires entre la commune et la métropole. Mais l’idée, c’est quand même de réorganiser les choses de façon plus rationnelle, avec un interlocuteur métropolitain qui fixe un certain nombre d’orientations, notamment en matière d’aménagement, d’urbanisme ou de logement.
Aujourd’hui, si vous défendez un projet dans une commune, et que le maire s’y oppose, vous ne disposez en réalité d’aucun recours… L’entrée métropolitaine permettra, sur un certain nombre de sujets, de mettre de l’huile dans les rouages. Je pense notamment aux blocages existant en termes de logement, et à la complexité liée à la diversité des acteurs. Et puis, je fais partie de ceux qui considèrent qu’il faut aller encore plus loin. Il faudra qu’assez rapidement, la métropole se substitue aux conseils généraux, en tout cas sur la compétence aménagement, c’est une évidence, et puis à terme sur les collèges, les routes et les compétences sociales. Dans une métropole, le maintien des conseils généraux n’a pas de sens.
Que répondez-vous à ceux qui déplorent qu’avec la métropole, on détruise des intercommunalités qui, parfois, fonctionnent bien ?
Sur les 20 EPCI de la petite couronne, trois seulement comptent plus de 300 000 habitants. Tous les autres sont des confettis. Je veux bien que l’on énonce un conte pour enfants, et que l’on dise que l’interco, c’est magique. Mais, en petite couronne, un tiers des communes ne sont pas membres d’une interco. Il n’est pas illogique que ceux qui s’opposent à la métropole fassent valoir que celle-ci va détruire les intercos existantes. Rappelons néanmoins qu’avec la modification qui va intervenir sur l’article 12 de la loi Maptam, les actuels EPCI intégreront des territoires qui bénéficieront d’un statut et d’une personnalité juridique.
Jusqu’où doit évolue l’article 12 de la loi Maptam ?
L’article 12 doit évoluer, de façon limitée, mais extrêmement précise, afin de donner aux territoires la possibilité de disposer d’une personnalité juridique, notamment de sorte qu’ils puissent exercer les compétences dites orphelines. Rappelons qu’il s’agit de ces compétences exercées aujourd’hui au niveau des intercos, mais que les territoires ne pourraient assumer dans l’état actuel des textes puisqu’elles ne figurent pas parmi celles dévolues à la métropole. Le gouvernement était opposé à cette évolution, de peur de voir se reconstituer les EPCI existant. Il a évolué.
Il faut donc que les territoires puissent exercer les compétences dites orphelines et que les personnels correspondants puissent leur être rattachés. Il s’agit d’une solution technique et juridique adaptée à la situation. Pour autant, faut-il aller jusqu’à l’autonomie fiscale ? Je n’en suis pas convaincu. Eventuellement, je serais favorable à des modalités d’intéressement financier, afin que les territoires soient incités à accueillir des entreprises là où l’on estime que cela est nécessaire. Il s’agirait aussi de faire en sorte que les territoires les plus dynamiques puissent bénéficier d’une fraction d’impôt. Le pacte budgétaire et financier que doit écrire la mission de préfiguration de la métropole précisera ces questions. Ce pacte décrira également les conditions de répartition de la péréquation entre les différents membres de la métropole.
Que dites-vous à ceux qui déplorent qu’avec la suppression des intercommunalités, on renforce l’échelon communal, facteur d’émiettement ?
Il faut savoir ce que l’on veut. De deux choses l’une : soit l’on dit que la métropole, en supprimant les intercos, replace les communes au milieu du jeu. Soit l’on dit, comme Patrick Devedjian, que la métropole détruit la commune et porte atteinte aux libertés locales, que la métropole est centralisatrice et que le maire ne sera plus qu’un valet de la métropole….
En même temps, constater que l’on s’appuie sur les communes, c’est tout simplement prendre en compte la spécificité de notre région. A Paris, à la différence de toutes les autres régions, lorsque vous franchissez le périphérique, vous traversez une kyrielle de villes de plus de 50 000 habitants, atteignant même 100 000 pour certains. Alors que dans de nombreux départements français, une ville de 40 000 habitants, c’est un chef-lieu, une ville préfecture ! Auxerre compte 40 000 habitants. Cela constitue, qu’on le veuille ou non, une spécificité francilienne. On ne peut pas la gommer. J’ai grandi à Colombes, qui compte 85 000 habitants. C’est la 53e ville de France ! La ville voisinne, c’est Asnières, 85 000 habitants… On pourrait citer Courbevoie, Rueil, Issy-Les Moulineaux ou Montreuil. Vous ne pouvez pas traiter des villes de cette taille là comme si elles n’existaient pas. Les communes représentent donc tout naturellement les partenaires de la métropole.
Par contre, il faut faire un choix. Dans certains endroits, en régions, la commune va s’effacer, au profit des intercommunalités, et dans ce contexte, certains militent, à juste titre sans doute, pour le maintien des départements, facteur de cohésion, en termes d’aménagement du territoire notamment. Ici, la logique est métropolitaine, communale, et donc, par conséquent, le département doit renoncer à son existence, parce qu’il n’a plus de sens. On ne peut disposer à la fois de communes fortes, d’une métropole forte, et entre les deux, de départements qui continuent à agir comme si de rien n’était… La réalité, c’est que l’on a effectué un choix métropolitain, combattu principalement par les Hauts-de-Seine et le Val-de-Marne. La Seine-Saint-Denis, à certaines conditions, est prête à intégrer une logique métropolitaine. Mais Patrick Devedjian, tout comme Christian Favier, c’est un peu le passé. Comment peuvent-ils sérieusement s’opposer à la logique métropolitaine ?
Le tracé du Grand Paris Express est-il adapté au développement économique ?
Sur le Grand Paris Express, il y a eu suffisamment d’aller-retour pour que le compromis auquel on a abouti en 2011, et qui a été conforté par les annonces de Jean-Marc Ayrault en 2013, soit crédible pour les acteurs économiques, puisqu’il s’agit de relier les aéroports et les principaux pôles économiques, notamment Roissy avec la Défense. Et que par ailleurs, Saclay, Orly, Melun, la cité Descartes, etc. figurent dans la boucle. Je pense, par conséquent, que les acteurs économiques ont tout à gagner à ce réseau de transport, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle on leur demande d’y contribuer financièrement.
Ensuite, la logique des usagers était elle aussi importante, pour la région et l’ensemble des élus locaux, avec des stations assez régulières et non pas excessivement espacées comme avec le “super RER” que Christian Blanc préconisait.
Finalement, on a abouti à un compromis rassurant les acteurs économiques, qui bénéficieront largement de cette infrastructure de transport, et également les usagers du quotidien, qui sont aussi, pour nombre d’entre eux, des salariés des entreprises. On sait qu’aujourd’hui, beaucoup d’entreprises de la région sont condamnées en termes de compétitivité par les temps de transport mais aussi par les difficultés rencontrées, puisque non seulement les trajets sont longs, mais aussi parce qu’il faut bien souvent passer par Paris où que l’on souhaite se rendre et d’où que l’on vienne… En outre, beaucoup de lignes de RER ne fonctionnent pas bien, la B ou la D, tandis que la ligne A est saturée, tout comme la ligne 13.
Cela aboutit à ce qu’en réalité, le système de transport est à bout de souffle. Cela pénalise les entreprises parce que les salariés sont en retard, fatigués, stressés…
Quel est l’avenir des contrats de développement territorial (CDT) à l’heure du Grand Paris ?
Les CDT, pour moi, tels qu’ils ont été conçus, doivent être revus. Même si la démarche est à saluer. Mais c’était la logique d’avant la métropole. La métropole a vocation à reprendre les objectifs consignés dans les CDT, en allant plus loin, en termes de cohérence notamment. Le problème des CDT, c’est qu’ils ont été conçus avec une logique de plaque. Cela ne répond pas à la vision globale que l’on est supposé avoir, et qu’est censé porter le Sdrif. Sauf que le Sdrif n’est pas prescriptif, pas opposable… Ce n’est qu’un super schéma directeur, pas très précis non plus… L’aménagement s’organise forcément à mi-chemin entre la commune et la région : ce sont les métropoles en zone dense et les intercommunalités, en grande couronne. Telle est la logique institutionnelle que nous avons voulue : des intercommunalités plus grandes autour de Paris, en petite couronne, une métropole puissante, et autour de grandes intercommunalités, avec un seuil de 200 000 habitants.
Il existe encore aujourd’hui des intercos à 20 000 habitants. Que peut-on faire à cette échelle ? Si vous voulez attirer une entreprise ou des réseaux de transports, vous n’en avez pas les moyens. Il existe des logiques d’échelles. Or on change d’échelles. Le changement d’échelle rend obsolète la logique des CDT numéro un.
La petite couronne est-elle le bon périmètre pour la MGP ?
Moi, j’estime qu’il n’existe pas de périmètre idéal. Par contre, à un moment donné, il faut mettre le pied à l’étrier. Si l’on avait voulu bâtir une métropole régionale, on aurait provoqué une levée de boucliers conjointes des présidents de conseils généraux et de la région. Cela dit, j’estime que les frontières du Grand Paris ne sont pas étanches ad vitam aeternam. Ce qui a été fait à un moment donné peut être assoupli. Mais avant d’élargir, jetons d’abord les bases de l’édifice. Si l’on écoute tout le monde, on ne fait rien.
Les entreprises doivent-elles craindre des hausses importantes de fiscalité ?
Fiscalement, les entreprises peuvent nourrir des craintes liées au lissage des taux d’imposition. La Val-de-Marne et la Seine-Saint-Denis, pour résumer, qui comptent peu d’entreprises, affichent des taux élevés, et Paris et les Hauts-de-Seine, riches, des taux nettement moins élevés. S’il y a un lissage, cela peut faire augmenter la fiscalité des entreprises, là où le taux est faible.
Ce travail relève de la mission de préfiguration, mais je pense qu’il n’y aura pas de choc fiscal. Le lissage des taux s’effectuera en effet nécessairement sur plusieurs années, 10 ou 15 ans. Sachant qu’il y a des taux artificiellement bas, comme par exemple à Paris grâce aux droits de mutation, même si cela se tarit. Cela est également vrai dans les Hauts-de-Seine, la Défense, ou Issy-les-Moulineaux.
Mais l’objectif est bien de rendre les choses plus équilibrées, et de ne pas voir l’activité économique se concentrer seulement dans quelques pôles. Ne serait-ce que pour des raisons de transport, d’accès et de logement, on ne peut pas concentrer au même endroit toute l’activité économique.
Le premier travail de la métropole sera donc de mettre en place un diagnostic territorial, pour identifier les zones de force à soutenir, et les zones fragiles, à développer. Le rôle de la métropole n’est pas d’affaiblir les forts, pour donner aux pauvres. Soutenir des territoires déjà développés, c’est très bien. Mais il ne faut pas laisser certains territoires décrocher complètement. Il n’existe pas de métropole mondiale digne de ce nom qui n’ont pas de stratégie globale. On ne peut pas suivre exclusivement une logique économique, une logique sociale ou une logique territoriale.
Aujourd’hui, on a que des inconvénients. Sur l’économique, nous n’avons pas de stratégie, globalisée, c’est la jungle. Dans le domaine social, les pauvres sont avec les pauvres et les riches avec les riches. Sur la question territoriale, c’est l’égoïsme qui domine. Chacun essaie de tirer son épingle du jeu. Il faut sortir de cette logique.