Daniel Béhar décrit les mutations profondes de la métropolisation

Le géographe Daniel Béhar a décrit, lors d’une conférence de la Vallée scientifique de la Bièvre organisée mardi 27 février à la faculté de médecine de l’université de Paris-Saclay (Kremlin-Bicêtre), les mutations radicales de la pensée – et des réalités – métropolitaines, intervenues au cours des dernières années.

On a tendance à l’oublier, tant le virage a été brutal. « Dans les années 2000 à 2010, le discours dominant est qu’il faut investir dans le Grand Paris parce que c’est le moteur de la France, parce que de lui dépend la place de la France dans le monde », a rappelé Daniel Béhar, justifiant notamment l’investissement de 30 milliards d’euros dans le réseau du Grand Paris express. « 10 ou 15 ans après, on n’est plus du tout dans le même contexte : on parle de transition environnementale, de changement de modèle d’organisation de la vie en société et des territoires », a poursuivi le directeur de la coopérative Acadie mardi 27 février 2024, lors d’une conférence réunissant les élus des conseils municipaux des villes partenaires de la Vallée scientifique de la Bièvre (VSB), qui s’est tenue à la faculté de médecine de l’Université Paris-Saclay, au Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne).

Daniel Béhar. © Jgp

Alors qu’elles semblaient constituer des solutions, que l’on louait les vertus de l’effet métropolitain, « aujourd’hui la question des métropoles devient presque un problème. Regardez comme l’Etat est discret sur le Grand Paris ! Regardez comment gérer la question de la métropolisation est complètement discrédité ! », a poursuivi Daniel Béhar, qui s’en est pris au passage à l’image d’Épinal des conurbations mondialisées prise par les tenants d’une « démétropolisation » aux contours très incertains.

Le géographe a cité « Les métropoles barbares, un manifeste pour lutter contre la barbarie des métropoles », de Guillaume Faburel, paru en 2019, ou les positions du maire de Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine) Jean-Christophe Fromantin, auteur de « Travailler là où nous voulons vivre », qui théorise « l’impasse et l’obsolescence d’un système fondé sur la métropolisation et l’hyperdensification » pour illustrer le passage d’une « métropolisation triomphante » des années 2000 à une remise en question profonde des métropoles.

La démétropolisation n’a pas eu lieu

Si la « démétropolisation », concept à la mode, n’a pas eu lieu, pas plus que l’exode urbain annoncé après le Covid, Daniel Béhar fait en revanche le constat d’une radicalisation de la dissociation entre les lieux de travail et les lieux d’habitat, liée directement à l’amélioration de la desserte en transports en commun et donc pas prête de s’interrompre à la veille de la mise en service du réseau du Grand Paris express, que de nombreux acteurs anticiperaient. Les aspirations des Franciliens à choisir des lieux d’habitation plus dispersés se croisent avec un resserrement drastique des bureaux dans le centre de Paris. « Paris est en train de sortir du Grand Paris », explique Daniel Béhar, puisque la Capitale voit 75 % de ses habitants travailler dans la commune où ils résident, alors que le ratio est inverse en petite et en grande couronne.

Hyperpolarisation tertiaire d’un côté, éclatement résidentiel de l’autre : l’évolution récente a vu exploser en vol l’idée d’un Grand Paris polycentrique que contenaient les « contrats de développement territoriaux (CDT) », signés à l’époque du lancement de la construction du Grand Paris express, qui prévoyaient peu ou prou que chaque gare du métro automatique voit se développer autour d’elle un quartier d’affaires, une « petite Défense ». « Ce qui pose très clairement la question des mobilités, puisque tout cela change beaucoup de choses en termes de transition écologique », a poursuivi Daniel Béhar.

Dans cette « vie en archipel », le géographe décrit une réduction des inégalités sociales, l’amélioration de la desserte en transport en commun ouvrant largement par exemple les emplois accessibles aux habitants des quartiers jusqu’à présent enclavés de la Seine-Saint-Denis ou du Val-de-Marne. Mais il souligne parallèlement une amplification des inégalités territoriales, de concentration des richesses, au cœur de Paris notamment. L’enseignant fait également le constat d’une « hyperdensification » partout en zone urbaine et pas seulement autour des futures gares du Grand Paris express, fruit de la conjonction des effets d’anticipation de l’arrivée du métro automatique et de la suppression par la loi Alur du coefficient d’occupation des sols (COS).

Loin de l’Hidalgo bashing toujours ambiant, Daniel Béhar a fait l’éloge du plan local d’urbanisme bioclimatique parisien, estimant qu’il constituait un modèle à reproduire partout dans le Grand Paris, parce que constituant la bonne réponse aux défis à résoudre : repenser l’urbanisation en continuant à créer du logement sans consommer de nouveaux fonciers, exiger des externalités positives de toutes nouvelles opérations immobilières, favoriser des compensations entre les territoires.

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