Chloë Voisin-Bormuth – L’attractivité renouvelée

La nouvelle directrice générale de Paris-Ile de France Capitale Économique souhaite réinventer, avec ses adhérents, le récit de l’attractivité francilienne.

Prudente, réfléchie, bienveillante… mais incisive. Chloë Voisin-Bormuth maîtrise l’art de la punch-line. « Si l’on continue de penser que Paris représente un modèle pour tous, on se tire une balle dans le pied », explique-t-elle, tout de go. La successeure de Chiara Corazza et d’Alexandre Missoffe entend se mettre elle aussi au service des grands comptes de la place, pour développer l’attractivité francilienne. Mais en réinventant la formule.

Chloë Voisin-Bormuth. © Jgp

« La conjugaison actuelle de multiples crises, sanitaire, climatique, énergétique, socio-économique mais aussi géopolitique, entraine une série de bouleversements, sans espoir de retour en arrière », reprend-elle. Sur la conduite des affaires, les réseaux de villes ou l’attractivité des métropoles. Ainsi entend-elle commencer son mandat par un vaste audit des attentes de ses membres. Ce qui ne l’empêche pas d’esquisser d’ores et déjà quelques pistes, dont celle de définir les leviers qui feront l’attractivité de demain dans un monde qui change. En géographe maîtrisant ses classiques, dont « Paris et le désert français » de Jean-François Gravier, elle soutient qu’on ne peut plus promouvoir la région Capitale comme si c’était une île. C’est une tête de réseau qui tire sa puissance d’un vaste hinterland de métropoles régionales, de villages et de villes moyennes. Mais il faut aussi se saisir de l’opportunité d’avoir avec la capitale française la seule ville globale de l’Union européenne à jouer, dans la même cour que Londres, New York ou Tokyo, poursuit cette polyglotte, née d’une mère polonaise et mariée à un chercheur en biophysique allemand.

De Dresde à Lille

« On ne peut plus tirer les mêmes ficelles qu’hier », poursuit cette mère de quatre enfants, qui ne débarque pas sur le sujet. Mettre en réseau les milieux économiques et politiques, c’est ce qu’elle s’est employée à faire lorsqu’elle œuvrait au sein de l’agence d’urbanisme de Lille Métropole, après une première carrière d’enseignante-chercheuse. Dans le chef-lieu du Nord, elle participe notamment à la rédaction du schéma de cohérence territoriale (Scot) de la Métropole. Il s’agit, en particulier, de favoriser l’émergence d’une identité métropolitaine par le design des espaces publics ou la mise en valeur du patrimoine. « Un sujet éminemment politique, exigeant beaucoup de doigté », se souvient-elle.

Normalienne, docteure en sociologie de la Technische Universität Dresden et en géographie et urbanisme de l’Université de Lyon, Chloë Voisin-Bormuth se passionne depuis des années pour l’urbanisme.

Encore étudiante, après une première année rue d’Ulm, elle choisira Dresde pour terrain de jeu. En étudiant la réhabilitation, hésitant entre pastiche et reconstruction patrimoniale du joyau baroque du Neumarkt, détruit pendant la Seconde Guerre mondiale, elle met à jour la quête de « recettes » pour recréer une centralité « à l’européenne » dans cette ville post-socialiste, mais aussi les plaies encore vives liées à l’histoire allemande. C’est d’ailleurs la confrontation avec les milieux néonazis qui continuent au mitan des années 2000 d’instrumentaliser le bombardement de Dresde comme la preuve d’un acharnement des alliés, qui la détourne de la conservation du patrimoine et lui fait préférer pour sa thèse l’aménagement des espaces publics comme construction du (bien) vivre-ensemble.

A la Fabrique de la cité, think tank fondé par Vinci pour tisser des liens entre les différents acteurs de la ville et développer l’innovation urbaine, et dont elle a dirigé la recherche, elle préférera travailler sur les villes productrices de santé, les stratégies bas-carbone ou les solutions mises en œuvre à Hambourg, Pittsburgh ou Singapour pour réinventer la ville.

La smart city, la décarbonation des mobilités, le logement abordable, l’accueil des réfugiés figurent également parmi les travaux qu’elle a dirigés et auxquels cette infatigable bûcheuse a participé activement. Passionnée par ces études, elle aspire néanmoins à renouer avec des missions impactant directement les territoires. C’est pourquoi elle acceptera la proposition de Xavier Lépine de rejoindre Paris-Ile de France Capitale Économique. Le président de l’Institut de l’épargne immobilière et foncière (IEIF), qu’elle rencontre dans les groupes de travail qu’elle a montés pour la première édition de l’Université de la ville de demain fondée par la Fondation Palladio, partage avec elle un parcours international, le goût de l’émulation intellectuelle et le souci de l’intérêt général.

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