A. Missoffe : « Quand on a le sentiment de se répéter, c’est qu’il est temps de se retirer ! »

Directeur général de Paris-Ile de France Capitale Économique depuis cinq ans, Alexandre Missoffe, à qui va succéder Chloë Voisin-Bormuth, directrice de la recherche et des études à la Fabrique de la cité, dresse le bilan de son action.

Pourquoi quittez-vous vos fonctions à la tête de Paris-Ile de France Capitale Economique (PCE) ?

Simplement parce qu’il est temps pour moi de passer la main après avoir consacré presque 15 ans au service du Grand Paris, depuis le jour où Christian Blanc m’a demandé de l’accompagner dans cette belle aventure, dont les cinq dernières années comme directeur de PCE. Cette mission d’attractivité en particulier suppose de communiquer et partager un enthousiasme, une fraîcheur, que le temps, inexorablement, estompe. Le « paradoxe du comédien » de Diderot s’applique aussi au rôle d’ambassadeur des territoires. Quand on a le sentiment de se répéter, c’est qu’il est temps de se retirer !

Alexandre Missoffe. © Jgp

Comment la structure va-t-elle évoluer maintenant ?

Non seulement personne n’est irremplaçable, mais en plus cette transition a été préparée de longue date. Nous l’avions anticipé avec Christian Nibourel et Didier Kling il y a un an déjà, puis dans la continuité avec Dominique Restino et Xavier Lépine. Lorsque Xavier Lépine a été élu président de Paris-Ile de France Capitale Economique, en mars dernier, il avait ainsi déjà cette transition en tête et il a pu l’organiser efficacement. Il a ainsi recruté Chloë Voisin-Bormuth pour me succéder. Chloë est une très grande professionnelle qui connaît par cœur les enjeux de la ville durable, de l’attractivité des territoires et de la coopération internationale. Elle prendra ses fonctions d’ici un mois. Avec Xavier Lépine, je sais qu’ils formeront un duo très dynamique et efficace !

Quel bilan tirez-vous de l’attractivité du Grand Paris ?

D’abord, il faut ne pas bouder son plaisir. Les résultats de la métropole capitale de la France sont bons, et même excellents. Beaucoup de choses y participent bien sûr, et la victoire a 100 pères quand la défaite est orpheline. N’empêche que les résultats de cette dynamique collective sont là, que des milliers d’emplois en découlent, et qu’il serait stupide autant qu’ingrat de ne pas s’en réjouir.

Après, je suis convaincu sur une note plus personnelle qu’il faut que nous tournions le dos franchement à l’approche énumérative de l’attractivité pour assumer de créer un récit. Nous avions déjà tenté, sur chaque sujet, d’articuler une partie de diagnostic académique avec des anecdotes ou des exemples édifiants qui puissent « raconter » le Grand Paris de la création, de la culture, du droit, du sport, de la mixité, de la nature, des « makers », des organisations internationales, de la cohésion territoriale, du logement, etc. Chacune, seule, raconte une histoire du Grand Paris. Combinées, elles forment un récit qui est un beau plaidoyer. Mais il reste encore énormément de progrès à faire pour situer le cadre de ce récit au bon niveau et faire que chacun puisse se l’approprier.

Pourquoi avez-vous tenu à imprimer un style de discours particulier ?

Il n’y a pas de règles en la matière. Chaque sujet, chaque audience sollicite un ton et un rythme particulier. Que l’on parle du Grand Paris devant des brokers de Hong-Kong, des étudiants d’Oslo, des élus de Madrid ou des industriels de Toronto, on raconte toujours la même histoire mais on ne la raconte jamais de la même manière. Globalement, je crois qu’on gagnerait à être un peu plus lyrique et un peu moins statistique. J’avais reçu ici un investisseur que nous avions approché lors d’un road show à Singapour. Il venait avec son équipe de direction suite à cette rencontre et nous a dit en guise d’introduction « vous parliez de ce Grand Paris avec tellement de passion que j’ai voulu voir de mes propres yeux ce qui avait bien pu déclencher autant d’enthousiasme ». Il est venu, il a vu et il a investi.

Qu’est-ce qui vous aura le plus marqué au cours de ce quinquennat chez PCE ?

Sans hésitation je réponds les gens. Ceux qui m’ont fait confiance en me donnant cette mission il y a cinq ans. Ceux à qui j’ai fait confiance pour la mener avec moi et qui l’ont mérité au centuple. Mais aussi toutes les femmes et les hommes de bonne volonté avec lesquels j’ai eu la chance de faire un bout de chemin, qui croient en ce qu’ils font, qui le font bien et qui, ainsi, un rail après l’autre, une pierre par-dessus l’autre, cheminant de projets en progrès, font vivre le Grand Paris.

Le Grand Paris justement, vous aviez travaillé à sa conception dès 2008, aux côtés de Christian Blanc, aujourd’hui comment vous apparaît-il ?

Tant d’enjeux sont arrimés à ce projet que l’attente qu’il suscite est infinie… et donc la frustration aussi ! A mes yeux, le Grand Paris ne sera jamais ambitieux, jamais assez solidaire, jamais assez écologique. Chaque matin nouveau où le soleil ne se lève pas sur des transports efficaces, écologiques et confortables qui desservent des logements spacieux et abordables, me dit « tu n’as pas fait assez ! » Mais je reconnais en même temps l’incroyable chemin pourtant parcouru et toutes les réalisations déjà enregistrées. Et je salue la ténacité de ceux qui ont réalisé chacun de ces progrès. Avec de l’agilité et de la rapidité on fait des coups, mais c’est avec de la ténacité qu’on fait des villes.

Quels sont vos projets pour la suite ?

Avec Christian Nibourel, nous sommes en train d’écrire un spectacle de stand-up qu’on veut porter sur scène avant la fin de l’année. J’ai aussi deux projets éditoriaux en cours sur lesquels je suis engagé. Parallèlement à cela, je développe un projet d’innovation écologique sur la collecte des déchets avec quelques camarades. J’ai plusieurs missions de conseil, certaines en lien avec l’attractivité, mais aussi dans la mobilité électrique ou des parcours culturels numériques. Et puis nous avons créé avec mon frère et ma sœur une fondation en mémoire de notre père, mort l’an dernier, à travers laquelle j’ai plein de beaux projets à porter. Je vais consacrer un peu de temps à tout cela avant de me réengager dans une nouvelle aventure.

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