Même si les incertitudes demeurent multiples, les entreprises directement concernées doivent se préparer dès à présent et anticiper les conséquences du Brexit, ont martelé les secrétaires d’État Amélie de Montchalin, Agnès Pannier-Rupacher et Olivier Dussopt, qui recevaient les confédérations professionnelles mardi 3 septembre 2019 à Bercy.
« Il faut que les impacts logistiques et financiers, qui seront nécessairement importants, puissent être anticipés », a résumé Olivier Dussopt, mardi 3 septembre 2019, lors d’une rencontre d’information avec les confédérations professionnelles sur les conséquences du Brexit sur les entreprises. Que la date du Brexit puisse être de nouveau reportée ne change rien à l’affaire. « Même si par miracle, un accord était trouvé d’ici le 31 octobre, la situation va changer », a poursuivi le secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Action et des Comptes publics.
Les réunions vont se multiplier au cours des prochaines semaines, en Ile-de-France comme dans l’ensemble du pays, organisées par la Direction générale des douanes à l’intention des entreprises, pour les informer des règles à suivre à l’approche de la sortie du l’UE par le Royaume-Uni. Les chambres de commerce et d’industrie y sont associées.
« L’heure est à la mobilisation »
700 douaniers supplémentaires, formés et recrutés pour accompagner le Brexit, dont 600 déjà en poste, renforceront les effectifs des douanes, a également annoncé le secrétaire d’Etat. Ceci afin que l’événement ne se traduise pas par une décrue des personnels affectés aux missions classiques des douaniers.
« L’heure est à la mobilisation, a poursuivi Agnès Pannier-Runacher. Les droits de douane peuvent aller jusqu’à 6,5 % dans la chimie, jusqu’à 10 % dans l’automobile, cela change un tout petit peu la compétitivité de votre chaîne de valeur », a poursuivi la secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des Finances. « Le Brexit concerne également le transfert de données personnelles, puisque du jour au lendemain, nous allons nous retrouver avec un pays tiers, ou le transport aérien, qui va changer de réglementation. Tous ces sujets doivent être pris en compte sérieusement, non seulement par les entreprises qui ont un contact direct avec le Royaume-Uni mais aussi par celles qui ont des relations de sous-traitance avec des sociétés en lien avec ce pays », a également fait valoir Agnès Pannier-Runacher. La question de la constitution de stocks, en cas de rupture de la chaîne d’approvisionnement, peut ainsi se poser, prévient également la représentante du gouvernement.
« L’État n’est pas resté inactif », a également souligné la secrétaire d’État, prenant en exemple le secteur de la finance, et indiquant « que des équivalences ont été accordées pour les chambres de compensation jusqu’au 30 mars 2020, et pour les dépositaires de titres, jusqu’au 30 mars 2021 ».
De même, le ministère de Travail a œuvré afin que des équivalences puissent permettre aux professionnels des deux pays de voir respectivement leurs diplômes reconnus et de continuer à travailler de part et d’autre de la Manche. « Nous ne connaitrons les règles du jeu qu’au dernier moment, mais il n’en est pas moins vrai qu’attendre pour agir est une mauvaise idée aujourd’hui. Il faut accepter d’avancer même si tout n’est pas fixé et s’adapter au fur et à mesure », a-t-elle encore fait valoir.
Un impact estimé à 0,2 % du PIB
L’impact du Brexit est estimé aujourd’hui à 0,2 % du PIB. « Mais certaines sociétés seront naturellement plus touchées ». C’est pourquoi le gouvernement, avec Business France et la BPI, tient à la disposition des entreprises le rappel de l’ensemble des dispositifs de droit commun existant pour soutenir l’export. De même, l’Union européenne travaille actuellement pour définir des systèmes d’aides aux entités les plus touchées, qu’il s’agisse de problèmes de trésorerie ponctuels ou de questions plus structurelles de plans d’affaires.
« L’adresse mail ouverte par les douanes pour répondre aux questions que se posent les entreprises a reçu à ce jour 400 messages, a souligné également Agnès Pannier-Runacher. Or je ne suis pas sûre que 400 sociétés seulement aient des questions à poser sur ce sujet. » D’où la mobilisation des trois secrétaires d’État auprès des confédérations professionnelles, mais aussi des CCI et des chambres de métiers et de l’artisanat. « On ne peut plus se contenter d’un article sur une newsletter, ou de trois informations sur un site internet », a-t-elle encore fait valoir.
Si les services de l’Etat ont déjà contacté directement 20 000 entreprises, « nous n’avons pas forcément connaissance de tous les points d’accroche des sociétés vis-à-vis du Royaume-Uni », a indiqué Agnès Pannier-Runacher.
« Le no-deal n’est qu’un moment »
La secrétaire d’État a également évoqué les incertitudes qui demeuraient à ce jour sur de nombreux sujets. Ainsi, par exemple, le Royaume-Uni a indiqué que 80 % des droits de douane ne seraient pas pris en compte, sans préciser lesquels.
« Nous ne resterons pas indéfiniment dans un état de « no deal », a conclu Amélie de Montchalin. Le no deal, c’est le moment où nous constatons qu’un État sort de la construction politique européenne, sans avoir préparé juridiquement sa sortie. Mais les falaises de Douvres seront toujours visibles de Calais, a conclu la secrétaire d’État chargée des Affaires européennes. Nous resterons partenaires du Royaume-Uni, et je peux vous assurer que quelques semaines ou quelques mois après le Brexit, le Royaume-Uni aura besoin d’une relation organisée, juridiquement stable, qui concerne l’économie, la finance, les relations scientifiques, les échanges d’étudiants, qui bénéficient aujourd’hui du cadre européen, et qui auront demain un autre cadre. »
Enfin, alors que les députés britanniques viennent d’adopter une motion demandant un nouveau report du Brexit, Amélie de Montchalin a indiqué que la France n’y était pas favorable si rien ne changeait par ailleurs. « L’incertitude est sans doute plus préjudiciable encore pour l’économie qu’un Brexit sans accord, qui ne sera qu’un moment avant la signature de nouvelles conventions », a résumé la secrétaire d’Etat.
« Plusieurs milliers d’emplois liés, pour Paris, à la suppression du passeport financier »
« Plusieurs milliers d’emplois sont liés, pour la place de Paris, au fait que le Brexit entraîne la suppression du passeport financier et donc l’obligation de disposer d’une implantation en Europe, a rappelé Agnès Pannier-Rupacher, dans le pavillon des ministres de Bercy. Notre politique d’attractivité est extrêmement proactive, en direction du Royaume-Uni sur tous les sujets financiers, a poursuivi la secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des Finances. Il y a aussi les questions d’implantations industrielles, mais elles ne vont pas se gérer en quelques mois. On parle là d’implantations durables, de questions de compétitivité. La France est très attractive au plan européen, qu’il s’agisse de sièges et des centres de décisions, ou des sites de R&D. Nous avons aujourd’hui autant de projets d’installation de sites de R&D en France que l’Allemagne et le Royaume-Uni réunis, a fait valoir la secrétaire d’Etat. Mais il ne faut pas imaginer que le Brexit entraîne immédiatement une perte d’attractivité pour la place britannique. D’une manière générale, notre travail consiste à attirer des investissements étrangers en France venant de tous horizons. »
1°) L’immatriculation auprès de la douane pour obtenir un numéro d’identifiant communautaire. Cette formalité est nécessaire pour importer des marchandises provenant d’un pays extra-communautaire, comme le sera la Grande Bretagne dès le 31 octobre prochain.
2°) Remplir et déposer une déclaration de transit, auprès des douanes. « Cette télé-déclaration, qui peut être effectuée sur le site des douanes, est certainement la pierre angulaire de notre succès collectif », a indiqué Olivier Dussopt. Si toutes les entreprises anticipent leurs exportations, si elles effectuent ces démarches avant le départ des marchandises, elles accélèreront leur passage à la frontière.
3°) Connaître les réglementations spécifiques qui s’appliqueront, lors de la sortie effective du Royaume-Uni de l’Union européenne, à certaines marchandises prohibées ou soumises à des restrictions particulières. C’est le cas des produits liés à la santé, ou phytosanitaires, des produits sanitaires, des matériels de guerre ou des armes, qui exigent des déclarations préalables au dédouanement.
4°) Il faut enfin anticiper l’obligation prochaine de devoir s’acquitter des droits de douane et des taxes, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. « Les importations en provenance du Royaume-Uni auront un coût, si aucun accord n’est trouvé, au moins pendant la période qui précédera la signature d’un nouvel accord », a indiqué le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Action publique et des Comptes publics.

Le site des douanes a créé un site d’information dédié au Brexit, a également indiqué le secrétaire d’Etat. « Il rappelle notamment l’ensemble des opérations de dédouanement à effectuer avant le 31 octobre, et comprend un outil de mesure de l’impact financier du Brexit sur les entreprises. Il décrit en outre les démarches à suivre pour faire connaître à la douane les marchandises qui doivent faire l’objet d’une attention particulière », a-t-il précisé.