Tribune – L. Toro : « Fumer tue mais respirer tue aussi »

Ludovic Toro, maire de Coubron (Seine-Saint-Denis), conseiller régional d’Ile-de-France, président de l’Observatoire régional de la santé, conseiller métropolitain, vice-président de Grand Paris Grand Est, a tenu, le 9 avril 2018 lors de la journée organisée par la métropole sur son plan climat, un discours choc sur les conséquences de la pollution sur la santé. Le journal du Grand Paris le publie en intégralité.

J’interviens devant vous en tant qu’élu mais aussi en tant que médecin. J’ai comme vous, depuis des dizaines d’années vu et entendu dans tous nos médias des interventions sur l’écologie, sur l’environnement, sur la couche d’ozone, sur la disparition de certains animaux, sur le dérèglement climatique, sur les taux alarmants de CO2 et de particules fines mais pas assez de reportages sur les conséquences quotidiennes, majeures et réelles sur notre santé.

Venez visiter les hôpitaux. Que les médias entrent plus souvent dans les services de pneumologie, de pédiatrie et de cancérologie. Il y a aujourd’hui, 50 000 décès prématurés liés à la pollution en France. Nous avons ce triste classement de 5e en Europe en termes de décès prématurés liés à la pollution.

Ludovic Toro

Ludovic Toro, maire de Coubron. © DR

Les médecins ont établi le lien direct entre maladie et pollution depuis 30 ans. Oui, les taux de cancers ont augmenté pour certains de plus de 110 % en 40 ans. Aujourd’hui, le cancer du poumon n’est plus réservé aux fumeurs. Plus de 10 % des patients atteints d’un cancer du poumon n’ont jamais fumé et ce taux ne cesse d’augmenter. Il y a donc bien d’autres polluants qui provoquent ce cancer, si un doute pouvait encore subsister…

Et ce taux si dramatique de cancer des enfants qui ne cesse de progresser. En effet, les particules polluantes ont un poids et sont plus près du sol. Elles sont plus inhalées par les enfants qui possèdent de plus une immaturité immunitaire. Dans notre monde, 1/4 des décès des enfants de moins de cinq ans sont attribuables à la pollution de l’environnement. Soyons aussi interpellés et alarmés quand les nouveaux nés ont aujourd’hui dans leur organisme, dès leur naissance, des polluants inhalés et ingérés par leur mère tout au long des années.

Quel héritage catastrophique leurs transmet notre société !

Je préside l’Observatoire régional de la santé. Nous avons publié les études faites en Australie, au Japon et aux Etats-Unis sur l’effet de la suppression d’un point de pollution locale sur la santé de la population riveraine. Mais y avait-il un doute sur le fait que diminuer la pollution améliorerait la santé ?

Alors oui, on organise des COP successives pour déclarer que nous n’atteindrons pas les objectifs de la COP précédente. Mais où sont la surveillance et le soutien de l’Etat au niveau local de toutes ces mesures environnementales ? Avez-vous été sollicités par un préfet ou sous-préfet pour faire le point sur la qualité environnementale de votre territoire alors que ce même Etat est si présent pour vérifier l’application de certaines lois…

Deux réflexions pour terminer :

Nos enfants ! Pour protéger les enfants, le parlement a légiféré sur l’obligation de 11 vaccins pour les nouveaux nés. Qu’a t-il fait alors pour protéger les enfants de toutes leurs pathologies respiratoires liées à la pollution qui ont une prévalence nettement supérieure à ces maladies infectieuses ? Qu’a t-il fait quand un enfant sur 500 en France développe un cancer ? Il ne peut y avoir deux poids deux mesures dans le domaine de la santé et particulièrement dans celui de la santé de l’enfant.

La deuxième réflexion est un parallèle entre la campagne anti-tabac et la qualité de l’air sur cette phrase : fumer tue ! Précisons que l’OMS a classé la pollution comme un agent cancérigène de type 1 comme le tabac ! Sans alarmisme, oui ! Fumer tue mais respirer tue aussi.

Chers collègues, neuf citoyens sur dix de ce monde respirent un air pollué, jour après jour, et présenteront potentiellement une pathologie secondaire. Nous tous ici, aujourd’hui, respirons cet air pollué, nous sommes et serons touchés.

Ouvrons les yeux de certains. Donnons à la santé la parole et sa représentation médiatique qui devrait être sienne pour alarmer nos dirigeants de l’urgence sanitaire à diminuer cette pollution. Pollution qui tue chaque jour de plus en plus dans notre pays. Cette réalité sanitaire doit aussi servir à la mise en place urgente de certaines mesures.

Cher Daniel [Guiraud], tu m’as demandé de ne pas être pessimiste. Je suis, bien au contraire, réaliste et optimiste sur un réveil efficace de nos gouvernants pour tout simplement sauver des vies.

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