Saskia Sassen, sociologue et économiste à l’université Columbia, New York, figurait parmi les invités internationaux du Global cities makers Forum organisé par Paris-Ile de France Capitale Economique, les 14 et 15 février.
– Vous avez, dès les années 1990, développé le concept de ville-monde. A l’époque pourtant, cette idée n’était pas très en vogue.
Saskia Sassen : Effectivement, les cœurs des grandes villes s’appauvrissaient, désertés par leurs habitants les plus aisés. Dans les années 1970, New York avait frôlé la faillite ! L’on croyait aussi que la révolution numérique rendrait caduc le concept même de ville. A quoi pouvaient-elles encore servir ? Mais c’était ignorer la réalité de la nouvelle économie.
– En quoi les métropoles restent-elles indispensables ?
Nous sommes entrés dans une économie d’intermédiation où les entreprises deviennent extrêmement spécialisées. Contrairement à la période précédente, où elles abritaient en leur sein toutes les fonctions qui leur étaient nécessaires, aucune ne dispose aujourd’hui de tout le savoir dont elle a besoin. Elles doivent travailler en réseau avec d’autres entreprises pour espérer conquérir des marchés : spécialistes juridiques, financiers, sociétés de marketing, d’études de marchés, chercheurs, développeurs, start-up, etc. Et ces compétences se trouvent rassemblées dans les métropoles.
– En quoi cette tendance bouleverse-t-elle physiquement la ville ?
Les villes sont devenues si puissantes qu’elles ont besoin d’un nouveau type de matériau urbain. Le secteur financier, notamment, occupe une part croissante de l’espace. Au point que l’on en arrive à trouver, à Manhattan mais aussi à Milan, des immeubles de bureaux neufs, mais vides : cela peut paraître étonnant mais ils constituent, pour les investisseurs, un patrimoine physique de plus grande valeur que des avoirs financiers titrisés dans lesquels on n’a plus confiance.