Portrait – Roland Castro, légende urbaine

Il dit que la vie est un roman. La sienne pourrait se raconter en plusieurs tomes. Agitateur, intermittent de la politique, architecte et « Grand parisien » depuis 30 ans.

Roland Castro © G.B.

Roland Castro © G.B.

« Je suis né exterminable, lâche le septuagénaire dans un éclat de rire. Oui ! Je suis né en octobre 40, deux jours avant la publication du Statut des Juifs. A Limoges ». Il y passera cinq ans, « sauvé des rafles par des voisins… J’ai une grosse dette envers mon pays. » Le ton se fait plus solennel. Le regard se trouble. Et pas sûr que ce soit les volutes du clope qui l’accompagne… souvent. Mais c’est dans le « XVIIe populo » qu’il grandit, où la famille de Roland Castro s’établit après-guerre. « Môme, j’étais un vrai rat de bibliothèque. Y’avait pas de bouquins chez mes parents. » Alors, il dévore London, Dumas « le plus grand écrivain du monde » et bien d’autres. « La lecture m’a construit. Depuis je pense que la vie est un roman. » Médecine, sciences politiques… Il veut tout faire mais finit par choisir archi aux Beaux-arts « parce qu’on pouvait vite devenir nègre dans une agence tout en étudiant. Mes parents n’avaient pas d’argent. » Il sort diplômé 13 ans plus tard. « Je travaillais beaucoup en agence et … le militantisme m’a pris beaucoup de temps. » L’Algérie, le maoïsme et… la grève de 66 aux Beaux-arts. « Nos profs, c’étaient ceux qui construisaient les grands ensembles. On a appris l’archi avec des c…. qui suivaient un académisme ridicule », lance-t-il sans détours.

Puis il y a 68, une « parenthèse enchantée que j’ai prolongé en créant Vive la Révolution ». Un groupe maoïste libertaire qui éditait son propre journal Tout, « tiré à 100 000 exemplaires ». Un support pour les luttes féministes, homosexuelles. « Il a permis l’émergence du MLF ! Bref, mon bilan de gauchiste n’est pas si mauvais », se marre-t-il. Jusqu’en 1972, il est « militant politique à plein temps » jusqu’à ce qu’il ferme son organisation. « La répression nous amenait à une espèce de surenchère de violence. » Il raccroche, poursuit des activités de nègre de luxe, s’associe puis monte, dans les années 1980, sa propre agence. Durant ces années, il affirme une vision de l’architecture loin du mouvement moderne, « massacre de l’urbanité qui a déchiré la ville en zone ».

Révolutionner la banlieue

« J’étais révolté par ces grands ensembles et le silence des penseurs de l’époque sur ces apartheids urbain. La cité des 4 000 n’est pourtant qu’à dix kilomètres du Flore. » Au lendemain du 10 mai 1981, il écrit à Mitterrand.  Six lettres avant d’être reçu à l’Elysée où il présente Banlieue 89, « une association pour rénover la banlieue, y faire la révolution. On a emmené Mitterrand en banlieue pour lui montrer l’enclavement, la dégradation… ». Il en résultera la création d’une mission interministérielle baptisée… Banlieue 89. « J’ai fait mon premier Grand Paris avec Mitterrand. On a lancé des consultations, des projets avec des élus… ». Et déjà, il propose le Central Park de La Courneuve. Puis « c’est devenu compliqué. Plus de budget, de l’hostilité… le jeu politique. Pourtant dans les villes où il y avait des projets Banlieue 89, le vote Le Pen est plus faible de 4 %. »

Tout cela débouchera sur la création d’un ministère de la Ville « où il a mis Tapie. Là, je me suis tiré. » Il retrouve son agence et travaille sur de nombreux projets de remodelage urbain. Son leitmotiv : « désenclaver et favoriser le lien social ». Alors la satisfaction est grande quand il raconte que « pendant les émeutes de 2005, aucun de ses quartiers n’a bougé. » Intermittent de la politique, Roland Castro y revient avec son Mouvement pour une utopie concrète. En 2007, il fait campagne pour la présidentielle. Mais les signatures manquent…

Le Grand Paris refait surface dans les agendas politiques. Et Roland Castro aussi. Son agence fait partie des dix équipes qui ont participé, en 2008, à la consultation le Grand Pari(s) de l’agglomération parisienne. Un territoire qu’il continue d’imaginer plus vaste, multipolaire. « Il faut qu’on ait envie de découvrir Paris en passant au Mac Val d’Ivry puis à Notre-Dame avant d’aller au parc de la Courneuve. Le Grand Paris, porteur d’égalité urbaine. » Vient le salut de l’artiste ponctué d’éclats de rire forcément : « Une page ? Pour raconter tout ce que je viens de vous dire. Vous êtes pas dans la m… » Fin

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