Jens Denissen, 27 ans, conçoit des explorations outre-périph’ où il invite les Franciliens à (re)découvrir pas à pas leur territoire. Embarquement pour le Voyage métropolitain.
Rendez-vous à gare Saint-Lazare, ligne J, à 9h, direction Chanteloup-les-Vignes (Yvelines). Signe distinctif : si ce n’est la chaussure de rando, le sac à dos d’où dépasse une bouteille d’eau. Ce jour-là, ils sont une trentaine à participer à une excursion francilienne de 15 km qui devra s’achever à la gare RER du Pecq (Yvelines). Ni visite guidée, ni randonnée au pas de course, le Voyage métropolitain sort des sentiers battus. « C’est faire l’expérience d’un territoire en le sillonnant à pied, et l’appréhender comme une source de connaissances », explique Jens Denissen, carte en main. Le jeune homme a traversé le Rhin il y a dix ans, pour une année de césure avant le bac.
Depuis, il n’a jamais vraiment quitté l’Hexagone. Il y a fait ses études. « Je voulais travailler sur et avec l’espace, le territoire et ses habitants », se souvient celui qui, enfant déjà, s’amusait à cartographier la forêt avoisinant son village. Mais dans un premier temps, il joue la carte du cursus généraliste en intégrant la filière franco-allemande de Sciences Po Paris. Le déclic pour la chose urbaine se fera plus tard, au cours d’une année d’études à Istanbul, « une métropole qui me dépassait complètement et où j’ai perdu tous mes repères ». A son retour en France, il s’oriente vers la stratégie territoriale et urbaine avant d’intégrer l’ENS du paysage à Versailles. Une période où, avec l’association A travers Paris, il découvre une autre approche du territoire en liant théorie et pratique. « Nous organisions des promenades urbaines inhabituelles où se croisaient architecture, urbanisme, socio, etc. Apprendre à lire la ville change notre rapport au territoire. »
Récit métropolitain
Autre élément décisif dans le cheminement de Jens : la marche, et en quoi celle-ci peut « faire projet ». En 2013, il collabore au GR2013, un projet de sentier de randonnée métropolitain à Marseille – conçu par des artistes, urbanistes et des philosophes. Cette expérience méditerranéenne met Léa Donguy, étudiante en urbanisme, sur sa route. De retour à Paris, les deux comparses commencent à arpenter l’Ile-de-France à pied. Très vite naît l’envie de partager ces excursions et d’en faire un outil pédagogique capable de susciter la curiosité pour ce territoire : ce sera le Voyage métropolitain. « Arpenter le territoire rend possible un autre processus : se poser des questions, soulignent les deux fondateurs de l’association. Comment j’habite une métropole ? »
Depuis un an et à raison d’un voyage par mois, les voyageurs sont allés au Raincy, à Choisy, Cergy, Saint-Denis, Sannois, Tremblay, Jouy-en-Josas, etc. « Explorer la métropole à pied et en groupe, c’est changer de mode de perception, s’y inscrire corporellement, s’y attacher aussi. Et ça crée des situations décalées », rapporte Jens. Car si le marcheur découvre, s’étonne, se questionne, les habitants des villes traversées ne sont pas indifférents au passage du cortège. Au-delà de l’acte de marche, l’initiative a aussi pour objet la rencontre et l’hospitalité. A l’issue de l’expédition, chaque participant livre son point de vue. « Nous contribuons à un récit métropolitain partagé en provoquant la rencontre entre les habitants », précise Jens, qui travaille également sur un projet à Bâle visant à développer un sentiment d’appartenance de la population à une agglomération trinationale. « Pour une métropole durable et partagée, il faut construire une identité commune, dans laquelle habitants et espaces sont reconnus. Finalement, nous préfigurons la métropole. » Pas à pas.