Les équipes lauréates de la consultation internationale initiée par le Forum métropolitain du Grand Paris, dont les travaux sont exposés au Pavillon de l’Arsenal jusqu’au 13 octobre prochain, proposent, chacune à leur façon, de rompre avec le règne absolu de la voiture sur le réseau magistral viaire d’Ile-de-France pour en faire des voies plurifonctionnelles et décarbonées.
L’Atelier des mobilités (D&A architectes), Holos (Richez associés), New Deal pour les voies rapides du Grand Paris (Seura architectes) et Shared utility networks (Roger Stirk Harbour + partners) ont répondu à la consultation internationale sur l’avenir du réseau routier francilien, lancée par le Forum métropolitain du Grand Paris, par une série de propositions axées sur l’usage, la multimodalité, les nouvelles technologies routières et la progressive disparition des motorisations thermiques. Revue de projets en images.
L’Atelier des mobilités
L’Atelier des mobilités propose une stratégie globale, à destination des usagers mais aussi des flux de marchandises. L’équipe préconise ainsi la création de 1 000 km de voies réservées aux transports collectifs et partagés, qu’ils soient publics ou privés (réseau Noé).
Partant du principe que la mobilité n’est pas une somme de déplacements, mais un programme d’activités, ces stations servicielles sont pensées « comme de véritables lieux de vie, capables de faciliter le quotidien des usagers du réseau ». 60 stations sont ainsi facilement accessibles aux « piétons augmentés » (vélos, trottinettes), ainsi qu’en bus urbains. En zone très peu dense, le rabattement en voiture individuelle est facilité par la réservation de places de stationnement en station.Plan logistique 2030 et réseau de routes ferrées
L’Atelier des mobilités propose également un « plan logistique 2030 », pour réduire fortement le nombre de kilomètres parcourus en zone dense pour la livraison de marchandises, et la pollution associée. Ce plan repose sur l’interdiction progressive, entre 2020 et 2030, de l’accès à la zone dense aux camions « non-consolidés », c’est-à-dire partiellement remplis et non propres. Ce plan prévoit quatre niveaux de plateformes logistiques intermodales, connectées au fer et au fleuve.
A l’horizon 2050, l’équipe propose d’électrifier partiellement le réseau autoroutier sur les axes de transit afin d’impulser à l’échelle européenne la création « d’un réseau de routes ferrées », propres, complémentaire du réseau ferré saturé, en éliminant le principal obstacle actuel à l’émergence du camion électrique : la batterie.
Maîtrise d’œuvre : D&A architecte, urbaniste, paysagiste (mandataire) ; Setec (BET), 6-t (bureau de recherche), APRR (gestionnaire d’autoroute).
Experts : Atelier des giboulées (communication), Logicités (logistique), Transversal (stratégie foncière), Sempervirens (paysagiste), Philippe Vasset (écrivain), Martin Etienne (illustrateur), Jean-Pierre Orfeuil (économiste), Francis Beaucire (géographe), Antoine Picon (historien), Alain Bourdin (sociologue), Laetitia Dablanc (logistique), Mathieu Chassignet (ingénieur), Jean-Marc Offner (urbanisme).
Le collectif Holos
Pour le collectif Holos, l’infrastructure de demain doit « tenir compte des contextes et des besoins en mobilité différents. Elle doit être capable de prendre en compte la notion du temps et l’évolution possible des techniques par une transformation progressive, soutenable économiquement et par une gouvernance globale et des solutions locales, plaçant l’usager en son centre ». Holos fonde ainsi sa proposition sur « Les voies métropolitaines du Grand Paris », concept de voie flexible, adaptable, au service du métabolisme des territoires.
L’autoroute devient un ruban multimodal, la bande d’arrêt d’urgence est supprimée, en partie ou entièrement. Holos propose des « avenues métropolitaines » entre la Francilienne et l’A86. « Aujourd’hui déconnectées de leur contexte, elles ont vocation à retrouver plus de contact avec la ville ». A l’intérieur de l’A86, sont préconisées des « chaussées communales », s’insérant totalement dans la trame viaire, avec la priorité donnée aux piétons, grâce à de larges trottoirs.
Maîtrise d’œuvre : Richez_associés (architectes, urbanistes, paysagistes – mandataire) ; Folléa-Gautier (paysagistes, urbanistes), Transitec (BET mobilité et trafic), Trans-Faire (BET qualité environnementale, experts écologues).
Experts : IRT System X (experts mobilité innovante), Airparif (association de surveillance de la qualité de l’air), Arter (agence de production artistique), Mobility in chain (mobilité à l’échelle mondiale), Urban water (hydrologie urbaine et environnement), Bruno Housset (pneumologue, spécialiste de la pollution et de la santé publique), Isabelle Nicolaï (géographe-économiste), Philippe Montillet (historien des territoires), Sohrab Baghery (économiste des infrastructures et ouvrages), Stéphanie Vincent-Geslin (sociologue), L’Œil du pigeon (illustrateur), MyLuckyPixel+Lou Kat (perspectivistes), Vincent Pfrunner (photographe) et François Vuillet (maquettiste).
New Deal pour les voies rapides du Grand Paris
New Deal pour les voies rapides du Grand Paris entend traiter la congestion depuis les limites de la mégalopole jusqu’en son centre. En proposant à tous ceux qui n’ont pas aujourd’hui d’alternative à l’autosolisme un nouveau réseau de transport en commun sur route, desservant les territoires en profondeur, « complémentaire et indispensable à la réussite du Grand Paris express ». Ce réseau de transport en commun sur routes s’appuiera sur des stations ou relais répartis sur le réseau, des « places métrovillageoises », servant de carrefour de mobilité et d’activité.
Grâce à la mobilisation de tous les moyens qu’offrira la technologie (véhicules connectés, délégation de conduite, Internet des objets), les voies New Deal pourront absorber de hauts débits de trafic réduisant d’autant la circulation des véhicules autosolistes.
A terme, prévoit New deal, le trafic serait réduit de 50 % dans le coeur de la mégapole, et « la pollution atmosphérique ne sera plus qu’un mauvais souvenir ». La pollution sonore serait parallèlement réduite de moitié par la baisse de trafic, les nouvelles technologies routières faisant le reste.
Ainsi, le périphérique deviendrait, à l’horizon 2050, un grand boulevard métropolitain, avec un trafic réduit de moitié, 50 % de ces voiries étant réservés à la végétalisation.
Maîtrise d’œuvre : Seura architectes (architectes, urbanistes – mandataires), Jornet Llop Pastor (architectes urbanistes, paysagistes), Marina Cervera et Anna Zahonaro (paysagistes), Carlo Ratti associati, (design, innovation, prospective), Leonard (plateforme de prospective et d’innovation de Vinci), Ingerop (mobilité et trafic), C31, assembleur de mobilités.
Experts : Jean Grébert (système de mobilité), Laurent Taupin (mobilité innovante) Ecov Thomas Montagne (solutions de mobilité partagée), Transamo Guillaume de Tillière (transports en commun), FUB Olivier Schneider (promotion du vélo au quotidien), Yves Crozet (économiste), Michel Savy (économiste).
Shared utility networks – Sun
Sun propose d’exploiter le fait que le réseau viaire magistral constitue « une armature de territoire connectée unique et précieuse à l’échelle métropolitaine ». Cette infrastructure « qu’il serait impossible de créer aujourd’hui, a une immense valeur », estime également le groupement conduit par Roger Stirk Harbour + partners. Le projet est de la mettre au défi pour passer d’une exploitation monoculturelle à une diversité de fonctions.
Dans un premier temps, l’horizon 2030, Sun envisage de diminuer de 30 % la capacité des autoroutes et voies rapides, dans un périmètre situé à l’intérieur de l’A86. Aucun changement hors du périmètre de l’A86 n’est envisagé. A l’horizon 2050, est proposée une réduction plus radicale, à 50 % des voies actuelles à l’intérieur de l’A86 et à 25 % en dehors de l’A86.
Sun propose, par ailleurs, d’abaisser à 50 km/h la vitesse de référence pendant les périodes de pointe à l’intérieur de l’A86. « En dehors de cette zone, une limitation à 70 km/h nous paraît le meilleur compromis entre des fonctions urbaines plus lâches et le besoin de maintien de la capacité sur des territoires offrant moins d’alternatives à l’automobile.
L’équipe dirigée par Roger Stirk Harbour + partners crée « ART » comme autonomous rail transit, un concept de bus-tram-train exploitant le réseau magistral, composé de nombreux modules dispersés lorsqu’ils desservent un tissu urbain. Le fameux « platooning », cher à Jean-Louis Missika, qui fut, avec Stéphane Beaudet, Jean-François Vigier et Jean-Yves Le Bouillonnec, un des inspirateurs de cette fructueuse consultation internationale, initiative concrétisée par Vincent Jeanbrun, président du Forum, et les équipes du syndicat mixte, dirigées par Sylvain Cognet.
Sun créé également un réseau de « vélos à haut niveau de service » de près de 800 km, soit 410 km pour l’A86 et ses voies rapides et 363 km pour la Francilienne et ses voies départementales et nationales internes.
« Je vois dans cette exposition un immense mérite, résumait Dominique Alba, lors de son inauguration : celui de briser un tabou, de permettre enfin à chacun d’échanger sur le sujet de l’avenir du réseau viaire, en se laissant du temps. Il a fallu des décennies, rappelait la directrice générale de l’Atelier parisien d’urbanisme, pour passer de l’idée d’une fermeture de voies sur berge à sa réalité. »
Maîtrise d’œuvre : Roger Stirk Harbour + partners (architectes et urbanistes – mandataire), Arep ville (architectes et urbanistes ingénieurs), Artelia ville et transports (ingénieurs), Michel Desvigne paysagistes (paysagistes), EY (consulting économistes)
Experts : Pierre Veltz (chercheur en sciences humaines), Nicolas Meihlan (consultant en stratégie), Sonia Lavadinho (sociologue), François Bellanger (prospectiviste), Sanef (concessionnaire d’autoroutes), Cerema (centre de recherche), EIVP (enseignement et recherche), Mike Berners-Lee (directeur Small world consulting) et Philippe Rode (executive director de LSE cities et fellow à la London school of economics).