Logement : sortir l’Ile-de-France de l’impasse

Réunis vendredi 24 mai à la Cité de Refuge lors d’un colloque organisé par AEF-Info et l’Aorif, élus locaux et acteurs franciliens du logement ont échangé sur les outils susceptibles de pallier la crise en prenant en compte la situation particulière de l’Ile-de-France.

A quelques jours de l’examen du projet de loi logements abordables au Sénat, les acteurs du secteur francilien déploraient, lors d’un colloque organisé par AEF-Info et l’Aorif (Union sociale pour l’habitat d’Ile-de-France) vendredi 24 mai 2024 à la Cité de refuge (13e arr), que le texte ne comporte aucune disposition de décentralisation, contrairement à ce qu’avait laissé entendre le précédent ministre Patrice Vergriete. Dans la région capitale, où se concentrent 30 % des demandeurs de logement social et 19 % de la population française, on estime que le projet de loi ne prend pas suffisamment la mesure des enjeux.

Pour Stéphane Troussel, président du conseil départemental de Seine-Saint-Denis, il aggraverait même les fractures sociales auxquelles l’Ile-de-France est confrontée. « Si notre région est dans une telle situation avec un logement social paupérisé, ce n’est pas le fruit du hasard ! Il s’agit d’une ségrégation territoriale dont le logement est l’instrument ! », estime-t-il. En cause notamment, l’introduction du logement locatif intermédiaire (LLI) dans le système de comptabilisation de la loi SRU, permettant aux maires réfractaires de « sauter à pieds joints sur la loi » pour limiter la construction de logements sociaux. « Il y a un enjeu démocratique de politiser ce sujet, de faire comprendre à nos concitoyens que notre situation est le résultat de choix politiques. Ce projet de loi n’est pas à la hauteur de nos difficultés. »

Plus mesuré, Jean-Philippe Dugoin-Clément, vice-président du conseil régional d’Ile-de-France, considère quant à lui que si le LLI répond à certains besoins des zones très tendues, « il n’est ni l’alpha ni l’oméga » de la relance du logement.

Stéphane Troussel et Jean-Philippe Dugoin-Clément © Jgp

« Produire en Ile-de-France coûte plus cher qu’ailleurs, les charges foncières sont deux fois plus importantes, observe Anne-Katrin Le Doeuff, directrice de l’Aorif. Le nombre de demandeurs de logement social est écrasant, les bailleurs sociaux sont particulièrement à la peine, de même que les élus. Il y a aussi une interdépendance très marquée entre la promotion et le logement social, avec un rapport à la Vefa [vente en l’état futur d’achèvement] très important, y compris dans l’aménagement public. »

Trouver des réponses propres à l’Ile-de-France

Pour y parvenir et répondre aux attentes des acteurs franciliens, le schéma régional de l’habitat et de l’hébergement (SRHH), adopté par le comité régional de l’habitat et de l’hébergement (CRHH), suscite un peu d’espoir en dépit d’objectifs jugés inatteignables par nombre de maires, à l’instar de Jean-Philippe Dugoin-Clément. Le directeur de la direction régionale de interdépartementale de l’hébergement et du logement (DRIHL), Laurent Bresson, se veut rassurant : « Ce schéma doit nourrir et enrichir les démarches de programmation et de planification locale. L’Etat est là pour accompagner les territoires concernés dans une logique naturelle de différenciation. »

Saluant les 20 propositions de l’Aorif pour relancer la production de logement social, Laurent Bresson indique par ailleurs qu’un groupe de travail ad hoc sera bientôt lancé à destination des acteurs régionaux et des membres du CRHH en vue d’élaborer « de manière partenariale une vision partagée des leviers opérationnels à mobiliser. » Dans le même temps, un groupe dédié à l’équilibre économique des opérations de logement social se verra initié. « C’est un sujet majeur. Il faut réinterroger l’ensemble des paramètres », affirme Laurent Bresson.

Anne-Katrin Le Doeuff et Laurent Bresson © Jgp

La crise réinterroge aussi le modèle de production : « Il y a un enjeu à relancer les opérations en maîtrise d’ouvrage directe pour limiter le risque inhérent à la promotion, poursuit le directeur de la Drihl. Nous avons également à travailler sur l’exploitation des nouveaux gisements, désormais bien connus, mais aussi sur la surélévation, la transformation des bureaux en logements et la densification pavillonnaire. » Et la région francilienne a de la chance : de l’avis d’Anne-Katrin Le Doeuff, elle constitue « un bon terrain pour tester les innovations juridiques », telles que celles proposées par l’organisation.

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