Créer des boucles d’éco-développement : c’est l’une des recettes que compte appliquer le 3e pôle économique de la métropole, qui organisait, jeudi 2 décembre 2021, ses assises économiques. Avec une préoccupation forte : le développement du tissu productif doit d’abord profiter aux habitants du territoire.
« Nous sommes en train de créer un nouveau modèle de développement économique, avec la volonté de développer sur notre territoire une industrie propre, non polluante qui profite à nos habitants. Car on ne peut pas dire que les jeunes ne veulent pas travailler et avoir d’un côté un chômage de masse et de l’autre des secteurs en tension. Il faut aller chercher les jeunes, et les moins jeunes, dans la rue, dans les quartiers, pour leur montrer les emplois disponibles et les former. » C’est avec passion que Michel Leprêtre, président (PCF) de Grand-Orly Seine Bièvre (Val-de-Marne/Essonne) a résumé la philosophie des 4e assises du développement économique qu’organisait, jeudi 2 décembre 2021 au soir, le Territoire.
Depuis sa création, en 2016, l’établissement public territorial se montre particulièrement volontariste en matière économique. Fort de son passé industriel et de ses 700 000 habitants – qui en font le deuxième territoire le plus peuplé et le 3e pôle économique de la métropole -, il n’est que trop conscient des risques que lui fait courir la désindustrialisation en cours depuis plusieurs décennies. En 2020, le taux de chômage s’établissait ainsi à 1,6 point au-dessus du niveau francilien. Mais il le sait également : le temps où les grandes usines bruyantes et polluantes s’installaient aux portes de Paris est révolu.
Quel type d’activité productive accueillir ? Comment lui réserver un foncier bon marché alors même que le prix des terrains s’emballe dans ce territoire particulièrement bien desservi par le futur Grand Paris express ? Désigné « territoire d’industrie » par l’Etat, Grand-Orly Seine Bièvre (GOSB) s’est lancé dans un long travail de réflexion, qui a débouché sur deux publications marquantes : celle du « manifeste pour un territoire industriel et productif », en 2019, et du « livre blanc en faveur du développement et du maintien d’immobilier productif« , en février 2021, avec les territoires d’Est Ensemble, de Plaine Commune, de Grand Paris Sud Est Avenir et de Paris.
Boucles d’éco-développement
Parallèlement, Grand-Orly Seine Bièvre a confié à Gilles Crague, directeur de recherche à l’École des Ponts ParisTech, tout à la fois de mieux identifier le tissu productif et de réfléchir à la façon de le préserver. Celui-ci a présenté, jeudi 2 décembre, une proposition : réfléchir en termes de boucles d’éco-développement. « Au lieu d’essayer de localiser des entreprises sur le territoire, il s’agit d’attirer des circuits économiques. Autrement dit, des acteurs qui entretiennent des relations mutuelles. Ainsi, des flux économiques sont réimplantés localement, ce qui est conforme à l’impératif de transition écologique, mais aussi favorable à la dynamique territoriale », a-t-il explicité. Pour lui, l’époque où l’on pensait les métropoles comme des lieux abritant les seules « hautes fonctions créatives » est révolue. La crise sanitaire a démontré à ceux qui en doutaient l’intérêt de relocaliser les activités productives. « Il faut donc passer d’un développement des métropoles à un développement dans les métropoles », a-t-il conclu.
Un credo que les élus de Grand-Orly Seine Bièvre ont largement repris à leur compte pendant la soirée, à l’instar de Fatah Aggoune, vice-président délégué aux activités productives et à l’immobilier d’entreprise. « Nous devons faire en sorte que le développement économique soit plus vertueux, notamment d’un point de vue environnemental », a-t-il estimé.
Attractivité
Ce positionnement très affirmé du territoire n’est pas pour déplaire à Lionel Grotto, directeur général de l’agence d’attractivité Choose Paris Region, qui a assuré : « les territoires qui gagneront demain sont ceux qui sont capables de s’affirmer. Nous accompagnons actuellement 43 projets [d’implantation] pour lesquels nous avons proposé GOSB ».
Pascal Girod, directeur du développement économique, a quant à lui fait ses comptes : « Depuis sa création, Grand-Orly Seine Bièvre est intervenu à hauteur de plus de 6 millions d’euros en faveur du tissu économique et 80 % de cette somme sont allés en soutien direct aux acteurs économiques. Pendant la crise sanitaire, plus de 3 millions d’euros d’aides ont été versées sur le territoire, dont 1 million par l’EPT », a-t-il détaillé, poursuivant : « nous avons accompagné plus de 30 implantations au cours des trois dernières années, comme l’école des arts culinaires Lenôtre ici, à Rungis. Ou encore le nouvel atelier d’Air France industries à Orly, qui ambitionne de réparer les moteurs d’avions de toutes les compagnies ».
La feuille de route 2021-2025 pour le développement économique et l’emploi, présentée au cours des assises, entend confirmer ce volontarisme. Trois nouveaux engagements y figurent : « rebondir et accompagner la reprise lors de la sortie de crise sanitaire », « favoriser l’émergence d’une économie plus responsable » et « anticiper et former aux nouvelles compétences ».
L’emploi, la première des préoccupations
L’emploi constitue en effet une préoccupation importante du territoire. « Nous recensons 65 000 demandeurs d’emploi dont la moitié est en chômage de longue durée », a constaté Imène Ben Cheikh, vice-présidente déléguée à l’emploi, à l’insertion et à la formation professionnelle. Pour faciliter la mise en relation entre entreprises et demandeurs d’emploi, Grand-Orly Seine Bièvre a créé la « Vitrine de l’emploi », un site web de recherche d’emploi spécialement dédié au territoire.
L’EPT a également mis en place une GPECT (gestion prévisionnelle des emplois et des compétences territoriales) et est lauréat d’un appel à projets lancé par l’Etat dans le cadre de France relance. Il permet aux salariés dont les entreprises sont menacées d’entrer « en transition collective » : « le contrat de travail est maintenu pendant deux ans durant lesquels le salarié bénéficie d’une formation certifiante dans un secteur qui recrute », a expliqué Eric Jany, responsable du pôle entreprises emploi et solidarités à la Drieets (direction régionale et interdépartementale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités).
Les entreprises privées ne restent pas inactives. Ainsi, la société Eris, intégratrice de systèmes de sécurité incendie, a créé sa propre école pour recruter la vingtaine de techniciens dont elle a besoin par an. Franck Leroux, en charge de la stratégie industrielle chez Sanofi, a de son côté présenté le Campus biotech digital que Sanofi est en passe de créer, avec trois confrères de l’industrie pharmaceutique, sur son site de Vitry-sur-Seine : « ici seront organisées des formations en bio-pharmacie avec des outils numériques, de réalité virtuelle notamment », a-t-il détaillé.
« Nous devons donner envie aux jeunes de venir », a conclu Stéphane Layani, président de la Semmaris, qui gère le MIN de Rungis. C’est pourquoi il a créé la Rungis académie, un projet de campus dédié aux métiers de bouche. « Car il ne suffit pas de proposer de bonnes formations dans des bonnes écoles, il faut proposer des passerelles entre métiers et utiliser tous les outils du marketing moderne pour le faire savoir ».