Jean-François Monteils effectuait mercredi 28 avril 2021 la visite du chantier de la gare de Noisy-Champs. L’occasion de réaffirmer que le Grand Paris express sera réalisé dans sa totalité, d’annoncer une nouvelle façon de rendre compte du calendrier de livraison des lignes et de rendre hommage à ses prédécesseurs. Le président du directoire de la Société du Grand Paris a salué également l’engagement de l’ensemble des équipes de la SGP ainsi que celui de tous les acteurs de la « communauté du Grand Paris express ».
Dans quelle mesure le Covid remet-il en cause le calendrier de réalisation du Grand Paris express ?
C’est pour nous une question essentielle. Il me semble très intéressant de l’évoquer après avoir visité un chantier tel que celui de la gare de Noisy-Champs, où l’on constate un calendrier tenu, en ligne avec celui fixé par le Premier ministre en 2018, des problèmes résolus, des difficultés maîtrisées. Mais ce n’est pas forcément la même chose partout. L’appréciation des délais et d’éventuels reports par rapport au calendrier initial va passer par celle des effets de la crise pandémique. Nous sommes donc, actuellement, dans une phase d’évaluation de ces effets, qui devrait déboucher avant l’été.
En quoi consiste cette évaluation ?
Il s’agit de déterminer à quels endroits il faut actualiser notre feuille de route. On sait déjà que la crise entraine, selon les cas, de trois à huit mois de retard. Cela n’est pas sans conséquences sur les lignes olympiques, dont le calendrier a été fixé en février 2018, soit plus de deux ans avant le premier confinement. Notre travail actuel est double : il consiste à la fois à évaluer le plus finement possible les conséquences directes de cette crise et à mesurer ses conséquences en chaîne.
Envisagez-vous toujours l’ouverture de certaines lignes « en mode dégradé », notamment pour les JOP ?
Au début de la crise, nous avons réalisé que des délais allaient s’imposer, avec des conséquences majeures pour les rendez-vous fixes, tels que les JO. L’étude de solutions alternatives dégradées a alors commencé. Elle se poursuit actuellement, par l’analyse de la robustesse des solutions envisagées, et de leurs conséquences. Il pourrait, par exemple, s’agir de relier une gare à une autre, en oubliant les stations intermédiaires, ou d’ouvrir une ligne d’abord en pilotage manuel, avant de procéder à son automatisation. Mais la question de savoir si ces solutions ne sont pas globalement plus désavantageuses qu’intéressantes se pose. Il s’agit aussi de voir quelle conséquence cela aurait pour la suite du projet.
Pourquoi estimez-vous qu’il faut faire évoluer la façon dont on rend compte du calendrier de livraison du Grand Paris express ?
Nous avons probablement un progrès à effectuer sur le compte-rendu que l’on dresse de ces questions. Il m’apparaît en effet que, lorsque l’on donne une date d’objectif en la présentant comme un absolu, on ne rend pas compte de la réalité. Car sur des chantiers aussi complexes, il existe forcément des marges. Les maîtres d’ouvrage estiment généralement que la date de livraison se situe dans une zone, dans une fourchette de dates, et non à un jour fixe et prédéterminé. Si l’on parlait de coût, on évoquerait des provisions, que l’on consomme ou pas, en fonction de l’évolution des chantiers. On ne donne pas toujours une image fidèle de la réalité de ces questions.
Nous sommes donc aujourd’hui dans un travail en profondeur, que l’on présentera dès qu’il sera prêt, et qui consiste à rendre compte autrement de la réalité de ce qu’est un planning. Les équipes de la SGP fournissent un travail remarquable à ce sujet.
Confirmez-vous que le Grand Paris express sera réalisé dans sa totalité ?
Pour moi, l’idée de ligne au rabais est une idée odieuse. Cela signifierait qu’il existerait des « Franciliens au rabais » ? Ce n’est pas imaginable. Les lignes 17 et 18, parfois mises en cause, ne sont pas des lubies, mais les parties intégrantes d’un réseau de transport, qui va améliorer la desserte de centaines de milliers de Franciliens, et leur permettre d’accéder dans de meilleures conditions à l’emploi, la santé, l’enseignement ou la culture. Il n’y aura pas de lignes au rabais. L’exigence de fournir ce service extraordinaire à des millions de Franciliens, c’est ce qui fait que l’on se lève le matin !
Concernant la ligne 17, je rappellerai simplement qu’elle a été conçue avant le lancement de la construction du Terminal 4 de l’aéroport de Roissy ou d’Europacity, qui ne verront finalement pas le jour. La ligne 17 va desservir 500 000 Franciliens chaque jour dans les départements du Val-d’Oise, de la Seine-Saint-Denis et de la Seine-et-Marne. Elle n’est pas hors-sol !
Pas de changement de tracé, donc ?
Il existe un syndrome national, dont il convient à mon sens de se défaire, qui consiste, à chaque fois que l’on rencontre une anicroche à un endroit, à remettre en cause l’initiative initiale dans sa globalité.
La recherche de nouvelles économies fait-elle partie du cahier des charges de votre nomination à la présidence du directoire de la Société du Grand Paris ?
Le costkilling ne fait pas partie de mon logiciel. Ce qui me guide, c’est le bon usage des fonds publics. C’est ma formation, c’est ma culture, et je dirais presque que c’est aussi le sens de mon engagement pour le service public. Et ce n’est pas moi qui apporte cette culture au sein de la SGP, comme j’en fais le constat depuis cinq semaines. Mais il est évident qu’il faut avoir cela en tête en permanence. Au même titre que les exigences de délais, de coûts et de conformité.
Pourquoi insistez-vous sur le rôle que doit jouer ce projet en matière d’environnement ?
Nous menons un des chantiers les plus importants qui soient, en France mais aussi en Europe, et nous le faisons dans un objectif qui est d’abord de développement durable. Le Grand Paris express va améliorer la trajectoire de réduction de l’empreinte carbone de la France. C’est presque notre objet social, notre raison d’être, tout en améliorant la vie des gens. Je suis donc particulièrement attentif à ces questions, qu’il s’agisse du traitement des déblais ou du travail sur les matériaux utilisés.
Quelle est votre vision du rôle d’aménageur que doit avoir selon vous la SGP, vis-à-vis d’une opinion publique de plus en plus hostile à la construction, et à des maires attachés à leurs prérogatives en la matière ?
La fonction urbaine du réseau Grand Paris Express est essentielle. Nous ne construisons pas seulement des tunnels. Ce qui va rester, pour les gens, ce sont les gares et les quartiers qui les entoureront, la façon dont ils seront organisés, comment les transports se répartiront autour, comment l’intermodalité sera organisée. Nous construisons le métro de demain, naturellement en lien avec les acteurs concernés, je pense en particulier aux élus, qui ont cette compétence d’aménagement, la légitimité pour l’exercer et la connaissance de ce que souhaitent leurs populations.
Craignez-vous que le poids de la dette Covid amène l’Etat à puiser dans les recettes fiscales dédiées à la Société du Grand Paris ?
Je ne me place pas sur ces questions, qui échappent d’ailleurs à ma stricte compétence. Ce que je souhaite dire, c’est que j’arrive à la tête d’une société – grâce en soit rendue à mes prédécesseurs et au travail continu du directoire, depuis le début – qui a mis en place un grand nombre de dispositifs originaux, innovants, inédits dans le fonctionnement de l’action publique en France. Ce qui nous donne aujourd’hui une robustesse singulière. Il existe au sein des équipes une appropriation du projet que j’apprécie beaucoup, et qui forge une culture professionnelle commune. Je l’avais déjà connue, lorsque j’étais secrétaire général du ministère de l’Ecologie, qui intervenait dans les mêmes secteurs.
Pourquoi le fonctionnement de la SGP vous semble-t-il à bien des égards exemplaire ?
Parce qu’il existe, au-delà de la communauté du Grand Paris express, que nous formons avec un certain nombre d’autres acteurs, des dispositifs, de financement, de normalisation de nos process, qui sont particulièrement solides, dans un fonctionnement administratif très innovant. Nous sommes en train de démontrer qu’il peut y avoir une action publique efficace sur des chantiers quasi impossibles. Dans une vingtaine d’années, on l’enseignera dans les écoles.