Incinérateur d’Ivry-Paris XIII : le président du Syctom déplore des « fake news »

Dans une lettre ouverte aux candidats à la mairie de Paris, Jacques Gauthier, président du Syctom, l’agence métropolitaine de traitement des déchets, déplore les fausses informations diffusées lors du premier débat télévisé consacré aux élections municipales parisiennes, (répétées lors du second), notamment sur le prix de la reconstruction de l’incinérateur d’Ivry-Paris XIII. Il détaille également les défis à relever en la matière au cours des prochaines années.

« Lors du débat télévisé entre les candidats à la mairie de Paris, le 4 mars dernier, la question des déchets ménagers a été très légitimement abordée mais peu débattue. En effet, à cette occasion, a ressurgi une « fake news » relevant presque du statut de « légende urbaine » sur le coût supposé de la reconstruction de l’incinérateur d’Ivry‐Paris XIII, indique Jacques Gauthier dans une lettre ouverte aux candidats à la mairie de Paris. Ce coût, présenté parfois par certaines associations comme étant de 2 milliards d’euros, a été, cette fois‐ci, porté par un candidat à 2,5 milliards d’euros, sans que, semble‐t‐il, cela ne choque quiconque, poursuit-il. En ma qualité de président du Syctom, l’agence métropolitaine des déchets ménagers, il est de mon devoir de rétablir la vérité et de rappeler que le vrai montant est de 500 millions d’euros (soit cinq fois moins que le chiffre annoncé). Les élus, représentants les 85 villes de notre syndicat, dont Paris, ont voté, cette décision et ce chiffre est donc officiel ! Il est, ensuite, de ma responsabilité de rappeler à chacune et chacun, les raisons de cet investissement et les enjeux que nous devons relever. »

Jacques Gauthier, président du Syctom. ©DR

« Tout d’abord, cette reconstruction n’est plus un projet. Les travaux sont largement engagés et les recours déposés par diverses associations ont été notamment rejetés par le Conseil d’Etat le 16 décembre 2019. Cette reconstruction était devenue une obligation puisque l’incinérateur actuel cessera de fonctionner en 2024, après 55 ans de bons et loyaux services. En revanche, il faut insister sur la vision et l’engagement environnemental des élus du Syctom qui ont, il y a 15 ans, adopté le lancement de cette opération en divisant par deux la capacité d’incinération passant de 700 000 tonnes/an actuellement à 350 000 tonnes/an en 2024, tout en s’appuyant sur les meilleures et les plus modernes technologies. Cette volonté de réduire nos capacités d’incinération a déjà été démontrée lors de la reconstruction de l’usine d’Issy-les-Moulineaux inaugurée il y a 11 ans, avec une diminution des tonnages traités. Elle le sera encore dans la perspective d’une réduction similaire de l’incinérateur de Saint-Ouen, aujourd’hui à mi‐vie et en cours de rénovation. »

Un déficit de stockage de 400 000 t/an

« Dès 2024, notre agglomération, qui compte six millions d’habitants et produit plus de 2,2 millions de tonnes de déchets ménagers par an va donc se retrouver en déficit de capacité de traitement pour un tonnage avoisinant les 400 000 tonnes/an. Les grèves de janvier et février 2020, liées à la réforme nationale des retraites et qui ont touché les trois unités de valorisation du Syctom, nous ont, malheureusement, donné un aperçu des conséquences d’un déficit de capacité. En moins d’un mois et malgré la mobilisation de nos équipes et les accords passés avec les incinérateurs publics ou privés de la couronne parisienne, c’est plus de 65 000 tonnes de déchets ménagers qui ont dû être transportés et enfouis à 50 km de Paris. Au‐delà de l’impact négatif du transport, cet enfouissement génère un bilan environnemental insupportable, avec une matière organique qui ne peut retourner au sol car mélangée à des polluants et qui provoque des émanations de méthane lors de sa lente dégradation. De plus, des matières inertes comme les plastiques nécessiteront des centaines, voire des milliers d’années pour se décomposer. »

« A cette question de l’enfouissement s’ajoute le fait que, durant la période d’arrêt de nos sept fours d’incinération, le Syctom n’a pu fournir l’énergie vapeur qui chauffe via le réseau de la CPCU, l’équivalent de 300 000 logements dont les hôpitaux parisiens. La CPCU a dû se résoudre à compenser ce manque en recourant à des énergies fossiles. Est‐ce vraiment cela le modèle rêvé ? Est‐ce vraiment cela l’alternative appelée de leurs vœux par certains ? »

Usine Ivry

Vue de la future unité de valorisation énergétique du Syctom à Ivry. © Syctom

« Dans le droit fil de ce constat, était‐il opportun de « sauter comme un cabri » et de citer, à l’envi, le modèle « zéro waste » de San Francisco ? Pour ceux qui, comme nous, ont pu étudier sur place ce cas d’école, il est clair que l’affichage de « 80% de déchets recyclés » relève de la supercherie intellectuelle, alors même que ce taux inclut, en fait, les déchets alimentaires issus de 3 000 restaurants commerciaux de la ville et les déchets BTP. Il est clair que San Francisco est en avance pour la responsabilité des citoyens et la valorisation des déchets alimentaires transformés en compost, mais il faut savoir que ce modèle « vertueux et exemplaire » se satisfait d’enfouir, au pied des Rocheuses, à 120 km de la ville, 1 000 tonnes de déchets résiduels par jour (soit près de 50 % des déchets produits). »

S’engager dans la démarche « grand défi »

« Aussi, au lieu de remettre en cause les investissements déjà engagés, je forme le souhait que le futur maire de Paris s’engage, avec les 84 autres communes des territoires du Syctom, à contribuer à la mise en œuvre et au financement des mesures pédagogiques, de prévention et de détournement des flux, que nous avons arrêtées collectivement dans la démarche du Grand défi et que le Syctom a d’ores et déjà engagées. J’en appelle à la responsabilité de chacun pour que les éco‐animateurs du tri, l’harmonisation et le déploiement des poubelles de tri sélectif et demain, la collecte séparative des déchets alimentaires, ne soient pas que des promesses de campagne ! »

« Ces questions qui touchent à l’environnement, à la protection de notre cadre de vie et à la salubrité publique méritent des actes forts et non plus de simples déclarations. Au vu du déficit que j’évoquais plus haut, nous aurons, sans doute, à décider collectivement le lancement de nouveaux équipements notamment en matière de centres de tri et de traitement des déchets alimentaires. Ces choix, devront être assumés par tous, dans les instances municipales, dans nos intercommunalités et syndicats mais aussi dans l’arène médiatique. »

« Il est temps que cessent les attaques contre les unités de traitement du Syctom, alors que notre syndicat, assume la lourde responsabilité et la difficile mission de service public de traitement des déchets ménagers que les 85 communes lui apportent. Je forme le vœu pour qu’au lendemain de ces élections, que je souhaite apaisées et constructives, l’ensemble des élus, qui représentent nos six millions d’habitants, relève collectivement les défis que représente la gestion des déchets ménagers en zone urbaine dense. »

Sur le même sujet

Top